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Manuel Valls Premier ministre ; Arnaud Montebourg homme libre : deux quadras à contre-courant
©Reuters

Bonnes feuilles

Après la guerre Mitterrand-Rocard, puis le duel Jospin-Fabius, le parti socialiste se prépare à un nouveau combat entre deux grands fauves politiques, seuls rescapés de la génération des ambitieux "quadras" du PS, laminée par les éléphants et par l'épreuve du pouvoir. Extraits de "Monteboug / Valls, la nouvelle guerre des Deux-Roses" de Christine Ollivier aux éditions First (2/2)

Christine Ollivier

Christine Ollivier

Journaliste politique au JDD.

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Si Arnaud Montebourg, désormais libre, ne cache guère son envie d’en découdre, Manuel Valls est, lui, contraint par son rôle de Premier ministre. « Manuel a quand même pris un risque énorme : il a lié son destin pour une part à celui du président de la République », souligne Gaëtan Gorce. Co-comptable du bilan de François Hollande, il ne peut guère se retourner contre le chef de l’État, surtout après avoir limogé les réfractaires du gouvernement au nom de la « cohérence » de la ligne politique. « Manuel a fait un pari, qui était déjà celui de Michel Rocard avec François Mitterrand : plus loyal et fidèle que moi, tu meurs, analyse Jean Glavany. Il a compris qu’il n’y avait pas d’espace politique pour quelqu’un qui se servirait de Matignon pour mener un combat, public ou sournois, contre le président de la République. Il s’y casserait les dents. Il a fait ce choix », et ce même s’« il est parfaitement conscient des défauts de François ».

« Manuel Valls n’a aucun intérêt à trahir Hollande et à passer pour le traître », confirme Christian Gravel, et ce même en cas de « désastre absolu ». « Il peut y avoir des crispations et des tensions » mais « je ne crois pas à la thèse du poignardage. En revanche, si c’est la gauche qui dit à Hollande : on ne veut plus de toi… ». Toute l’ambiguïté de la position de Manuel Valls est là : s’il a opté pour une loyauté sans faille au chef de l’État pour mieux viser la présidentielle de 2022, il se tient néanmoins prêt à participer à une primaire dès 2016 si François Hollande décidait de se retirer.

Mais d’ici la fin du quinquennat, la route est encore longue, et François Hollande pas encore battu. « Je ne crois pas qu’il ait renoncé. Les hommes politiques ne renoncent jamais, met en garde Carlos da Silva. En politique, vous n’êtes mort que si vous décidez de mourir ». « C’est François Hollande le maître du jeu, constate même un proche de Montebourg, en rappelant qu’en 1988 François Mitterrand avait attendu le tout dernier moment, un mois seulement avant l’élection, pour lever le doute sur sa candidature. « Hollande fera tout pour tenir ses dix ans et il est d’un cynisme absolu. Le sujet se posera début 2016 pour lui », souligne-t-il. 

En attendant, le premier round de la bagarre de 2017 va se jouer lors du congrès du Parti socialiste. Il sera alors temps pour chaque camp de se compter. Les statuts du PS prévoyaient initialement la tenue d’un congrès « à mi-mandat », soit en novembre 2014. Seulement voilà : le sujet est devenu tellement explosif qu’il a donné lieu à un long bras de fer pour fixer la date de la grand-messe des socialistes, qui s’est terminé en défaite pour les amis du président de la République. La grande explication se tiendra finalement en juin 2015, comme le souhaitaient les détracteurs de François Hollande : les frondeurs, les proches de Martine Aubry, de Benoît Hamon et d’Arnaud Montebourg. Leur objectif : tenter d’imposer à cette occasion une nouvelle ligne politique pour combattre le « social-libéralisme » du duo Hollande-Valls. « Cela va être un congrès d’orientation.

Il y a un vrai enjeu de ligne politique, souligne Jean-Marc Germain. Objectivement, il y a une situation nouvelle. Il y a la révision des 100 000 kilomètres à faire ». Il sera alors temps, aussi, d’évoquer une éventuelle primaire.

Les amis du chef de l’État, eux, auraient préféré que le congrès se tienne le plus tard possible, début 2016. À un an de l’élection présidentielle, les socialistes auraient alors été moins tentés de se diviser. « Si on fait un congrès trop tôt, on va au casse-pipe, s’inquiète Luc Carvounas. Il y a deux lignes politiques au PS. Sur le papier, si on additionne les amis d’Aubry, de Montebourg, d’Hamon, et ceux d’Emmanuel Maurel, tout ce petit monde-là fait la majorité. Nous sommes minoritaires aujourd’hui ». Pour autant, ajoute-t-il, « ils ont un problème : c’est qui leur leader ? ».

C’est bien la chance de François Hollande et Manuel Valls à l’heure actuelle : les contestataires de la ligne gouvernementale avancent en rangs dispersés. Quand Arnaud Montebourg tenait en octobre son « université d’automne » à Laudun-l’Ardoise, près d’Avignon, Benoît Hamon réunissait ses amis le même jour à Vieux-Boucau, dans les Landes. Et tous deux s’interrogent encore sur les intentions de la maire de Lille Martine Aubry, qui a fait un retour tonitruant sur la scène politique nationale à la rentrée 2014.

Pendant ce temps, les « vallsistes » s’organisent. Pas question officiellement de créer un courant. « Pour Manuel Valls, les courants, ça ne marche pas. Pour lui, il faut être en réseau de fi délités », explique Luc Carvounas, qui préfère donc évoquer un « rassemblement, autour de ce qui unit Manuel Valls et François Hollande ». Le projet, néanmoins, ressemble fort à la construction d’une écurie présidentielle. « Le chantre de la social-démocratie française, c’est Manuel Valls. Parmi tous les orphelins de Dominique Strauss-Kahn ou de Pierre Moscovici, il y a un mouvement vers Manuel qui est totalement naturel. Il est devenu le référent de cette ligne politique qui est aujourd’hui majoritaire en France », poursuit Luc Carvounas. Déjà, il parraine depuis 2013, avec le député vallsiste Carlos Da Silva, une association de jeunes socialistes baptisée « Génération 6 mai » et présidée par Matthieu Mayer, collaborateur parlementaire du sénateur Carvounas. S’ils se défendent de rouler pour Manuel Valls, l’association se fixe pour objectif de « promouvoir une social-démocratie à la française », quitte à faire concurrence au MJS (Mouvement des jeunes socialistes), proche de Benoît Hamon. Le moment venu, l’association pourrait bien faire office de vivier vallsiste pour une future campagne.

Si Manuel Valls n’a pas de courant, il prend en tout cas soin de cultiver ses amitiés, et ce depuis le début de sa vie politique. « Il a toujours conservé un lien avec les uns et les autres depuis Rocard, souligne Michèle Sabban. Il est très fidèle et il n’oublie rien ». La preuve ? « Il a été un des premiers à m’appeler » quand l’ex-vice-présidente du conseil régional d’Ile-de-France a été mise en cause pour avoir bénéficié d’un logement social. Et des amis, Manuel Valls en a de plus en plus depuis qu’il est à Matignon. D’autant plus qu’au sein du gouvernement, il n’a pas oublié de promouvoir une jeune garde, qui pourrait constituer demain son armée, de Najat Vallaud-Belkacem à Emmanuel Macron en passant par Fleur Pellerin. Dans la guerre des deux gauches qui s’annonce, chacun fourbit déjà ses armes.

Extraits de "Monteboug / Valls, la nouvelle guerre des Deux-Roses" de Christine Ollivier aux éditions First (2/2)

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