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Quand Sarkozy, Fillon et Juppé rejouent le bal des vautours une fois François Hollande parti
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Bonnes feuilles

La démission de François Hollande a créé un séisme politique. Alors que Gérard Larcher a pris la présidence par intérim, les ténors de l'UMP s'écharpent pour retrouver le pouvoir. Extrait de "Hollande s'en va" de Philippulus, aux éditions Equateurs (2/2).

Dans le petit salon privé, Gérard Larcher prit la parole après avoir observé les trois hommes. Comme Manuel Valls lors de ce fameux Conseil des ministres, Nicolas Sarkozy agitait déjà sa jambe droite sous la table, tandis qu’Alain Juppé tentait avec grand mal de décontracter l’atmosphère en commentant le menu : « Ce croustillant de tête de veau de Corrèze me semble tout à fait épatant ! » Sarkozy leva les yeux au ciel. François Fillon, quant à lui, enleva ses lunettes et lança à l’assistance : « Au dessert, j’en pincerai peut-être pour l’assiette de sorbets maison, verveine, litchi, mangue. » Le chef de l’État par intérim, tout sourire, conclut cette indispensable conversation : « Messieurs, vous connaissez mes faiblesses. Pour moi, ce sera le croustillant de tête de veau, qui me rappellera les années Chirac, puis le poulet fermier, puis le camembert domaine de Saint-Loup, puis le baba au rhum. Et après, on verra ! Pour le vin, je laisse le maire de Bordeaux choisir, comme il se doit ! » Et Alain Juppé commanda un margaux.

Déjà, Nicolas Sarkozy n’en pouvait plus. « Bien, on ne va peut-être pas parler de bouffe et de pinard pendant deux heures…

– Tu as tort, Nicolas, de t’impatienter, l’interrompit gravement le chef de l’État par intérim. Nous sommes des hommes et nous réagissons donc aux cycles de la nature. Il ne faut jamais sous-estimer la faim, crois-moi ! Mais, cela dit, tu as raison, passons à autre chose. Je vous ai fait venir car nous avons un problème à régler. Vous n’allez tout de même pas vous présenter tous les trois, ce serait non seulement ridicule mais ça donnerait une chance incroyable à Marine Le Pen. Donc, aujourd’hui, nous allons faire un choix, si c’est possible. » Gérard Larcher usait autant qu’il le pouvait de sa fonction de président de la République par intérim, gardien des institutions, chef des armées, coprince d’Andorre, etc. Les trois hommes l’écoutaient, même s’ils n’en pensaient pas moins.

« Alors voilà, s’exclama Nicolas Sarkozy. Je conçois que des gens ici contestent ma candidature. Mais, si on la conteste, j’ai une solution simple ! Des primaires vite fait bien fait ! Vote électronique, et basta cosi ! »

À ces mots prononcés, Alain Juppé et François Fillon s’esclaffèrent.

« Des primaires vite fait bien fait ! s’exclama François Fillon. Pour que tu triches comme Copé a triché il y a trois ans ! Ne compte pas sur moi ! » Alain Juppé regarda Nicolas Sarkozy et lui dit d’un ton calme : « Voyons, Nicolas, tu n’y penses pas. Tu sais bien que dans ce pays, quand un parti politique fait un vote interne il y a fraude. Au PS comme chez nous. Aubry contre Ségolène, Copé contre François, merci, on connaît ! Et si on se met à recompter les votes, on n’aura pas fini que le second tour sera déjà passé ! Voyons, tout ça n’est pas raisonnable. »

Nicolas Sarkozy regarda d’un air cruel Alain Juppé : « Ben d’accord ! Si tu préfères la belle époque du RPR où ton Chirac se faisait élire par acclamation par tous ses copains, t’as qu’à le dire ! Mais, si tu veux, on convoque un congrès de l’UMP et tous les militants m’acclament et on n’en parle plus… »

La conversation prenait mauvaise tournure. Gérard Larcher, qui dégustait son croustillant de tête de veau, prit la parole. « Messieurs, je vois que pour l’instant notre dialogue est vain. Alors, comment fait-on ?

