François Hollande voit la reprise à sa porte… mais midi n’est pourtant pas prêt de sonner pour l’économie française<!-- --> | Atlantico.fr
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François Hollande attend toujours la reprise
François Hollande attend toujours la reprise
©Reuters

Remettre les pendules à l'heure

Tout ce qui s’est passé cette semaine montre une fois de plus que l’État ne sait pas gérer l’économie. Il fait de la politique politicienne alors qu’il devrait laisser les entreprises faire leur travail.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Un petit jeu pour le weekend ? Si vous croisez un homme politique demandez-lui comment on crée de la valeur en économie, c’est-à-dire comment on génère de l’activité, de la croissance et de l’emploi. L’exercice fait par des étudiants d’une école de commerce dans les couloirs de l’Assemblée nationale a donné des résultats hallucinants. Moins d’un député sur dix est capable d’expliquer ce mécanisme.

Les réponses sont à tomber par terre. On se croirait dans un recueil des perles du Bac, comme le faisait Bic sur Youtube. Les réponses ne manquent pas de piquant.

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"Oui c’est très simple, c’est à l’État de s’y mettre, il faudrait qu'il augmente les salaires et qu'il baisse les impôts."

"Mais les dettes ?  La croissance paiera !"

"Ah oui, mais il n’y a pas de croissance !"

Donc on fait quoi ? Et là, c’est beau comme du Prévert qui serait pris de boisson.

-Il faut diminuer le nombre de fonctionnaires.

-Il faut réduire le nombre de chômeurs.

-Il faut ouvrir des boites à idées dans les municipalités

-Il faut que les banques nous aident

-Il faut que les grandes entreprises gagnent moins  

-Il faudrait moins d’immigrés

-Il faudrait plus de populations étrangères

La réponse est simple pourtant : pour créer de la valeur il faut réunir trois conditions : il faut du talent, des idées et l’ambition de gagner. Donc il faut repérer ceux qui ont du talent, les laisser mettre en place leurs idées et ne pas leur voler ce qu'ils gagnent.

Ces trois conditions entrainent une quantité de circonstances que l’État doit mettre en place, mais notamment la liberté et la vérité. La semaine a encore été caricaturale et a montré combien l’État, le gouvernement et les parlementaires étaient incapables de gérer l’économie.

Trois exemples qui sont terrifiants parce qu'ils engagent notre mode de vie.

1e exemple, l’affaire Areva. 5 milliards de pertes, c’est cataclysmique. Dans ces 5 milliards, il y a toutes les incompétences des personnels politiques français et des contradictions de nos pratiques. Les raisons de cette catastrophe financière sont multiples.

Areva a perdu des marchés importants dans le monde à la suite du tsunami au Japon puisqu’elle entretenait 50 centrales qui n’ont pas redémarré. Pour des raisons politiques l’Allemagne a arrêté son programme nucléaire pour produire son énergie à partir du charbon. Pour faire plaisir aux écologistes, ils ont augmenté la production de gaz carbonique et ont acheté du nucléaire à l’étranger.

Areva a vu ses marchés s’effondrer. Mais ce n’est pas tout, la direction d’Areva tenue par la femme la plus puissante du monde selon les journaux, s’est quand même fait escroquer en rachetant une mine d’uranium dans laquelle il n’y avait pas de minerais. Elle n’a pas non plus été capable de gérer au juste prix les chantiers EPR

Et pendant ce temps-là, le patron de PME est obligé de compter les crayons qu'il achète pour tenir sa trésorerie et serrer ses prix de revient. Chez ces gens-là, on ne compte pas, on tient le pouvoir le plus longtemps possible. La meilleure preuve, et la plus grave, de cette gabegie tient à la gouvernance.

La filière nucléaire est au cœur du système de production français de l’énergie, et les acteurs de ce système appartiennent à l’État. Eh bien, depuis 20 ans, l’État n’a pas été capable de convoquer les responsables d’Areva et d’EDF afin de leur imposer une alliance. L’État a été impuissant devant des égo surdimensionnés. Il a donc laissé faire les ingénieurs des mines. Areva va coûter autant que le Crédit Lyonnais mais personne ne s’en souci.

