Immobilier à Paris : baisse dans les quartiers chics mais maintien des prix à Boboland... et la capitale acheva de se transformer en ghettos de riches<!-- --> | Atlantico.fr
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La baisse des prix de l'immobilier n'est pas uniforme dans la capitale.
La baisse des prix de l'immobilier n'est pas uniforme dans la capitale.
©Flickr/unicellular

Gentrification

Le prix du m2 vient de passer sous les 8000 euros à Paris. Mais cette moyenne cache une autre réalité : la baisse des prix touche principalement les arrondissements les plus chers.

Philippe Crevel

Philippe Crevel

Philippe Crevel est économiste, directeur du Cercle de l’Épargne et directeur associé de Lorello Ecodata, société d'études et de conseils en stratégies économiques.

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Atlantico : Le prix du m2 vient de passer sous les 8000 euros à Paris. Le plus fort de la baisse depuis 2012 touche les arrondissements les plus "aisés" : le VIe (-13%), le VIIe (-10%) et les XVIe (-7%). Pourquoi ? Ces changements de prix peuvent-ils amener de nouvelles populations dans ces arrondissements très peu mixtes ?

Philippe Crevel : La moyenne du mètre carré à Paris baisse et est repassé en dessous de 8000 euros à 7 960 euros. La diminution sur un an est de 2,1 %. Rien d’extraordinaire, il faut souligner que la diminution des prix au niveau national est de 2,2 % et que Paris reste très cher. Il y a vingt ans, le prix moyen de l’immobilier à Paris était de 2 840 euros… Paris reste près de quatre fois plus cher que Marseille et près de trois fois plus cher que Lyon…

Les baisses les plus fortes sont enregistrées dans les arrondissements qui avaient le plus progressé sur ces dix dernières années, le 6ème, le 7ème ou le 16ème. Ce sont des arrondissements où les prix avaient atteint des records. La baisse actuelle, en aucun cas, ne va changer la morphologie de ces arrondissements. En effet, le mètre carré s’échange encore entre 9 110 et 11 710 euros. Par ailleurs, ces baisses traduisent plusieurs phénomènes. Dans les petits arrondissements comme le 6ème ou le 7ème, le nombre de ventes est faible et toute variation de cours n’est pas obligatoirement représentative d’autant plus que d’un quartier à un autre, d’un logement à un autre, les écarts de prix sont élevés. Pour le 16ème arrondissement, la situation est un peu différente. Cet arrondissement se caractérise par un  parc de logements de grande taille nécessitant une mise de fond importante. Il y a peu de familles qui peuvent aujourd’hui acquérir ce type d’appartements ce qui conduit à leur baisse. En outre, il paie son caractère excentré. Par ailleurs, et cela est vrai également pour les arrondissements précédents, la clientèle étrangère est attentiste et est moins présente que dans le passé. Avec le dollar fort, il est possible que les Américains reviennent à nouveau sur le marché. En revanche, à 10 000 euros du mètre, il y a peu de primo-accédants français qui peuvent acheter actuellement. La baisse historique des taux d’intérêt ne change pas la donne, les banques étant plus sélectives dans le cadre de leur politique d’attribution des prêts. La politique immobilière du Gouvernement Ayrault a certainement joué à l’encontre des arrondissements les plus côtés. En effet, le dispositif d’incitation fiscale Duflot avec conditions de loyers et de ressources du locataire n’était pas adapté aux quartiers aisés. Les loyers ont beaucoup moins augmenté que les prix d’achat ce qui réduit d’autant la rentabilité des placements surtout e prenant en compte l’ISF.

Dans le même temps, l'est de Paris, sensé être plus populaire (le Xe, le XVIIIe, le XIXe et le XXe en tête) restent stables malgré la tendance baissière. La "boboïsation" décrite est-elle en train de déboucher sur la gentrification ? Pourquoi cela expliquerait-il le maintien des prix ?

L’est parisien résiste bien au niveau des prix car il est plus accessible. Le phénomène de rattrapage sur les arrondissements dits riches est en route depuis plusieurs années. Les prix se maintiennent dans les arrondissements dits plus populaires car la demande y est plus forte. Il y a toujours une forte demande pour habiter à Paris que ce soit de la part de ménages vivant en banlieue ou de provinciaux souhaitant s’installer dans la capitale. Les jeunes familles ayant des enfants pour obtenir une plus grande surface émigrent des quartiers les plus chers au profit des moins chers. Par ailleurs, l’Est parisien bénéficie des politiques d’aménagement conduites par les différents maires depuis vingt ans. La boboisation avait commencé avec Bastille pour se diffuser dans le 18ème au quartier de la République à certains quartiers du 14ème. Désormais, Cela gagne de nouveaux quartiers dans le 19ème autour de la Vilette ou le 20ème. Le 13ème bénéficie également des opérations de réaménagement autour d’Austerlitz et de la Très Grande Bibliothèque.

