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Les astrophysiciens commencent à lever le voile sur ce qui s’est vraiment passé lors du 1er milliard d’années de l’univers
©Reuters

Aux origines des origines

Le satellite européen Planck continue de livrer ses découvertes sur la naissance de l'univers et sa composition. C'est grâce à ce satellite, qui a recueilli des millions de données entre 2009 et 2013 avant d'être abandonné au silence de la galaxie, que les scientifiques ont pu se rapprocher de la prime jeunesse de notre univers.

Cécile Renault

Cécile Renault

Cécile Renault est astrophysicienne. Elle a exploré divers domaines des astroparticules et de la cosmologie. Elle a travaillé au CEA-Saclay, au Max Planck Institute de Heidelberg, au LPNHE-Paris et en 2000 a rejoint le Laboratoire de physique subatomique et de cosmologie à Grenoble. Dans le projet Planck depuis 2001, elle est responsable du traitement des données en temps de l’instrument hautes fréquences du satellite.

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Le satellite européen Planck utilise une stratégie pour remonter aux origines de notre univers : plutôt que d'observer la lumière émise par les étoiles, il va "écouter" les ondes émises quand l'hygrogène s'est formé, avant que celui-ci ne s'effondre en étoiles, et forme des galaxies. Les découvertes de ce satellite nous rapprochent de LA découverte des origines de notre univers.

Atlantico : Que sait-on  des étapes qui jalonnent le chemin du Big Bang à la vie?

Cécile Renault : Plutôt que de proposer une narration de l'histoire de la vie, on peut établir un historique de la matière : on sait que le Big Bang s'est produit il y a 13,77 milliards d'années, mais on ne peut pas remonter à l'instant 0, et la physique actuelle peut expliquer pourquoi on ne peut pas remonter jusque-là ! A l'origine de l'univers, on constate une dilatation gigantesque de l'espace qui a permis à des fluctuations minuscules de s'étendre. Sans cette dilatation, elles se seraient "autodétruites", mais grâce à ce grossissement elles ont pu se stabiliser et on pense qu'elles sont les germes de ce qu'on voit dans l'univers. Dans la première seconde suivant le Big Bang, on a  la création de la matière plus ou moins selon les endroits, en lien avec les fluctuations initiales... Puis, pendant 380 000 ans il y a eu une interaction entre la lumière et la matière.

Dans la carte fournie par Planck, on observe des "grumeaux", qui seraient les fluctuation de concentration de la matière initiale. Cette matière évolue sous le seul effet de la gravité, elle se déplace, se dissout, se recompose, et forme par la suite les galaxies. Dans ces galaxies il y a une concentration de gaz dans lequel vont se former les premières étoiles. La datation de ces premières étoiles fluctue entre 470 et 700 millions d'années après le Big Bang, et pour le moment, il est difficile d'apporter une réponse plus précise. On pense que ces étoiles étaient très massives. Leur explosion en supernova aurait permis l'apparition de matériau enrichi en carbone, oxygène, fer... dans les galaxies.

Planck étudie plus particulièrement ce qui s'est passé avant la création des étoiles, en étudiant le rayonnement fossile de la lumière émise quand l'hydrogène s'est formé. Concrètement, que nous disent les résultats de cette étude?

Les chercheurs en cosmologie ont construit leurs modèles à partir du postulat de la matière noire, de l'énergie noire. Planck a permis de tester cette cosmologie, de la confronter au réel et de la paramétrer très précisément : l'étude permet de confirmer que cette cosmologie fonctionne parfaitement, et qu'elle n'a besoin de rien d'autre pour s'expliquer. Planck a permis de confirmer la véracité d'un modèle qui dit que l'univers est composé à 95% de choses inconnues. D'une certaine façon, cela permet de recentrer la recherche cosmologique et d'écarter un certain nombre de modèles alternatifs. Pour préciser ce que représente la matière noire au niveau de la recherche en cosmologie, on peut dire qu'elle agit gravitationnellement et que son rôle est essentiel dans la forme des galaxies, mais on la dit noire car les éléments qui la composent ne sont pas les mêmes que ceux qui nous composent, et donc ne sont pas observables directement.

Planck permet d'établir avec certitude aussi l'extrême platitude de l'espace (en l'absence de matière bien sur), qui ne serait donc pas courbé, comme certains l'espéraient.

Ces résultats remettent-ils en cause les découvertes précédentes ou apportent-ils des résultats complémentaires?

Ils remettent en question des théories qui avaient été avancées, et qui apparaissent aujourd'hui inutiles (mais bien sûr, en la matière, on peut pousser des théories jusqu'à leur extrême limite).

Par exemple, on connaît aujourd'hui l'existence de trois familles de neutrinos. Or, l'observation de certains éléments que l'on ne parvenait pas à expliquer à mis en place l'hypothèse d'une quatrième famille de neutrinos. Les résultats de Planck permettent de dire avec une quasi-certitude que cette hypothèse est inutile pour comprendre l'univers. Ou alors, certaines études cherchent à montrer que la matière noire s'annihile. On est en mesure aujourd'hui d'écarter une partie de ces modèles, car cette matière, si elle avait existé, aurait émis un apport d'énergie qu'on verrait.

Dans d'autres cas, les résultats de Planck permettent de travailler sur d'autres théories, comme celle du Big Bounce, théorie qui émet l'hypothèse d'une alternance de Big Bang et Big Crunch, c’est-à-dire de phénomène d'extension et de rétractation de l'univers. Les chercheurs peuvent utiliser les cartographies mises en place pour argumenter leurs études.

Les capacités du satellite Planck seront-elles suffisantes pour expliquer l'origine de l'univers? Et quel est le futur de la cosmologie?

Non, on ne pourra pas remonter au moment 0 de la création de l'univers. Mais c'est pour le moment l'instrument qui nous permet de remonter à l'univers le plus jeune qui nous soit accessible. Planck avait été mis en orbite en 2009, et le dernier contact que l'on a établi remonte à 2013. Nous sommes toujours dans la phase d'étude des données recueillies. Aujourd'hui, d'autres projets de satellites sont à l'étude, satellites qui partiraient rechercher des données plus précises sur la polarisation, qui permettraient de voir une signature directe de l'inflation et d'appréhender son déroulement. Mais beaucoup de projets sont soumis à des contraintes et les budgets ont sensiblement diminué. On ne peut pas savoir quand sera la prochaine étape de la découverte de la naissance de l'univers!

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