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La force de l’intelligence collective : ce que les marchés prédictifs annoncent du résultat des départementales
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Boule de cristal

Mettre bout-à-bout une multitude de cerveaux pour parvenir à établir des prédictions fiables, c'est de manière imagée ce que propose le site Hypermind. Découvrez ses anticipations pour les élections départementales des 22 et 29 mars.

Emile Servan-Schreiber

Emile Servan-Schreiber

Emile Servan-Schreiber est un spécialiste mondialement reconnu des marché prédictifs : l'intelligence collective au service de la prévision. Avant la création de Lumenogic il a fondé et dirigé NewsFutures pendant 10 ans (2000-2010). Sous son leadership, NewsFutures puis Lumenogic ont développé nombre d'applications innovantes des marchés prédictifs pour une clientèle mondiale de grandes entreprises, médias et gouvernements.

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Atlantico : Selon votre site, Hypermind, la gauche dirigerait plus probablement entre 21 et 25 conseils départementaux à l'issue des élections des 22 et 29 mars. Pouvez-vous nous en dire plus sur la méthode qui vous permet d'arriver à ces résultats ?

Emile Servan-Schreiber : Plus exactement, à l’heure où je vous réponds, Hypermind prévoit que la gauche a 34% de chances d’emporter moins de 20 départements, 40% de chances d’en emporter entre 21 et 25, et 27% de chances d’en emporter 26 ou plus.

Hypermind est ce qu’on appelle un « marché prédictif », c’est-à-dire une plateforme de paris virtuels conçue spécialement pour extraire le consensus d’une multitude de pronostiqueurs. Chaque prévision est cotée sous forme d’actions comme le serait une société en bourse, et les parieurs décident de la valeur de l’action en se l’échangeant sur un marché jusqu’à ce que la prévision soit avérée ou non. Si elle est avérée, son action vaut 100 unités d’une monnaie virtuelle. Si elle est infirmée, son action ne vaut plus rien.

Les participants qui investissent dans les bonnes prévisions font des profits, tandis que ceux qui investissent de travers sont pénalisés. Dans le cas d’Hypermind, les profits et les pertes sont virtuels, mais les meilleurs investisseurs gagnent des lots au pro rata de leur performance. Ainsi chacun est motivé pour faire les meilleures prévisions possibles.

Au final, le prix de chaque prévision, négocié entre 0 et 100, reflète précisément le consensus collectif des participants sur la probabilité qu’elle se réalise. Un prix de 30 indique une probabilité de 30% ; un prix de 75 indique 75% de chances, etc. Et ces probabilités se vérifient dans la réalité.

Pour se rendre sur le site Hypermind, c'est ici

Les résultats sont davantage marqués pour la droite que pour la gauche : comment expliquez-vous cette plus grande incertitude concernant les résultats de la gauche ?

Nous faisons parier le panel Hypermind sur le nombre de départements qui seront remportés par la gauche et par la droite (hors FN), et ces paris portent sur plusieurs intervals possibles. Dans le cas de la droite, l’interval extrême de notre barème est « 66 ou plus », alors qu‘elle n’en dirige que 40 aujourd’hui. Au fur et à mesure de la campagne, l’idée d’une décomfiture de la gauche s’est affirmée, ce qui fait que cet interval extrême concentre maintenant 77% des probabilités. La vague bleue a pris beaucoup d’ampleur.

En ce qui concerne la gauche, comme nous l’avons vu plus haut, la probabilité d’emporter au plus 20 départements talonne la probabilité d’en gagner entre 21 et 25 (alors qu’elle en contôle une soixantaine auourd’hui). Il y a donc encore un peu de suspense sur l’ampleur de la déconfiture.

La droite dirigerait quant à elle 66 départements, à 75% de probabilité. Quand on met en relation ce chiffre avec les probabilités de résultats de la gauche, peut-on en déduire que le FN pourrait remporter plus qu'un seul département ? Avez-vous des données en ce sens ?

