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Le vrai gagnant des primaires, 
c'est la démagogie...
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Politique primaire

Populaire auprès de l'opinion, la primaire PS pourrait inspirer l'UMP pour les échéances électorales prochaines. Mais l'instauration de primaires ouvertes au sein des principaux partis français ne serait pas sans poser quelques questions démocratiques...

Olivia Grégoire

Olivia Grégoire

Olivia Grégoire diplômée de sciences Po Paris et de l'Essec, dirige son cabinet de stratégie d'influence OLICARE, après avoir conseillé, durant douze années, des entreprises, et des décideurs politiques comme privés, dans leur communication stratégique.

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A bien y réfléchir, à l’écoute de journalistes de  médias chauds comme froids qui ont tous également couverts la campagne des primaires socialistes, à suivre attentivement les fils RSS, pushs medias, à prendre tous « les rails de tweet et retweets » des militants politiques dont parle avec humour David Abiker… il n’est pas aisé de prendre un peu de recul pour se faire un avis fondé sur ce que signifie ces premières primaires françaises. Moi, dans le fond, je ne trouve pas cela génial… et je me demande quel sera  le deuxième effet …

Il est bien loin, enfoui dans la mémoire nationale, le temps où la IVème République montrait divisions et impuissance devant la force des partis. Les Français ont apparemment oublié que la France a été ingouvernable des décennies durant, pour cause  de postures partisanes, une France paralysée par obstruction parlementaire, où aucune ligne politique structurelle ne permettait de gouverner efficacement, conduisant même notre patrie aux moments d’indécision les plus sombres  de son destin. L’histoire contemporaine n’est pas la chose la mieux partagée en France aujourd’hui… Et à l’écoute d’Arnaud Montebourg, et ce malgré son incontestable percée lors du premier tour, on ne peut que valider ce manque de mémoire historique commune.

« Démondialiser ». « Mettre sous tutelles les banques ». « Taxer les importations ». Slogans chocs et idées fracassantes. Séduire. Gagner des voix dans son parti. Faire fi de l’ensemble des règles de gouvernance mondiale en proposant de belles idées totalement irréalisables…

Idéologiquement c’est intéressant, et c’est même l’objet essentiel d’un débat de premier tour présidentiel : ouvrir le champ des possibles, désenclaver les débats, faire rêver, susciter l’union populaire, pour concrétiser rationnellement et programmer ses 100 jours, en vue du second tour. Montebourg a ouvert un nouveau champ de débat politique, en cela la primaire socialiste est démocratiquement intéressante.

Mais factuellement, le socle idéologique des thématiques montebourgiennesne relève-t-il pas d’un sophisme de premier plan ? Une brillante rhétorique au goût de poujadisme protectionnisme ? Un néo-populisme de tribun, à la sauce bien-pensante française ? Il y a du Saint Just dans Arnaud, du Poujade dans Montebourg. C’est parfois beau, mais rarement applicable.  

Comment sérieusement envisager que la France, qui ne dispose  plus de l’autonomie nécessaire à des prise de décisions financières unilatérales, décide de réformer  la gouvernance économique mondiale ?  Comment légiférer « seul contre tous » quand la nouvelle législation européenne inscrit la mise en place d’un « semestre européen », exercice par lequel la Commission évaluera en amont les projets de budgets avant leur adoption nationale ?

Si le principe des primaires revêt un avantage c’est peut être celui de mobiliser une population française qui déserte la politique, ouvrir les candidats au jeu politique, battre le rappel présidentiel…en feignant de donner aux citoyens le pouvoir de choisir leur candidat.  

Un inconvénient, et non des moindres : faire la compétition des idées démagogiques et rentables électoralement, sans aucune éthique de responsabilité, juste « pour passer ». Les Français n’ont pas depuis longtemps eu ce sentiment que leur avis comptait, mais souvenons-nous de Rousseau « Le peuple anglais pense être libre ; il se trompe fort, il ne l’est que durant l’élection des membres du parlement ; sitôt qu’ils sont élus, il est esclave, il n’est rien. Dans les courts moments de sa liberté, l’usage qu’il en fait mérite bien qu’il la perde ». Le peuple socialiste a lui aussi le sentiment d’être libre en ces moments d’élections, mais combien de propositions seront possibles à appliquer concrètement en cas de victoire de la gauche ? N’y a-t-il pas un vrai danger à vulgariser de « discours d’appel » quand si peu de mesures sont tangibles ?

Ce qui m’effraie, dans ces primaires, et en cela le débat final de ce soir sera prophétique, c’est la mise en scène d’une apparente alternative politique, à coups d’annonces de plus en plus irréalisables, cliver pour pouvoir rallier le plus largement possible… La surenchère politique, démagogique, tactique. Jusqu’où ira-t-elle  pour rallier les quelques 17% de voix de ces 4% de votants français qui se sont déplacés ce week end ?

Les sirènes de la VIème République, si elles sont pour certains enchanteresses, n’en sont pas moins pernicieuses et l’addition politique pourrait être salée. Les concepts politiques que font fleurir les primaires sont intéressants mais irréels, espérons que l’engouement actuel ne soit que passager, à défaut la déception des Français face à l’irréalité de ces idées populistes n’en sera que plus grande. Car comme le suggérait déjà Charles Peguy au temps de la république des Partis : «  Le triomphe des démagogies est passager, mais les ruines sont éternelles ».

Les primaires, ce sont aussi un jeu dangereux, une fausse compétition qui permet  d’ouvrir la boite de pandore avec des idées aussi belles que farfelues, dans une France où abstention et extrémismes sont déjà des acteurs prépondérants en période électorale. L’ouverture du débat politique lié aux primaires du PS fait feu de tout bois, mais la démagogie des propositions pourrait bien agir comme un retour de flamme. 

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