2e exemple de poker menteur, les nouvelles économies que doit faire la France sur son budget. Bruxelles nous demande très logiquement de trouver 21 milliards de dépenses en moins, dès cette année. Le ministre français du Budget avait juré à Bruxelles qu'il les trouverait et que la France allait faire un effort, notamment grâce à la loi Macron. On n’a pas compris que la loi Macron, qui est très intéressante par ailleurs, contenait un programme d’économies budgétaires.

Cette semaine Michel Sapin a admis que ces 21 milliards seraient très difficiles à trouver. Donc, le délai qui nous a été accordé par Bruxelles pour revenir dans les clous ne sera pas respecté. On le sait déjà. Il devra être repoussé. On se croirait en Grèce, ou presque. Cela n’empêchera pas les grincheux de crier que l’on vit sous l’emprise de l’austérité imposée par les Allemands. On se ment à soi-même.

3e exemple, la BCE au bénéfice des pays les plus laxistes, dont la France. Le président de la BCE Mario Draghi s’est félicité cette semaine du changement de climat en Europe. Lequel changement est selon lui directement lié au succès probable de sa politique monétaire. Cette politique monétaire qu'il a arraché aux plus sceptiques passe par des taux zéro, puis des rachats de dettes à partir de la semaine prochaine. Le fameux QE de 60 milliards d’euros par mois pendant deux ans, il a raison. 

Sa communication très positive a changé le climat en Europe. Les milieux financiers ont tenu compte de cet afflux de liquidités et, du coup, le volume des achats s’est gonflé. Quand la bourse monte, tout le monde est content. La spéculation n’habite jamais très loin de la banque centrale et utilise les petits épargnants pour prendre ses bénéfices. C’est parti, comme en 2000.  

Ceci dit, Mario Draghi a eu raison de s’envoyer des fleurs, parce qu'il n’a pas été très gâté jusqu’alors. Il a plutôt été critiqué par tout le monde. Par ceux qui lui reprochaient sa rigueur et par ceux qui regrettaient son laxisme.

Mais là encore, on est pour l’instant dans le virtuel. Cette perspective est pleine d’inconnues que le président Draghi s’est bien gardé de rappeler. D’abord il faut que l’afflux de liquidités se retrouve dans les plans d’investissement des entreprises parce que la valeur est créée par les entrepreneurs. Ensuite, il faut que la BCE réussisse son QE. Or, le problème des membres de la BCE aujourd’hui est de savoir qui va racheter quoi. Ils n’ont pas la réponse. 

Le QE c’est d’abord un rachat de dettes, et les statuts de la BCE l’obligent à racheter de la dette d’État au prorata des participations des États au capital de la banque. Le plus gros contributeur de la BCE c’est l’Allemagne : 25%. Or, l’Allemagne n’a pas de dettes à revendre à la BCE. Autres difficultés techniques, la BCE va laisser aux banques centrales nationales 80 % des risques pris dans le rachat d’actifs.

En clair, ont rachète oui, mais on ne se transforme pas en structure de défaisance. Cela veut dire que chaque État membre de l’Euro prend la responsabilité de ses actes et de ses laxismes budgétaires. D’où le problème de la Grèce qui a promis à ses électeurs que les Européens finiraient par payer leurs frasques. Ils se trouvent que les Européens refusent et les dirigeants Grecs se retrouvent coincés. Pour les autres pays, c’est la même logique, sauf que ceux-ci, y compris les plus fragiles comme l’Italie, l’Espagne et le Portugal acceptent cette règle du jeu. Et s’en sortent !

Le seul pays qui grogne dans cette logique c’est la France. Mario Draghi ne l’a pas dit jeudi, mais il le pensait tellement fort pendant sa conférence de presse que tout le monde a compris que la semaine prochaine, quand il appuiera sur le bouton nucléaire, la France sera une fois de plus déçue.

Pourquoi ? Parce que pour profiter d’un QE et de l’alignement des planètes qui est historique, il faut le mériter par des efforts de compétitivité. L’Italie, l’Espagne, le Portugal et l’Irlande vont tirer des feux d’artifices sur leur champ de statistiques. Ne parlons pas de l’Allemagne ; elle n’a besoin de rien. Depuis dix ans déjà elle a abandonné le poker menteur. Elle ne joue plus, elle travaille.

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