Georges-Marc Benamou : “La dream team de Sarkozy ayant mené à la victoire de 2007 n’existe plus aujourd’hui”<!-- --> | Atlantico.fr
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Nicolas avec Henri Guaino et Claude Guéant
Nicolas avec Henri Guaino et Claude Guéant
©REUTERS/Philippe Wojazer

Splendeur passée

Nicolas Sarkozy tente de donner une nouvelle impulsion à l'UMP en rebaptisant le parti. Une initiative qui ne parvient pas à renouer avec la créativité qui caractérisait la "conquête" de la période 2005-2007. Entretien avec l'un de ses anciens conseillers.

Georges-Marc Benamou

Georges-Marc Benamou

Georges-Marc Benamou est producteur de cinéma et journaliste. Ancien conseiller de Nicolas Sarkozy, il est notamment l'auteur de Comédie française: Choses vues au coeur du pouvoir (octobre 2014, Fayard), ainsi que de "Dites-leur que je ne suis pas le diable" (janvier 2016, Plon).

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Atlantico : En 2007 vous faisiez partie des conseillers de Nicolas Sarkozy. Quelle était sa principale force à l'époque ?

George-Marc Benamou : Nicolas Sarkozy avait réussi à créer autour de lui une sorte de "dream team" tout à fait baroque. Christine Clerc dit que les grands présidents ont un "zoo". Et c'est ce qu'il avait fait dans les réunions stratégiques du mercredi : il s'y trouvait aussi bien le sévère Guéant que le social-libéral Bénamou, le souverainiste Guaino que le créatif Goudard qui filtrait les idées, les jeunes comme Martinon, Dati… les compétences était variées et multiples, et c'est dans cette espèce de désordre plein d'appétit que s'est élaboré le programme présidentiel de 2007.

Nicolas Sarkozy avait le goût de la transgression, pour le meilleur quand cela libère une grande créativité, et pour le pire car il a dû assumer les transgressions de Patrick Buisson par la suite. Cette magie de la "dream team" s'est très vite évanouie au moment de l'entrée à l'Elysée, au profit d'un contrôle quasi exclusif de Patrick Buisson, entouré de Giacometti et de Goudard.

Mais je garde le souvenir d'un foisonnement, avec des jeunes gens moins connus venus du marketing ou d'Amérique, des personnes amenées par Emmanuelle Mignon… Il y avait une équipe, et une espérance.

Lire aussi : La méthode Sarkozy : le match des idées et des hommes “2005-2007” contre “2015-2017”

Ce foisonnement de personnalités était une force, mais revêtait-il aussi des faiblesses insoupçonnées ?

Très vite, une dyarchie s'est constituée. Il y avait "la Firme", c’est-à-dire toute la bande de Frédéric Lefebvre, qui menait campagne d'une certaine manière, et le groupe qui menait la campagne officielle. Entre les deux, il y avait peu de personnes pour faire la jonction, à l'exception de Laurent Solly et Jean-Michel Goudard. Le groupe de campagne officiel était plutôt mené par Claude Guéant. Malgré la guerre que se menaient les hommes de la Firme et ceux de Guéant, cela donnait un moteur à explosion duquel surgissaient des idées, des initiatives et un cap qui à l'époque étaient assez proches d'une autorité à la Clémenceau et d'une modernité économique à la Tony Blair. C'est là-dessus que le discours du 14 janvier s'était constitué.

En tant que personnalité, était-il facile à suivre et à gérer en campagne, mais aussi une fois arrivé à l'Elysée ?

Nicolas Sarkozy n'est pas un très bon manager. Sa volonté de tout contrôler, d'écarter le Premier ministre et les ministres a conduit à une sorte d'engorgement des cerveaux à l'Elysée. Humainement, on ne peut pas tout contrôler. A ce péché initial sont venus s'ajouter les soucis de vie privée, qui dès la première année ont parasité l'action politique. Le privé l'a trop souvent emporté sur le général.

En outre, la campagne et la présidence étaient très différentes. La fonction isole. Il est à noter que la plupart des membres créatifs de l'équipe ont rapidement été mis de côté. A la fin il n'y avait plus personne de cette bande, qui était pourtant très fidèle. Mais cet isolement, François Hollande en fait lui aussi l'expérience.

Le phénomène de cour autour de sa personne lui a-t-il nui ?

Je n'ai pas connu le phénomène de Cour durant la campagne, car celle-ci était sous le signe de l'efficacité et de l'entente. L'équipe de Ségolène Royal nous enviait cette atmosphère. Aujourd'hui je ne suis pas certain qu'on puisse dire qu'il a une Cour. Il est affaibli, il en retrouvera donc une lorsqu'il reviendra en grâce.

La créativité de 2005-2007 ne se retrouve plus du tout aujourd'hui, selon vous ?

Il me semble qu'on ne la retrouve pas. L'expérience du pouvoir a laissé des traces, des traumatismes, une absence d'idées fortes puisque que le "logiciel Buisson" a été débranché : on se pose les mêmes questions que s'il s'agissait d'un immense boxeur prêt à remonter sur le ring.  Tout est possible. Pour l'instant il n'est pas au mieux de sa forme, et j'ai l'expression que sa forme de management des hommes, parfois son manque de fidélité, l'ont isolé. Avant ses proches n'avaient pas peur de proposer des choses un peu folles. Aujourd'hui, la forme de "terreur" installée autour de lui peut avoir un effet annihilant sur la créativité des groupes.

Pourquoi avait-il réussi à rassembler des gens aussi différents en 2005, et pas aujourd'hui ?

Quand on a été un roi qui a été jeté de son cheval, le cheval étant le peuple français, sanguin et imprévisible, il est difficile de se remettre en selle. Il a toujours l'énergie, mais il n'a plus la créativité. Le problème fondamental, qui s'est posé à Giscard, est celui du retour d'un président battu. Est-ce possible ? Ce serait inédit dans la Ve République. Et puis à vouloir flatter le centre et la droite forte, on ne voit pas bien quelle est sa ligne. La synthèse créative ne suit pas.

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