La tendance à long terme, selon vous, va-t-elle se stopper, le mouvement actuel n'étant qu'une correction, où peut-on voir un vrai mouvement de mélange des populations parisiennes cassant la logique d'arrondissements très présente ?

Paris gagne des habitants depuis 2006 après plus de 50 ans de baisse. Il y a donc une demande en hausse de logements. Il y a une tendance à l’harmonisation des prix d’autant plus que les quartiers en difficulté ont été réhabilités. Il faut souligner que des villes au-delà du périphérique ont connu des processus de valorisation. Cela a commencé à l’Ouest et au Sud avec Levallois, Issy Les Moulineaux ou Vanves. Cela a continué à l’Est avec Montreuil. Même le Nord commence à évoluer. Il est donc normal que par capillarité les quartiers parisiens délaissés en profitent. Les opérations immobilières autour des Moulins de Paris et aux Batignolles devraient faire également monter les prix dans ces quartiers. Il n’y aura pas de mélange de population mais une restructuration des populations. Aujourd’hui, les quartiers autour de la gare du Nord perdent leur caractère populaire pour devenir plus bourgeois. L’esprit du 9ème arrondissement se répand dans le 10ème. Aujourd’hui, certains arrondissements ou plutôt certains quartiers demeurent ethniquement homogènes, le quartier chinois dans le 13ème, les quartiers africain et magrébin au Nord de Paris…

Une tendance des arrondissements de se tasser de plus en plus vers les 8000 euros/m2 va-t-elle finalement rendre Paris encore plus uniforme ? A ce prix là du mètre carré, et avec un faible écart des deux côté de la moyenne, quel va être le profil-type du "Parisien" propriétaire ?  

Le Parisien propriétaire est plutôt âgé, héritier sans enfant. Il peut être retraité ou professionnel libéral. C’est rarement un primo-accédant. Pour réussir à acheter, il faut vivre en ménages et disposer de deux bons revenus. La taille moyenne des ménages à Paris est inférieure à 1,9 personne contre 2,3 au niveau national. L’appartement type parisien est un studio ou un deux pièces, près des deux tiers de l’offre.

Ce profil a peu de chance de changer dans les prochaines années, la demande restant assez soutenue sur la capitale. Si correction il y a, elle sera mesurée. Pour revenir au prix du milieu des années 90, il faudrait au rythme de baisse actuel plusieurs décennies. Il faut souligner que le nombre des transactions est en forte baisse depuis 2008. Si de 1997 à 2007, il y avait plus de 35 000 ventes chaque année, depuis 2011, elles varient entre 26 000 et 28 000. Le contexte économique peu porteur freine les investissements immobiliers et cela malgré la forte baisse des taux d’intérêt.

La mixité est-elle possible à Paris dans le court terme autrement que par le logement social ? Paris est-elle condamnée à devoir "décréter" sa mixité ?

Paris se vide de ses familles et de ses classes moyennes. L’offre de logements  n’est pas extensible au sein de la capitale dont la superficie est réduite, une centaine de kilomètres carrés. En outre, les contraintes de construction pèsent sur l’offre. Les opérations immobilières nouvelles sont rares. Les élus écologistes et voire de droite s’opposent à la construction de tours. Le parc locatif privé tend à se réduire également en raison des dispositions législatives et réglementaires. Il y a donc un Yalta du logement qui s’est institué, les locataires dans le secteur privé de plus en plus rares, du logement social alibi et des propriétaires fortunés. Ca Yalta implicite s’applique depuis une quinzaine d’années, la gauche n’a fait qu’accélérer la politique mise en place par Jacques Chirac et Jean Tiberi. Dans les arrondissements au cœur de Paris, une clientèle internationale à hauts revenus est également présente. La Ville de paris a prévu de consacrer 3 milliards d’euros au logement social afin de construire 42 000 logements sociaux.  Compte tenu du coût du foncier et des normes en vigueur, le prix du mètre carré en logement social dépasse les 3000 euros du mètre (2500 euros de construction + coût du foncier) pour une moyenne nationale de 1800 euros du mètre. Ce n’est donc pas une affaire pour le contribuable. La mixité à ce régime là n’est pas pour demain.

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