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Les Français étranglés par la novlangue du monde politico-médiatique
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Qu'est-ce tu dis ?!

"Droit à la différence", "ennemis de la République", "nauséabond"... Autant de terminologies qui édulcorent les réalités en y introduisant une pointe de culpabilité à destination de tous ceux qui ne se reconnaissent pas dans ce vocabulaire.

Emmanuelle  Ory-Lavollée

Emmanuelle Ory-Lavollée

Emmanuelle Ory-Lavollée n’est ni grande, ni blonde, ni fashion victim… elle n’a pas de toutou, ni de 4×4, ne trie pas ses ordures. Elle fume parfois et s’accorde même un petit verre de temps en temps.

Comme les vaches, elle regarde passer le train de la vie politique et sociale française, qui à maints égards et tour à tour la consterne, la révolte ou l’amuse…

Emmanuelle Ory-Lavollée anime le blog 2quoijmemêle.com.

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Boulevard des Invalides, à l'angle de la rue Oudinot. Le ministère des Outre-Mer. Tiens, naturellement on aurait dit ministère de l'Outre-Mer. C'est que le "l" apostrophe a été enlevé pour bricoler un "des" dans une typo différente. La trace de l'ancien nom apparaît encore sur le mur... Normal, cela ne fait que deux ans et demi que le ministère a été ainsi rebaptisé, la pollution n'a pas eu le temps d'effacer le passé…

"Pour affronter les problèmes, il faut les nommer clairement", a rappelé ces jours-ci Manuel Valls dans d'autres circonstances. Est-ce un problème d'inégalité ou d'outremerophobie qui justifiait alors ce changement si crucial ? Peut-être que parmi les Outre-Mer (faudrait-il d'ailleurs mettre un "s" à "Outre" ?) certains se sentaient stigmatisés de n'être qu'une partie d'un magma indistinct ? Peut-être que chacune des régions concernées voulait  affirmer son droit à la différence. Peut-être encore qu'a contrario du récent esprit du 11 janvier, aucune de ces terres insulaires de France ne voulait être confondue avec les autres ? Ou peut-être simplement que dans une obsession relativiste et repentante, le gouvernement Hollande a inventé tout cela ? Il fallait en tout cas rassurer sur la couleur politique de la nouvelle équipe, en ajoutant une connotation consensuelle à une nomination par trop impérialiste ? L'Outre-Mer, quel outrage : comme si on disait l'école ou encore la laïcité, alors que ces dernières revêtent des réalités si variables.

C'est qu'il convient d'adopter une terminologie, une sorte de novlangue, qui permette d'identifier clairement les éléments de gauche - et de gauche seulement - que sont, rappelons-le, la générosité, la charité, la compassion... Et ce afin que personne ne soit perdu dans le paysage politique.

Faire France, les Outre-Mer, égalité des chances, phobies en tous genre - comme cathophobie ? ah non pardon, pas celle-là - défavorisés, mixité sociale, décrocheurs, valeurs de la République, stéréotypes de genre sont autant de terminologies qui édulcorent les réalités en y introduisant une pointe de culpabilité à destination de tous ceux qui ne se reconnaissent pas dans ce vocabulaire. Ces derniers, au choix, rappelleront les pires heures de notre histoire ou seront classés ennemis de la République, quand ils ne sont pas carrément réactionnaires et franchement nauséabonds.

Le pragmatisme en revanche n'a pas sa place dans ce dictionnaire, comme l'a prouvé le récent usage de l'article 49-3 de la Constitution pour l'adoption en première lecture de la loi Macron "pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances". Car si cette loi, de l'avis général, comportait quelques menus éléments intéressants pour l'avenir du pays, elle ne pouvait faire l'unanimité. Une loi de gauche portée par un homme suspecté d'affinités avec la droite et surtout les banques. Une loi dont les grandes lignes avaient été ébauchées par un homme de gauche, dans un rapport commandé par une majorité de droite. Voilà qui n'est du goût ni d'une gauche outrée d'être ainsi vendue aux patrons, à l'Europe ou aux banques, ni d'une droite qui préfère ne rien faire que de signer un texte porté par ses ennemis politiques.

La France est en panne, au pied de montagnes idéologiques infranchissables dont les vocables sont les armes les plus puissantes. Comment le pouvoir en place pourrait-il envisager se ranger du côté du grand capital alors que des élections approchent et que le Congrès national du Parti socialiste les suivront rapidement ? Comment l'opposition pourrait-elle avaliser un texte socialiste sans semer le trouble parmi ses adhérents. Pour régler la partie, Valls et Hollande, n'ont pourtant pas hésité à user de leur autorité - osons la violence du mot - … Quelle horreur, c'est à n'y rien comprendre !

Pour ceux qui se prendraient à rêver d'une coalition, mettant en place une politique fondée sur un soupçon de réalisme économique et social : l'heure n'est pas venue en France d'abandonner l'idéologie au profit du bien commun. La bataille didactique que se livrent droite et gauche au sujet d'une possible déferlante "bleue marine" nous le prouve à chaque nouvelle échéance. L'esprit des lumières dont nous sommes si fiers assombrit pourtant singulièrement notre avenir…

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