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La démocratie, cette chimère
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Bonnes feuilles

Derrière la montée des mouvements et des partis "néo-populistes" en Europe, on assiste à une réinvention imprévue des nationalismes, alors qu’on les croyait définitivement affaiblis ou marginalisés par la mondialisation et l’intégration européenne. Extraits de "La revanche du nationalisme", de Pierre-André Taguieff aux éditions PUF (2/2)

Pierre-André Taguieff

Pierre-André Taguieff

Pierre-André Taguieff est philosophe, politologue et historien des idées. Il est directeur de recherche au CNRS, rattaché au Centre de recherches politiques de Sciences Po (CEVIPOF).

Il est l'auteur de « Théories du complot. Populiams et complotisme » publié le 23 mars 2023 aux Éditions Entremises. Il a également publié Les Fins de l’antiracisme (Michalon, 1995) et La Couleur et le sang. Doctrines racistes à la française (Mille et une nuits, 2002) et Israël et la question juive (Les provinciales, juin 2011). Il a aussi publié sous sa direction, en 2013, le Dictionnaire historique et critique du racisme, aux Presses universitaires de France. 

 

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Toutes les réflexions sur le populisme politique contemporain en Europe nous ramènent à la question de la démocratie. Tout d'abord, parce que les revendications nationalistes ou identitaires s'entrecroisent avec les aspirations démocratiques, non sans insuffler à ces dernières des tendances autoritaires – la révolution ukrainienne de février 2014 et ses suites convulsives en auront constitué une expérimentation. Ensuite, parce que l'imaginaire néopopuliste oscille entre des idéaux hyperdémocratiques et une méfiance de principe à l'égard des systèmes démocratiques institués, susceptible de se radicaliser en position antidémocratique explicite, s'accompagnant de l'inévitable appel au Sauveur.

En outre, l'histoire du XXe siècle et du XXIe commençant donne de nombreux exemples d'élections libres ou démocratiques gagnées par des partis de style populiste professant des idées antidémocratiques et autoritaires. Rien n'empêche un antidémocrate convaincu de se présenter à des élections libres, en espérant s'installer au sein d'un régime démocratique pour le détruire ou le vider de son sens. C'est là ce qu'on peut légitimement craindre de certains leaders néopopulistes européens.

Dans les démocraties représentatives et pluralistes, les groupements politiques ou politico-religieux intolérants exigent de bénéficier du pluralisme lorsqu'ils sont minoritaires, mais bloquent le fonctionnement du système pluraliste lorsqu'ils acquièrent du pouvoir ou parviennent au pouvoir. Des régimes autoritaires s'installent ainsi en douceur. Parmi les mots fétiches du vocabulaire politique, Richard Hoggart distingue les « mots hourra » (« hurrah » words) des « mots huées » (ou repoussoirs : « boo » words), les premiers désignant avant tout examen, dans un contexte déterminé, ce qui est bien ou bon, les seconds désignant ce qui est mal ou mauvais. Ces désignations ont valeur performative : en les employant, on valorise ou dévalorise le phénomène ainsi désigné.

Il va sans dire que, aujourd'hui, « populisme » est un mot qui blâme, alors que « démocratie » est un terme d'éloge. Mais la « démocratie » est-elle autre chose qu'un mot recouvrant une fiction chère aux Modernes ? Seuls les libéraux sceptiques et les cyniques téméraires osent affirmer, comme Sartori, que « démocratie » est le « nom pompeux de quelque chose qui n'existe pas », ou que ce nom cache aux plus naïfs le fait que les régimes dits démocratiques sont des oligarchies, voire des oligarchies ploutocratiques, ou des systèmes de type aristocratique à visage pluraliste.

Extraits de "La revanche du nationalisme", de Pierre-André Taguieff aux éditions PUF, 2015

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