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Les chercheurs de Google font un pas décisif dans les développements des ordinateurs quantiques
©Reuters

Informatique du futur

Une équipe de chercheurs financée par le géant américain a annoncé avoir réalisé des progrès décisifs en vue de l'élaboration d'un ordinateur quantique. Notamment en limitant certaines erreurs.

Jean-Gabriel Ganascia

Jean-Gabriel Ganascia

Jean-Gabriel Ganascia est professeur à l'université Pierre et Marie Curie (Paris VI) où il enseigne principalement l'informatique, l'intelligence artificielle et les sciences cognitives. Il poursuit des recherches au sein du LIP6, dans le thème APA du pôle IA où il anime l'équipe ACASA .
 

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Atlantico : Plusieurs chercheurs américains ont récemment annoncé avoir passé une étape importante dans la réalisation et l'élaboration d'un ordinateur quantique. De quoi s'agit-il concrètement ?

Jean-Gabriel Ganascia : Le calcul quantique repose sur la notion de qubit (quantum + bit) qui a été introduite dans les années 80 par des physiciens, en particulier par Richard Feynman, en vue de concevoir de nouveaux modèles de calcul. La grande différence avec l’informatique classique tient à la nature des qubits qui sont des superpositions linéaires d’états quantiques alors que les bits — binary digit, éléments binaires d’information — se trouvent, chacun, dans un état parfaitement déterminé, 0 ou 1. Du point de vue conceptuel cela conduit à un accroissement considérable de la densité d’information, puisqu’avec n qubits un état représente une distribution de probabilité sur 2n possibilités. On peut alors imaginer des opérateurs de transformation sur ces états quantiques qui donnent naissance à des modèles de calculs originaux.

Cependant, la grande difficulté tient à la fabrication matérielle des composants qui réaliseront physiquement ces qubits avec des particules qui se trouveront dans l’un ou l’autre état ou dans une superposition de ces états. Des études ont été conduites depuis plusieurs années avec des succès mitigés. En effet, une élévation de température au dessus du 0 absolu, même très faible, risque de perturber l’état quantique et le rendre difficilement  lisible, sans perte d’information. Il faut donc opérer dans des conditions physiques très contraignantes pour que la probabilité d’erreur soit faible. Ce qui vient d’être annoncé par l’équipe du professeur John Martinis de l’université de Californie à Santa Barbara financée par Google, c’est que l’on est en mesure de prévenir et donc de limiter certaines erreurs. Si cela était avéré, cela pourrait rendre viable la réalisation de composants quantiques à assez court terme. 

Nous rapprochons-nous d'un ordinateur quantique viable ? Que reste-t-il à résoudre ?

C’est certainement là une étape indispensable pour la réalisation de composants physique réalisant du calcul quantique viable. Cependant, cela ne suffit pas. D’autres conditions doivent être satisfaites pour que l’on assemble un nombre suffisamment conséquent de qubits et que l’on parvienne, par là, à une densité d’information importante. La firme D-Wave affirme depuis quatre ans qu’elle est en mesure de réaliser des processeurs de 128 qubits, ce qui, si cela était avéré, constituerait une étape notable dans la réalisation de processeurs quantiques. Mais, beaucoup doutent encore de la réalité de tels processeurs, ce qui fait l’objet de débats depuis, même si rien, en principe, ne s’oppose clairement à la possibilité de les réaliser. Dans le même ordre d’idées, si elles étaient elles aussi avérées, les avancées présentées dans la presse, et en particulier dans l’article publié tout dernièrement dans la célèbre revue Nature par l’équipe du professeur Martinis, pourraient très certainement faciliter la fabrication de tels processeurs et en les rendant plus fiables. Cependant, il faut là encore rester prudent, car rien n’est certain en cette matière. On doit attendre encore avant de mesurer l’impact exact des résultats annoncés.

A quel type de performance doit-on s'attendre ? Quelles en seraient les applications les plus spectaculaires ?

Notons d’abord que les ordinateurs quantiques, s’ils étaient réalisés, seraient beaucoup plus rapides que les ordinateurs actuels et qu’ils mettraient en œuvre des algorithmes probabilistes dont les résultats ne sont pas absolument certains. Pour accroître la certitude du résultat, il faudrait alors ré-exécuter les algorithmes plusieurs fois. Or, il existe des problèmes pour lesquels on cherche à mettre en œuvre des algorithmes probabilistes. Dans ces cas, les ordinateurs quantiques se révéleront beaucoup plus efficaces. Qui plus est, certains problèmes, comme la factorisation des nombres, qui prennent beaucoup de temps pour être résolus avec des algorithmes déterministes sur des ordinateurs classiques pourraient être résolus de façon considérablement plus efficace sur des ordinateurs quantiques. Or, beaucoup de systèmes de cryptage utilisés pour sécuriser les transactions commerciales et bancaires sont fondés sur des principes qui reposent sur la difficulté à factoriser des nombres. Le jour où les ordinateurs quantiques verront le jour, ces codes seront très facilement cassés. Il faudra alors très vite songer à changer les principes sur lesquels repose le cryptage des informations, en particulier, des informations bancaires...

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