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Un créateur d’entreprise sur 2 est demandeur d’emploi : la statistique qui en disait long sur inadéquation des réponses au problème du chômage en France
©Reuters

Apparences trompeuses

Le portrait-robot de l'entrepreneur 2014 dressé via une étude de Legalstart relativise les bons chiffres français en matière de création d'entreprise... et l'efficacité du suivi public des chômeurs.

Alexandre  Pesey

Alexandre Pesey

Directeur de l'Institut de formation politique

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Selon une étude réalisée par le site Legalstart, une grosse proportion des entreprises créées en 2014 l'ont été dans le secteur du conseil aux entreprises par des demandeurs d'emploi avec un capital moyen de 5 500 euros. Un chiffre qui permet de douter de la capacité du dynamisme entrepreneurial français à constituer une véritable réponse au chômage alors que les défaillances de Pôle Emploi sont de plus en plus pointées du doigt.

A lire aussi : Bientôt un million d’auto-entrepreneurs : les réalités extrêmement diverses derrière les chiffres et le emploi en accusation : la faute à son organisation ou la faute à la crise ?

« Sur le chômage, il n’y a pas de solution magique » a déclaré François Hollande, non sans rappeler le fatalisme de Mitterrand, qui disait « avoir tout essayé » contre ce fléau.

L’exécutif semble désarmé. En effet, le taux de chômage vient de franchir la barre des 10% de la population active. Jamais notre pays n’a connu autant de chômeurs. Le nombre de demandeurs d’emploi avoisine les 3,5 millions en métropole. 2014 a été une année noire, avec 189 100 chômeurs supplémentaires. Pire encore : le « chômage réel », qui tient compte des emplois à temps partiel involontaires et des inactifs sans emploi mais désirant travailler, serait plus proche des 20%.

En définitive, le chômage en France est l’un des plus élevés du monde développé : avec un taux de 10,4%, notre pays fait figure de cancre face à l’Allemagne (5,5%), au Royaume-Uni (7,9%) et aux Etats-Unis (8,1%).

Malheureusement, une politique de l’emploi complexe, coûteuse et contreproductive est la cause première de cette situation. Un tour d’horizon objectif s’impose.

La protection de l’emploi le rend moins accessible

Les gouvernements successifs ont voulu protéger l’emploi mais l’ont, en fin de compte, rendu rigide. Comme l’estimait Guillaume Cairou, Président du Club des entrepreneurs, « l’excessive complexité et les freins inutiles posés par le droit du travail face aux licenciements constituent aujourd’hui un excès de réglementation qui se retourne contre l’emploi qu’il était censé protéger ».

Ainsi un licenciement n’est-il possible que pour motif « réel et sérieux ». S’il est économique, il ne peut être justifié que par la sauvegarde de la compétitivité de l’entreprise. Les entreprises n’osent plus embaucher et privilégient le recours au CDD, qui représente plus de 80% des embauches hors intérim.

La générosité apparente créée « la trappe à inactivité »

Par ailleurs, la France dispose d’un des systèmes d’indemnisation du chômage les plus généreux au monde. Seuls 4 mois de cotisation suffisent pour obtenir une indemnisation et la couverture peut durer au total jusqu’à 3 ans. Les allocations s’élèvent à 57% du salaire, avec un maximum de 7.227 euros, et vontjusqu’à 75% en cas de CSP. Un Allemand, lui, percevra une indemnité plafonnée à 2317€ sur un maximum de deux ans.

Encore une fois, une politique d’apparence généreuse a provoqué des effets désastreux : en pratique, la reprise du travail n’est guère valorisée. Par exemple, un couple avec trois enfants devrait travailler 50 heures par semaine au SMIC pour obtenir un revenu supérieur à celui qu’il obtenait sans revenu d’activité, grâce aux seules aides sociales. C’est ainsi que de nombreuses personnes glissent vers la « trappe à inactivité ».

