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Sur l’Europe, François Hollande aura tout raté et l’histoire ne lui pardonnera pas
©Reuters

Histoire d'un échec

Sur l’Europe et depuis le début du quinquennat, François Hollande a tout faux. Le dernier sommet européen a encore été marqué par l’impuissance française à éviter le déclin, ce qui a permis au président de la Commission de retrouver un pouvoir d’influence qui était très fragile et oblige l’Allemagne à jouer un rôle impérialiste qu'elle ne souhaite pas forcément.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

Il est aussi l'auteur du blog http://www.jeanmarc-sylvestre.com/.

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En Europe, le seul pays qui pose problème à une évolution plus cohérente et efficace, ce n’est ni la Grèce, ni l’Allemagne. C’est la France.

Les vieux Européens français, de Jacques Delors à Valéry Giscard d’Estaing ne décolèrent pas. Les jeunes qui ont profité d’Erasmus sont désolés par un tel gâchis, obligés pour la plupart à s’exiler en Australie ou au Canada pour trouver un vrai boulot. L’Europe n’a pas cessé de décliner dans un monde dominé de plus en plus par trois régions surpuissantes : l’Amérique du nord et du sud, l’Asie, et l’Afrique.

La responsabilité de la France dans ce déclin est considérable. François Hollande aura véritablement tout raté. La France a perdu sa crédibilité et sa légitimité à transformer cet univers hétérogène en une institution capable d’offrir aux jeunes générations un projet d’avenir. Le seul possible en dehors de l’expatriation vers les pays émergents qui tentent de plus en plus nos élites diplômées.

La France pouvait conduire ce changement. François Hollande ne l’a jamais voulu en dépit des injonctions des hommes qui, dans sa propre famille, au PS étaient les plus convaincus que la modernité passait par une politique européenne plus volontariste. Le cœur du Parti socialiste avec en plus, les écologistes de gauche comme José Bové ou les socio-démocrates comme Manuel valls.

En fait, François Hollande a commis trois erreurs historiques qui ont bloqué le changement.

La première erreur est d’avoir considéré dès son arrivée que l’Europe était à l’origine des difficultés françaises. Il a voulu faire changer le mode de fonctionnement de l’UE pour ne pas avoir à réformer la France. Il a utilisé l’Europe, Bruxelles et la BCE comme des bouc-émissaires. Ce faisant dès le début de son quinquennat, il s’est mis en marge de la communauté européenne. Il a essayé de rallier les pays du sud à sa thèse. L’Espagne, l’Italie, le Portugal ont refusé. Du coup, la France est le seul pays de la zone euro à avoir refusé d’appliquer la discipline commune. Quelle impuissance ! Près de  trois ans plus tard, l’économie française est la plus en retard de toutes les économies de la zone euro. Pas de croissance et du chômage de masse. On profite seulement du vent qui vient d’ailleurs. Et encore.

La deuxième erreur est de tricher dans la présentation de ses comptes, de faire des promesses de rééquilibrages budgétaires mais de ne pas modifier son fonctionnement afin de délivrer ces promesses. Le comble est d’avoir intrigué pour obtenir que Pierre Moscovici soit le commissaire à l’économie. Les Allemands et les autres ont fait ce cadeau à François Hollande, mais il est empoisonné. Pierre Moscovici n’a pas forcément plus de bienveillance ou de tolérance envers la France. Il est plutôt mal à l’aise. Et son crédit personnel est quand même très atteint.

La troisième erreur est de n’avoir pris aucune initiative pour renforcer la cohésion européenne. François Hollande et Manuel Valls font croire que la Banque centrale a changé de politique à la suite des demandes de la France. Cette arrogance fait rire l’Europe tout entière. La BCE a changé sous la pression des lobbies financiers (Les amis de Goldman Sachs) et l’Allemagne a finalement accepté non pas pour elle, mais pour éviter que des pans entiers de l’Europe ne s’asphyxient. Toujours est-il que la France qui a réclamé depuis deux ans une politique monétaire plus généreuse pour faire des réformes de structure ne fait strictement rien depuis que les QE ont été décidés.

Mais le plus grave est ailleurs. En dehors de l’euro, de la réglementation bancaire, de la fiscalité où la France a peu la main, il y a un domaine où on aurait pu faire avancer à pas de géant la solidarité européenne. Ce domaine est celui de la défense. La France est le seul membre de la zone euro a gérer un budget militaire considérable et par conséquent à pouvoir mener des actions de maintien de l’ordre ou de lutte contre le terrorisme. Cet effort est consenti par le contribuable français mais les effets profitent à l’Europe tout entière.

Lors du dernier sommet européen, le président de la Commission Jean-Claude Juncker a émis l’idée de mutualiser au niveau européen les dépenses militaires. L’Allemagne ne s’y est pas opposée. A priori, la France n’a pas répondu à cette idée. Considérant sans doute que ça impliquerait un partage du pouvoir de décision et donc des abandons de souveraineté. Evidemment.

C’est une erreur monumentale que de refuser d’étudier une telle évolution.

D’abord parce que la France serait maître de la situation, puisque c’est la France qui fournirait les moyens militaires.

Ensuite, on pourrait partager l’effort financier, c’est-à-dire alléger notre charge budgétaire. La mutualisation des dépenses militaires et nucléaires nous permettrait de revenir mécaniquement dans les clous de Maastricht. Les mêmes qui pendant la campagne présidentielle demandaient les Eurobonds (mutualisation de la dette) refusent aujourd’hui la mutualisation des dépenses militaires. C’est à n'y rien comprendre.

Enfin, en participant à la constitution d’une Europe plus fédérale - les Etats-Unis d’Europe, la France inventerait une structure plus capable de lutter contre le terrorisme religieux qui menace la planète tout entière. Les Etats-Unis d’Europe organisés, c’est 300 millions d’habitants, avec un niveau économique, un style de vie et des valeurs de civilisation pas plus hétérogènes ou antagonistes que celles qui composent les Etats-Unis d’Amérique.

François Hollande avait les moyens d’embarquer la gauche dans cette direction d’autant plus facilement que la majorité de la droite ne s’y serait pas opposée.

Lors de la crise de 2008, celle qui a quand même failli abattre le monde occidental, les chefs d’Etat et de gouvernement qui ont sauvé le système de la catastrophe au lendemain de la faillite de Lehman Brothers, étaient des européens. Il y en avait trois, qui ont fait le job pour tous les autres pays du monde. Il y avait Nicolas Sarkozy, Gordon Brown, le Premier ministre britannique et Angela Merkel. Ces trois-là ont mouillé leur chemise pour éviter l’explosion de l’ensemble du système bancaire mondiale. Et convaincre les autres chefs d’Etat que la situation était véritablement dangereuse pour tout le monde. Ce jour-là l’Europe a prouvé qu'elle existait.

Depuis, les opinions publiques ont oublié ce qui s’était passé. Elles ont évincé les dirigeants politiques (sauf en Allemagne) et sont retombées dans les fausses certitudes de la souveraineté protectrice.

Quant à François Hollande lui-même, il en a oublié ses convictions européennes. Faute d’assumer, d’animer et de prévoir, nous subissons contraints et forcés mais bercés d’illusions. Comme les Grecs. Ou presque !

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