Vous voulez manger halal (ou cacher) ? Bien sûr, mais ça implique quelques contraintes

Le coq est – comme nul ne l’ignore – l’animal emblématique de la France. Dressé sur ses ergots, il passe son temps à courser les poules. Et d’un horrible cocorico, il réveille les braves gens à pas d’heure. De surcroît, il est immangeable : il faut le cuire et le recuire pour obtenir un étouffe-chrétien indigeste du nom de coq-au-vin… Il convient d’en finir avec le culte imbécile qui lui est voué.

C’est le cochon, le bon, le gras cochon bien de chez nous qui doit le remplacer. Le cochon est déjà roi en Alsace où les chapelets de saucisses ambitionnent d’occuper la place de ceux utilisés pour la prière. Il est prince en Mayenne qui baigne dans un océan de rillettes. Il trône en Auvergne sous la forme de très belles collines de boudin. Partout, du nord au sur, d’est en ouest, saucissons, jambons, pâtés, chantent sa gloire impérissable.

Vive le cochon, donc ! Mais tout le monde en France ne l’apprécie pas à sa juste valeur. Musulmans et juifs le stigmatisent, le rejettent et le calomnient. C’est injuste, mais le cochon, superbe et généreux, s’en moque, traitant ces basses attaques par le mépris. Il n’empêche que certains de ses contempteurs nourrissent à son égard des revendications spécifiques et bruyantes. Le cochon serait islamophobe, tout comme Sarkozy et le maire de Châlons.

Toute foi, sincèrement vécue, est respectable, quand elle fait l’objet de pratiques rigoureuses : cela implique des contraintes. Tel n’est plus le cas du catholicisme, cette religion étant engagée sur la voie d’un triste ramollissement : qui sait encore ce que Carême veut dire ? Mais chez les musulmans (et les juifs), la piété est grande. Halal et cacher sont des obligations auxquelles tout pratiquant honnête ne peut se soustraire.

Pour cette raison, des juifs pieux quittent la France afin de vivre, épanouis, leur religion en Israël. Les musulmans pratiquants, eux, disposent de pays d’accueil bien plus nombreux… Nul pour autant n’est obligé de partir. Les gamins juifs de stricte observance se rendent à l’école avec des sandwichs cacher : la cacherout, en effet, est très contraignante et ne se contente pas de maudire le porc. Pour les gamins musulmans, les sandwichs halal, ça doit bien exister ?

On conviendra que la France n’est peut-être pas le pays idéal, avec son culte du cochon, pour ces enfants-là, pour ces deux religions. Mais ce qui fait aussi la beauté d’une foi, ce sont les sacrifices (petits en l’occurrence) que l’on consent pour elle. Pour ma part, n’ayant aucune pratique religieuse, je me contenterai d’un simple commentaire gastronomique. Je ne raffole pas du cochon. Je lui préfère le méchouis (halal) excellemment cuisiné à l’Etoile d’Agadir, un restaurant où j’ai mon rond de serviette. Il m’arrive également de me rendre parfois Chez Bébert pour un rôti de porc purée. Un hommage nécessaire à sa Majesté le Porc. Et aussi pour me rapprocher des gens qui ne roulent pas sur l’or. Comparez le prix d’une tranche de gigot à celui d’une côte de porc…