En fait la prévision est qu’il y a 75% de chances que la droite dirige au moins 66 départements, donc cela pourrait être beaucoup plus que 66. Par ailleurs, la gauche aurait 66% de chances d’en diriger au moins 21, et presque une chance sur deux d’en diriger entre 21 et 30. Quand on croise les distributions de probabilités il ne reste plus beaucoup de place pour le FN. Mais le panel Hypermind prévoit quand même 2 chances sur 3 que le FN gagne au moins une présidence de département, ce qui serait une grosse surprise alors que le FN lui même est resté très discret sur ses chances de gagner un département.

Quelle est la fiabilité de cette méthode - qu'a-t-elle notamment donné lors des précédentes échéances électorales - et comment cette fiabilité s'explique-t-elle scientifiquement ?

Aucune méthode n’est infaillible, car il n’y a rien de plus difficile que de prévoir le futur, et c’est heureux ! Cependant, les marchés prédictifs se sont illustrés depuis plus de vingt ans par leur capacité à être plus fiables que les autres méthodes d’anticipation classiquement utilisées, comme les experts, les modèles statistiques, ou les sondages. Que ce soit pour prévoir un chiffre d’affaires, le succès d’un nouveau produit, le box office, un événement géopolitique ou un résultat électoral, on observe typiquement une amélioration moyenne de 15% à 30%, et les prévisions issues d’un marché sont meilleures les deux tiers ou les trois quarts du temps.

Récemment, l’avantage des marchés prédictifs a éclaté au grand jour avec le référendum sur l’indépendance de l’Écosse et la victoire de Netanyahu lors des dernières élections en Israël. Dans les deux cas, Hypermind et d’autres marchés prédictifs indiquaient la bonne réponse alors que les sondages étaient indécis ou carrément trompeurs. En novembre dernier, lors des élections Midterm aux Etat-Unis, Hypermind a aussi mieux prévu les résultats que tous les modèles agrégateurs de sondages proposés par le New York Times, le Washington Post, le Huffington Post, etc.

Scientifiquement, le succès de cette méthode repose sur trois principes. D’abord celui de la « sagesse des foules » : quand on combine les opinions de beaucoup de gens, dont chacun possède une partie de la vérité objective ainsi que des biais subjectifs qui lui sont propres, les morceaux de vérité s’emboîtent et s’accumulent tandis que les biais s’annulent les uns les autres. Au final il ne reste plus que le signal débarrassé du bruit. Le second principe est celui du gain. Comme sur un marché financier, on n'est récompensé que si l’on a raison avant les autres. Du coup, chacun est motivé pour s’informer et réfléchir au mieux avant de répondre, et à agir vite quand une information nouvelle surgit qui pourraitn changer la donne. Le marché incorpore ainsi les toutes dernières informations pertinentes au prévisions. Le dernier principe est biologique : le cerveau qui parie active des circuits neuronnaux spéficiques aux situations de risque et récompenses. Les émotions sont inhibées et le rationel est privilégié. Le parieur "think different".

Qu'est-ce que cette méthode apporte de plus que les sondages ?

Malgré les avertissements vertueux des professionnels, on a tendance à détourner les sondages pour en extraire des prévisions alors qu’ils ne sont pas faits pour cela. Ce ne sont que des photographies ponctuelles de l’opinion à un instant "t", alors plus l’élection est éloignée, moins la photographie a de chances de ressembler au résultat final. Un marché prédictif, lui, est conçu spécialement, et uniquement pour prédire le résultat le jour de l’élection. Le prévisionniste garde l’œil et le cerveau rivé sur l’échéance et tente de prendre en compte non seulement la situation présente mais aussi comment elle pourrait évoluer jusqu’à l’élection. De plus, chaque prévisionniste considérera non seulement ses préférences personnelles mais aussi ce qu’il perçoit de celles de son entourage. Au final le marché traitera ainsi beaucoup plus de data qu’un sondage.

Par ailleurs, pour un participant, il est beaucoup plus impliquant et divertissant d’essayer de prévoir le résultat que de répondre à un sondage. J’invite tous ceux qui se sentent quelque talent de prévisionniste à rejoindre le panel Hypermind pour se frotter à nos pronostiqueurs d’élite.

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