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Education : l'étude qui vous fera renoncer à être un parent béat devant votre enfant
©Reuters

Narcissisme

Une équipe de chercheurs aurait déterminé l'origine du narcissisme croissant chez les jeunes Occidentaux.

Jean-Michel   Fourcade

Jean-Michel Fourcade

Jean-Michel Fourcade est docteur en psychologie clinique. Il est président de l'Association Fédérative Française des Organismes de Psychothérapie (AFFOP) et directeur de la Nouvelle Faculté Libre - NFL - Formation en psychothérapie intégrative.

il est l'auteur de plusieurs livres, dont "Les bio-scénarios, clés énergétiques du corps et de l'esprit" (2007).

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Constatant que le narcissisme gagne de plus en plus de terrain chez la jeunesse occidentale, une équipe de chercheurs rattachée aux universités d'Amsterdam et de l'Ohio a tenté d'en déterminer les origines chez les enfants. En suivant pendant un an et demi 565 enfants âgés de 7 à 11 ans et leurs parents (415 mères et 290 pères), ils ont observé que les plus narcissiques étaient ceux dont les parents ont tendance à "surestimer" leurs enfants.

Atlantico : Quel est le mécanisme à l'œuvre derrière cette observation ? Comment le fait de faire sentir à son enfant qu'il est "spécial" contribue-t-il à nourrir sa part de narcissisme ?

Jean-Michel Fourcade : Tout enfant intériorise le (les) désir(s) de ses parents de façon plus ou moins exclusive par rapport à ses propres désirs, lesquels se construisent dans une autonomisation psychique, affective, émotionnelle progressive. Un enfant est en particuliers investi des idéalisations de ses parents, qui eux-mêmes doivent faire le deuil de « l’enfant idéal ». Si cela n’a pas lieu, l’enfant restera « spécial » pour eux, ce qui favorise qu’il ait une image « spéciale » (sur-valorisée , différente et au dessus des autres) de lui-même.

Cette étude fait aussi apparaître que les cas de narcissisme sont moins nombreux chez les enfants dont les parents se sont contentés de les entourer d'affection sans les pousser à se sentir meilleur que les autres. Cependant la "suraffection" peut-elle, elle aussi, produire des enfants centrés sur eux-mêmes et convaincus de leur supériorité sur les autres ?

J.-M. F. : L’enfant qui, dans un premier temps, vit sa toute-puissance, doit apprendre à accepter d’abord les limites à ses besoins  et à ses désirs. Il l’apprend dans la relation d’amour et d’acceptation de la présence de l’Autre (ses parents, ses éducateurs, sa fratrie, ses camarades d’école). L’étape suivante est la prise de conscience que les interdits qui lui sont donnés sont des interdits qui s’appliquent aussi à ceux qui les lui imposent, et qu’ils les respectent. La « suraffection » est celle d’éducateurs qui ne savent pas punir en cas de non respect des règles, des lois, et plus généralement, en cas de non-respect de l’Autre en tant que personne semblable à soi. La supériorité est celle de l’enfant qui se vit au dessus de lois et qui ne voit dans les autres que les objets de sa seule jouissance.

Faut-il en déduire que les parents ont intérêt à éduquer leurs enfant non pas en faisant d'eux des êtres uniques, mais qu'au contraire, ils ne sont pas meilleurs que les autres enfants ?

J.-M. F. : Un très jeune enfant a besoin par moment de se sentir « unique » pour ses parents et aimé « inconditionnellement » ; à d’autres moments il vérifie qu’il garde l’amour de ses parents même s’il n’est par le meilleur. Subtil mélange d’encouragement à faire de son mieux, parfois à faire mieux que les autres, mais aussi à accepter que d’autres soient « meilleurs » que soi dans certains domaines sans pour autant perdre l’estime de soi.

Plus globalement, à quoi dont-on cette poussée de narcissisme dans le monde occidental ? Est-ce l'époque qui veut cela ?

J.-M. F. : Le constat fait par les sociologues – en particuliers les sociologues cliniciens (« L’individu hypermoderne » de Nicole Aubert et autres) montre que les grands repères sociaux (la Famille, l’Ecole, l’Armée, l’Eglise, le Parti politique, le Syndicat etc) de la société occidentale patriarcale et capitaliste des XIXème et XXème siècles, ont perdu leur force. L’évolution des techniques de communication donnent à l’adolescent des ouvertures et des informations sur d’autres mondes culturels que celui de sa famille et son groupe social d’origine par rapport auxquels il ne se définit plus comme avant. L’organisation des marchés valorise la consommation en s’adressant (par la publicité) à l’individu (le consommateur) au détriment de la solidarité. La valorisation de l’individu (donc de soi et de l’image de soi donnée aux autres) par rapport à l’ordre social - qui commence à le Renaissance -, devient le moteur principal et le donneur de sens à l’existence. Les intégrismes sont les forces inverses de ces tendances sociales.

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