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L'avantage, dans les villages, c'est qu'on ne s'attend de toute façon pas à avoir des services publics mirobolants.
L'avantage, dans les villages, c'est qu'on ne s'attend de toute façon pas à avoir des services publics mirobolants.
©Flickr / jean-louis zimmerman

Désertification rurale

A quelques jours des élections départementales se sont tenues, à Laon, les Assises de la ruralité. L'occasion de dresser une petite typologie de la déception territoriale.

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe est le fondateur du cabinet Parménide et président de Triapalio. Il est l'auteur de Faut-il quitter la France ? (Jacob-Duvernet, avril 2012). Son site : www.eric-verhaeghe.fr Il vient de créer un nouveau site : www.lecourrierdesstrateges.fr
 

Diplômé de l'Ena (promotion Copernic) et titulaire d'une maîtrise de philosophie et d'un Dea d'histoire à l'université Paris-I, il est né à Liège en 1968.

 

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Onze membres du gouvernement se sont déplacés à Laon pour les Assises de la Ruralité. A quelques jours des départementales, l’enjeu était évident: Manuel Valls voulait prouver qu’il n’oubliait pas les campagnes et qu’il allait se mobiliser pour rétablir cette fameuse égalité territoriale que chacun fantasme à sa manière.

De façon très symptomatique, son annonce la mieux retenue est l’injonction de supprimer dans les dix-huit mois les « zones blanches », c’est-à-dire les zones sans couverture 3G. Ce faisant, il prolonge allègrement le mythe de notre société déceptive, selon lequel les équipements publics ou collectifs annoncés sur le papier sont parfaitement à l’oeuvre.

Les Français savent pourtant que, même dans les centres villes, les équipements qui sont affichés comme actifs ne manquent pas d’être défaillants. L’occasion était donc trop belle pour ne pas pointer du doigt la typologie française de la déception territoriale, celle où la réalité est si éloignée des discours publics.

Catégorie la moins déceptive : les zones rurales peu subventionnées, c’est-à-dire majoritairement au Nord de la Loire. Ces zones ont un seul avantage : elles sont souvent à proximité d’une ville. Pour le reste, on y croise peu de fonctionnaires, peu de collèges ou d’hôpitaux de proximité, et les transports publics y sont aussi désastreux qu’ailleurs. Là-bas, on vit dans un « trou » et on le sait

Catégorie faiblement déceptive : les petites villes pauvres du Nord de la Loire (Maubeuge, par exemple) et les banlieues des grandes métropoles. Les équipements collectifs y sont désastreux, mais on le sait (et l’on n’est donc pas déçu). Les forces de police sont quasi-absentes de ces espaces formidablement criminogènes, les médecins sont rares et les hôpitaux faméliques. Les écoles publiques y sont de la pire qualité et les enseignants les fuient à toutes jambes. Ces espaces sont de véritables trappes à pauvreté: y naître, c’est déjà être discriminé. D’ailleurs, il ne faut jamais mentionner son adresse, lorsqu’on y habite, sur un curriculum vitae, car elle constitue un repoussoir, surtout si l’on a moins de trente ans.

Catégorie déceptive : les campagnes et les petites villes du Sud de la Loire. On y va pour la qualité de vie, et on s’aperçoit que c’est un peu moins simple qu’on ne croyait. Les transports en commun sont défaillants et généralement peu organisés. Les réseaux ne fonctionnent pas: ouvrir un compteur électrique se transforme parfois en chemin de croix, l’eau est chère, le téléphone ne passe pas. Il y a bien un collège à proximité, mais ses soixante élèves sont divisés en trois classes qui ressemblent plus à une garderie qu’à un établissement d’enseignement.

Catégorie vraiment déceptive : le chef-lieu d’arrondissement du Sud de la Loire. On en vante les mérites sur tous les dépliants touristiques, mais les photos qu’on y voit relèvent plus du carton-pâte que de la réalité. La maternité locale ? Une sorte de parcours para-commando. On y entre enceinte, mais on n’est jamais sûr d’en ressortir. Même commentaire sur l’hôpital local dont on ressort généralement plus malade qu’on y est entré. Dès le collège, on songe à l’internat, ou au déménagement, pour donner une chance aux enfants de s’en sortir un jour. On a bien le haut débit, mais il tombe en rade tous les quatre matins.

Catégorie fortement déceptive : les banlieues moyennes et les quartiers périphériques des grandes villes. On y croise un peu plus de policiers que dans les banlieues pauvres, mais ils refusent d’enregistrer votre plainte quand vous en avez une. Les lycées et les collèges sont bien dotés, mais les enseignants sont absents un jour sur deux. Les impôts locaux vous étouffent, ou alors vous constatez que les meilleurs équipements sont concentrés dans l’hypercentre. Orange vous a refourgué un abonnement à 20 Mega d’Internet, mais votre débit ne dépasse jamais les 2 Mégas, en réalité.

Déceptif hors catégorie : Paris centre, où tout est chiqué. Vous voulez prendre le RER ? Il fonctionne comme il peut, surtout entre le Châtelet et la Gare du Nord. Internet est partout, à condition d’habiter tout près des terminaux. Plus vous vous en éloignez, moins votre débit est bon. Les médecins de ville sont légion, mais ils sont tous en dépassement d’honoraires. Vous voulez faire la fête ? Les lieux collectifs ouverts après minuit se compteront bientôt sur les doigts de la main (35 heures obligent). De toute façon, les bobos de l’hypercentre ne supportent plus le bruit et appellent la police (en effectif pléthorique) dès que vous prononcez un mot plus haut que l’autre sur un trottoir. Quant aux boîtes de nuit, leur tarif d’entrée est un vrai argument pour ne pas y aller: avec l’argent de poche qu’il vous reste une fois le loyer payé, il vaut mieux rester chez vous.

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