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Le printemps arabe débarque 
à Deauville
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Women’s forum

Pour sa 7ème édition, le Women's Forum a rassemblé à Deauville 1400 dirigeantes d’entreprises et politiques venues de 88 pays. Mais la condition de la femme dans les pays du printemps arabe est restée au coeur de tous les débats.

Martine Esquirou

Martine Esquirou

Martine Esquirou est éditorialiste, critique littéraire et consultante en communication stratégique et multimédia.

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Les femmes arabes auront été les grandes stars de la 7ème édition du Women’s Forum, à Deauville. Dominé par les questions économiques liées à la crise financière et au changement climatique, le forum s’est laissé bousculer par l’optimisme communicatif des déléguées des pays arabes. Comme un écho joyeux au combat de la Birmane Aung San Suu Kyi, célébré dans le film de Luc Besson The Lady, présenté en avant-première au forum. Des déléguées de Tunisie, du Yémen, d’Egypte et d’Iran sont venues témoigner à visage découvert, tête nue, du courage de leurs concitoyennes et des espoirs suscités par le printemps arabe, pour le droit des peuples à choisir leur avenir. Leur confiance, leur enthousiasme et leurs priorités ont éclipsé tous les autres échanges sur un forum qui essayait d’oublier le vent mauvais de la crise…

Menaces de retour en arrière

Jeunes, déterminées, militantes de la rue, la Tunisienne Arima Yahyaoui et la Yéménite Nwada Al Dawsari ont ainsi appelé vendredi à Deauville les pays occidentaux à soutenir leur « révolution » en leur demandant d’investir sur leurs économies pour éradiquer la pauvreté. « Les jeunes de nos pays souffrent du manque d’emplois et de perspectives. Soutenez notre économie, nous nous occuperons du reste », a lancé la frêle Arima, bloggeuse et professeur à Tunis. « L’Occident ne doit pas trop attendre pour faire preuve de confiance et investir de nouveau dans les pays du printemps arabe », a lancé en écho l’Egyptienne Moushira Mahmoud Khattab, ancien ministre de la famille en Egypte et militante des droits de l’homme. Elle voit un vrai danger dans la fragilité des situations actuelles. « Le plus difficile n’est pas de renverser les dictateurs, a-t-elle rappelé, c’est de construire ensuite une vraie démocratie ». Pour elle, l’après-révolution en Egypte porte en germe des signes inquiétants de régression : «les Islamistes sont en train peu à peu de gagner du terrain et de contester le peu de droits que nous avions obtenus : nous devrons nous battre à nouveau contre le mariage des enfants, et pour le droit de divorcer librement ».

Que l'Iran serve de leçon !

Dans le feu de la révolution yéménite, dans laquelle les femmes se sont majoritairement engagées, la jeune Nwada est favorable à ce que les islamistes puissent prendre le pouvoir, par un vote populaire: « si c’est un processus démocratique qui institue un gouvernement inspiré par la charia , je ne m’y opposerais pas »,dit-elle. Arima est plus circonspecte : « nous avons besoin de liberté religieuse, mais pour cela, nous devons absolument séparer l’Etat et l’Islam dans nos constitutions », a-t-elle affirmé, remarquant combien les dérives peuvent être faciles. « Nous avons une responsabilité particulière, en Tunisie, vis-à-vis de tout le monde musulman, et nous devons faire la preuve que l’Islam et la démocratie peuvent co-exister dans un pays laïc ».

Prix Nobel de la Paix en 2003, interdite de séjour dans son pays, l’Iranienne Shirin Ebadi a longuement mis en garde ses cadettes à la tribune du Women’s Forum. « Ne vous faites pas confisquer votre révolution : que l’Iran vous serve de leçon, pour ne pas reproduire ailleurs les régressions que nous connaissons, sur la polygamie, le droit au divorce, le refus de droit de garde de l’enfant par la mère ». Longuement ovationnée, elle les a prévenues avec force. « Négociez dès maintenant les droits absolus des femmes dans la constitution contre votre engagement actuel. Vous n’aurez pas une deuxième chance ». Inquiète, elle observe dans les pays de la révolution arabe des premiers signaux alarmants : en Egypte, l’arrestation par les militaires des militantes des droits civiques pour leur faire passer des tests de virginité, ou en Tunisie, la mise à sac des bureaux de la chaine télévisée qui avait diffusé le film de Marjane Satrapi, Persepolis, traitant avec humour de la condition féminine en Iran.

"Eté arabe"

Avocate, Shirin Ebadi a payé le prix fort pour sa lutte en faveur des droits des femmes. Depuis 2009, elle n’a pas pu rentrer à Téhéran, où vit toujours sa famille. En dépit de l’aggravation de la répression par le régime actuel, elle veut croire à un possible printemps en Iran aussi. « Notre tour viendra, dit-elle , mais ne répétez pas nos erreurs. Faites inscrire dans la constitution la séparation de l’Etat et de l’islam. Proposez une version féminine de la charia. Ce n’est pas elle qui s’oppose aux droits de l’homme et à la justice. C’est l’interprétation qu’en font les gouvernements pour la tourner à leur avantage. »

Malgré l’absence des Libyennes et des Syriennes, les jeunes femmes arabes ont affirmé tranquillement sous le ciel pâle de Deauville leur confiance en l’avenir : « On va réussir : nous allons créer les conditions de la démocratie ! » ont-elles lancé vendredi. Après leur printemps, elles sont prêtes à s’élancer pour un « été arabe »…

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