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Richesse du vocabulaire et grammaire : l'inquiétant écart de niveau entre les garçons et les filles
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Bonnes feuilles

Alors que le langage est un élément fondateur de l'intégration sociale, certaines études montrent que les garçons sont largement à la traîne par rapport aux filles à ce sujet. Un phénomène inquiétant. Extrait du livre "Nos garçons en danger!" de Stéphane Clerget, publié aux Editions Flammarion, 2015 (1/2).

Stéphane Clerget

Stéphane Clerget

Stéphane Clerget est médecin pédopsychiatre. Il partage son activité entre les consultations et la recherche clinique. Ses champs d’étude concernent notamment l’adolescence, les troubles émotionnels et les questions d’identité. Il a mis en place à l’hôpital l’une des premières consultations d’aide à la parentalité. Il est l'auteur de Nos garçons en danger (Flammarion) et Les vampires psychiques (Fayard).

Les vampires psychiques de Stéphane Clerget

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Le langage est un outil primordial dans la réussite scolaire et professionnelle. Or les garçons le manient moins bien que les filles. Pourtant, on connaît nombre de garçonnets qui n’ont pas la langue dans leur poche. Et on ne compte plus les brillants orateurs qui ont marqué l’histoire des hommes. Mais la réalité statistique est qu’aujourd’hui les filles commencent à parler plus tôt que les garçons, qu’elles parlent plus spontanément et que leurs phrases sont plus longues.

En outre, elles acquièrent plus rapidement du vocabulaire et possèdent en définitive un stock lexical plus important. Elles ont aussi une meilleure capacité à intégrer et à manipuler les règles grammaticales  bref, dès leur plus jeune âge, les filles maîtrisent indéniablement mieux la langue que les garçons. Cette supériorité sera rapidement suivie d’une meilleure maîtrise du langage écrit (comprenant la lecture et l’écriture).

Pourtant, dans les classes du collège, les garçons sont régulièrement décrits comme les plus bavards. Mais s’ils parlent plus, cela ne signifie pas qu’ils parlent mieux. Cela traduit surtout leur inattention et leur indiscipline. En 2006, la neuropsychiatre américaine Louann Brizendine estimait dans son livre The Female Brain (« Le cerveau féminin ») qu’une femme utilise quotidiennement trois fois plus de mots qu’un homme. Ce chiffre fut très médiatisé. Mais une vaste étude conduite l’année suivante, enregistrant au hasard des conversations d’hommes et de femmes, n’a pas montré de différences significatives en la matière, confirmant du reste les résultats d’une étude antérieure sur la loquacité, la parole affiliative et le discours autoritaire, selon laquelle les hommes – plus bavards que les femmes, contrairement aux a priori – auraient une parole globalement plus affirmée, quand elles auraient une parole plus affiliative.

Comment analyser ces résultats contradictoires ? C’est qu’effectivement, sur le plan du langage, les filles ont une longueur d’avance, ce qui facilite leur intégration sociale. Les trois premières années de leur existence, les garçons sont à la traîne à tous les stades du langage. C’est à partir de la quatrième année qu’ils se prennent en main et rattrapent leur retard. Cependant, ce retard n’est pas sans conséquence sur leur développement. En effet, le langage participant de l’autonomie, il est probable qu’un tel décalage favorise des conduites de dépendance plus marquées – entre le garçon et sa mère, en particulier (notons, d’autre part, que, selon les statistiques, les garçons sont sevrés de l’allaitement plus tardivement que les filles).

Ce retard dans l’apprentissage du langage n’est sans doute pas étranger aux conduites d’opposition et aux troubles du comportement qu’on observe notamment chez les garçons entre 18 mois et 4 ans. En effet, moins un enfant pourra exprimer oralement ses frustrations, sa colère ou ses besoins, plus ce déficit favori sera des réactions compensatrices, physiques ou comportementales. Et plus il se sentira dépendant à cause d’un langage moins développé, plus il cherchera à s’affirmer. Or, même si le langage se développe dans un second temps, la personnalité du garçonnet aura été influencée par ses conduites et par le regard que ses parents auront en conséquence porté sur lui.

Plus tard, la supériorité des fillettes réapparaît vers l’âge de 9 ans, soit chez elles, aux prémices de la puberté. Si l’expression orale des garçons s’améliore après la puberté, le décalage là encore n’est pas sans conséquence sur leur développement émotionnel et comportemental. À cette période clé de l’existence, le langage est l’un des outils de construction de la personnalité, de l’intégration scolaire et des divers apprentissages. Moins performant en la matière, l’adolescent risque donc d’être limité dans ses acquisitions et dans sa capacité à s’exprimer verbalement, ce qui n’est pas sans favoriser les passages à l’acte, les actions ou les conduites impulsives, visant soi-même ou autrui. L’acte plus ou moins adapté à la situation, plus ou moins « brut », se produit à la place d’une parole élaborée. Ce différentiel doit être connu des pédagogues et pris en compte dans leurs actions et leurs évaluations.

Extraits de "Nos garçons en danger !", de Stéphane Clerget,  publié aux éditions Flammarion, 2015.

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