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Paroles d’élèves : “Pute, salope !”. Paroles de l’Education Nationale : pas de paroles, le silence !
©REUTERS/Stephane Mahe

Classes tous risques

Doit-on s’y habituer ? Oui, semble le penser le ministère chargé d’instruire nos chères têtes blondes, brunes (et aussi brutes). Non, non et non : les voyous ne doivent pas triompher.

Benoît Rayski

Benoît Rayski

Benoît Rayski est historien, écrivain et journaliste. Il vient de publier Le gauchisme, maladie sénile du communisme avec Atlantico Editions et Eyrolles E-books.

Il est également l'auteur de Là où vont les cigognes (Ramsay), L'affiche rouge (Denoël), ou encore de L'homme que vous aimez haïr (Grasset) qui dénonce l' "anti-sarkozysme primaire" ambiant.

Il a travaillé comme journaliste pour France Soir, L'Événement du jeudi, Le Matin de Paris ou Globe.

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J’ai reçu ce texte. Je l’ai lu. Lisez-le aussi. Il dit la vérité. Avec des mots qui ne sonnent pas creux, contrairement à ceux des sociologues et des pédagogues habitués à arpenter les trottoirs où se ramassent à la pelle les idées vides.

Se faire traiter de pute, de salope, se faire menacer (non d'agression physique, mais de représailles parentales sous forme de plainte au rectorat) par des élèves qui arrivent en classe sans leur livre, leur classeur, sans feuilles, sans crayons, sans avoir fait leurs devoirs, qui beuglent, se déplacent, qui, lorsque je leur demande leur carnet pour y noter leur comportement, me répondent qu'ils ne l'ont pas (ici, déjà quatre faits graves), qui, lorsque je réponds que, en conséquence, je vais les coller, ricanent en clamant "on les fera pas, vos colles", qui, lorsque, suivant la procédure, je les menace d'appeler leurs parents, explosent de rire et me répondent "on s'en bat les couilles, putain", qui ensuite réclament, hilares, que je les exclue, voire proposent carrément "mais allez-y, Madame, faites un rapport administratif !", des élèves qui passent la majeure partie de leur temps à péter en classe en s'esclaffant et refusent de noter les cours et de faire les exercices, des élèves dont je passe des plombes à signaler le comportement, que l'on m'oblige à écrire dans le moindre détail en même temps que je suis censée faire avancer les autres, tous les autres, dans le programme, sous peine d'être anéantie par l'Inspection, se faire, donc, traiter de pute, de salope, menacer, bousculer par de tels élèves dans l'indifférence générale de collègues qui préfèrent occulter les faits parce qu'ils ont intériorisé le discours selon lequel ces comportements sont le résultat d'un échec pédagogique, c'est normal ?

Je connais le nom de la prof qui m’a envoyé ça. Mais pourquoi le donnerais-je ? Pour qu’elle soit encore plus insultée et humiliée par certains de ses élèves ? Pour qu’elle soit convoquée par sa hiérarchie qui lui reprochera d’avoir violé la sacro-sainte loi du "sanctuaire" qui veut que les saloperies restent confinées dans le dépotoir scolaire ? Mais je sais que c’est une femme. Sinon on ne la traiterait pas de "pute" et de "salope". Pour un prof mâle face aux mêmes élèves, ce serait sans doute « enculé » et « pédé »…

Le cas de cette prof n’est pas isolé. Mais la règle invariable est "pas d’histoires svp pour ne pas nuire à la bonne réputation de l’établissement". Assortie d’une autre consigne non-dite et parfois dite : "entre vous et les élèves, on choisira toujours les élèves". Evidemment : ils sont sensiblement plus nombreux que les profs qu’ils insultent. Et puis, dans certains cas, on déconseillera aux enseignantes de mettre une jupe, une provocation pour des élèves dont les frustrations sexuelles sont grandes.

Alors que doit faire cette enseignante ? Je ne sais pas. Mais peut-être devrait-elle se rapprocher de certains de ses élèves pour être en communion avec eux ? Un prof de philo de Poitiers, dont on a beaucoup parlé dans les journaux, a su, lui, faire cette démarche.

Lors d’un débat en classe après les attentats de janvier, il a "philosophé" sur la notion de terrorisme en empruntant sans doute ses idées au Petit Livre Rouge du président Mao ou aux pensées abrégées du camarade Staline. Ainsi, il a expliqué qu’en se mettant "au service de l’impérialisme occidental", des soldats français pouvaient être considérés comme des terroristes ! Ça a beaucoup plu à certains. Pas à deux fils de militaires écœurés par ses propos. La direction de l’établissement alertée a envisagé sa mutation. Aussitôt ses collègues, indignés par cette atteinte à la libre expression philosophique, se sont mis en grève. Comme quoi, il y a certains enseignants qui ressemblent à certains de leurs élèves…

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