– Pour moi, les choses sont claires, répondit Nicolas Sarkozy. J’y vais.

– J’y vais aussi, répliqua Alain Juppé.

– Et moi aussi, ajouta François Fillon. »

Gérard Larcher, qui se souvenait du joli barnum qu’il avait mis dans le salon Murat, s’amusa à interroger Nicolas Sarkozy.

« Nicolas, dis-moi pourquoi tu devrais y aller davantage qu’Alain ou que François ? »

Et ce fut une tornade. « Pourquoi ? Mais, enfin, Gérard, tu as des yeux ! Et tu as deux neurones d’intelligence, m’a-t-on dit ! J’adore Alain mais, excuse-moi Alain, quand tu es né, en août 45, les Américains venaient de lâcher la bombe sur Hiroshima ! J’m’excuse mais ça date un peu, tout ça ! Sans vouloir te blesser, tu es tout de même l’homme du passé. Et puis, Alain, même si je t’adore, souviens-toi tout de même que tu es le type qui a mis tous les Français dans la rue en décembre 95, il y a vingt ans ! Et puis, ton ancien patron qui a pris deux ans de prison avec sursis, bonjour ! Et pardonne-moi de te le rappeler, mais toi non plus ton casier judiciaire n’est pas vierge ! »

Alain Juppé, qui s’attendait au numéro, encaissait les coups sans sourciller, et même en souriant. Soudain, il interrompit avec fermeté l’ancien chef de l’État.

« Décidément, Nicolas, tu ne changeras jamais. C’est toujours l’insulte, la violence et l’excès. Tu devrais comprendre que les Français en ont marre de tout ça. De ton Fouquet’s, de tes conférences surpayées et tutti quanti. Et puis, tu as beau dire, tu n’as pas fait grand-chose entre 2007 et 2012. Tu as confondu le faire savoir et le savoir-faire, comme beaucoup… Ton quinquennat, pardonne-moi de te dire cela, mais c’est vraiment en toute amitié, est une véritable imposture. Et s’agissant des affaires judiciaires, tu n’es pas mal non plus, non ? »

L’atmosphère devenait décidément électrique et Gérard Larcher, se prévalant de sa fonction, s’empara de sa fourchette pour taper trois fois sur son verre de margaux. « Messieurs, respectons le parallélisme des formes. François, à toi. »

Et François Fillon prit la parole. « J’irai jusqu’au bout. Nicolas, je te remercie de m’avoir nommé Premier ministre en 2007 mais, sincèrement, et en toute amitié également, je crois que tu as fait ton temps. Tu te traînes des casseroles en veux-tu en voilà ! Vois donc la réalité ! Si tu es candidat, au second tour il n’est même pas certain que tu gagnes face à Marine Le Pen ! Les gens de gauche ne voteront jamais pour toi ! Tu as énervé tant de gens !

– Mort de rire ! s’exclama Nicolas Sarkozy, survolté. Mais, enfin, François, réfléchis ! Je t’ai vu à l’œuvre pendant cinq ans ! Tu es un bon bourgeois sarthois ! Tu as peur de ton ombre ! La France n’a pas besoin de toi !

– Nicolas, je t’en prie ! » sursauta François Fillon, dont les yeux lançaient des éclairs.

Mais Alain Juppé prit la parole. « Je ne donnerai tort ni à Nicolas ni à François. François, ton manque de courage est légendaire, Nicolas, François a raison, jamais tu n’auras les voix de la gauche au second tour et tu risques de donner le pouvoir à Marine. Donc, je crois qu’il n’y a plus que moi… » Et ce fut une mêlée.

Extrait de "Hollande s'en va" de Philippulus, aux éditions Equateurs, 2014

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