La France manque d’emplois marchands

Sans surprise, la France peine à créer des emplois. En 2013, les effectifs de la fonction publique ont progressé de 1,5%, tandis que 62 200 postes ont été supprimés dans l’emploi marchand. Selon l’Institut de Démographie des Entreprises (IRDEME), la France accuse, à population égale, un retard de création d’emplois marchands de 5 à 7 millions par rapport à ses voisins allemands et britanniques.

Si 550 794 entreprises ont en effet été créées en 2014, seules 6% d’entre elles emploient des salariés. Les entreprises nouvelles n’ont employé que 90 000 salariés en France, contre 170 000 pour les Allemandes et près de 500 000 pour les britanniques !

Les « gazelles » ou start ups, ces jeunes entreprises à forte croissance, sont l’une des clés principales de la création d’emploi. Cependant, leur nombre est bien insuffisant : entre 2005 et 2008, 1484 d’entre elles ont créé 57 000 emplois en France, contre 3230 au Royaume-Uni, avec 252 000 créations de postes.

Le coût du système social empêche l’emploi

L’Etat subventionne de nombreux emplois, via des exonérations de cotisations sociales et des primes à l’embauche. Fin 2013, 348 000 personnes bénéficiaient ainsi d’un contrat aidé, dont seulement 44 000 dans le secteur marchand.

Ces mesures ne sont pas seulement inefficaces. Elles sont aussi coûteuses pour le contribuable. Avec 47 milliards d’euros par an, soit 2,3% du PIB, dont 60% sont consacrés à l’indemnisation du chômage, la France est l’un des pays qui dépense le plus dans la politique pour l’emploi. De plus, comme le soulignait la Fondation iFRAP, il est nécessaire d’ajouter à cela les dépenses sous forme d’aides fiscales, qui s’élèveraient à plus de 40 milliards d’euros. Ce sont donc près de 100 milliards d’euros qui sont dépensés chaque année pour soutenir l’emploi.

Financé à hauteur de 63% par les cotisations, le système social français est le deuxième plus lourd de l’Union européenne. Il représente 20,9% du PIB, contre 16,7 en moyenne au sein de l’UE.

Ironie de l’histoire, cette dépense pèse sur le coût du travail : celui-ci atteint 34,3 euros par heure, et seuls les deux tiers sont liés aux salaires et aux traitements. L’alléger inciterait ainsi à l’embauche.

Mais alors, quelles pistes de réformes ?

  1. 1. Diminuer le coût du travail, afin de cesser la dissuasion à l’embauchedes travailleurs les moins qualifiés et l’incitation à la délocalisation.D’après, Etienne Wasmer, une baisse de 1% du coût du travail au niveau du SMIC créerait 50 000 emplois. Réduire les charges qui pèsent sur le travail ou le SMIC permettrait de réinclure les travailleurs dont la productivité marginale est inférieure à son coût pour l’employeur.

    1. 2. Réformer les allocations de chômage : afin d’inciter les chômeurs à trouver un emploi, il serait envisageable de diminuer la durée ou le montant des indemnités, via une allocation dégressive.
  1. 3. Accroître la flexibilité du travail afin de faciliter l’embauche et l’adaptation des entreprises: assouplir lesconditions du licenciement contribuera à lever les réticences au recrutement. La Fondation iFRAP a aussi plaidé pour accroître la flexibilité du temps de travail au niveau de l’entreprise.

4. Favoriser l’investissement pour soutenir la création et le développement d’entreprises innovantes du type gazelles ou PME. L’IRDEME conseille une fiscalité plus avantageuse pour les entreprises et les investisseurs privés, suivant l’exemple des business angels – ces individus aisés investissant sur leurs fonds personnels – ou des Small Business Investment Companies, ou micro-sociétés de financement. Comme le soulignait Jean-Jacques Netter, de l’Institut des Libertés, « la fiscalité punitive détruit des emplois et fragilise les plus faibles ».

Cliquez ici pour découvrir la note de l’IFP.

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