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Quel futur pour le sexe dans un environnement de plus en plus virtuel ?
©Reuters

Mets de l'huile (à moteur)

Le film Her l'avait annoncé, et la technique l'a apporté: le sexe virtuel n'est plus de l'ordre du fantasme, mais est accessible via la robotique, et bientôt les stimulations neuronales. Alors, Tinder est déjà dépassé?

Catherine Lejealle

Catherine Lejealle

Catherine Lejealle est docteur en sociologie et ingénieur télécom (ENST Bretagne). Elle est professeur à l'ISC Paris et co-fondatrice de la Chaire Digital BusinessSes domaines de recherche couvrent les usages des TIC (téléphone portable, Internet, médias sociaux…)

Elle a publié La télévision mobile personnelle : usages, contenus et nomadisme,  Les usages du jeu sur le téléphone portable : une mobilisation dynamique des formes de sociabilité  aux Editions L'Harmattan et J'arrête d'être hyperconnecté ! : 21 jours pour réussir sa détox digitale chez Eyrolles.

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Atlantico:  Les sex-robots sont aujourd'hui en pleine expansion. Il existe des modèles aussi bien pour les hommes que les femmes, même s'ils restent encore très "inhumains" dans la mesure où ils sont incapables d'avoir une conversation suivie et des expressions. Certains sont mêmes dépourvus de membres pour être directement "consommables". D'aucuns estiment que ces robots deviendront monnaie courante d'ici une dizaine d'années et que l'alternative aux relations humaines passera par les robots. Dans quelle mesure cela peut-il devenir le cas? Quel est l'avenir du sexe virtuel? 

Catherine Lejealle: Pour répondre à cette question, examinons les différentes offres car elles n’offrent pas du tout les mêmes fonctionnalités. Il y a RoxxxyGold the TrueCompanion, un modèle en silicone et métal qui pour 6,995 US dollars reconnait votre voix,  y répond et peut échanger quelques mots. Pour moins cher, soit 995 US dollars, la version de RoxxxyGold est livrée sans bras ni jambes ni reconnaissance vocale. Que le futuriste Stowen Boyd s’estime enthousiaste de ces versions robotisées, très bien mais cela suppose de définir ce qu’on entend par «sexe ». En l’occurrence, avec ce robot cela me semble bien réduit en matière de relations sexuelles ! Je ne vois pas comment cela pourrait devenir « monnaie courante » comme substitut à une relation entre deux personnes. Cela permet au mieux « to have sex » comme disent les Anglo saxons, donc d’avoir du sexe mais lequel ?

Il me semble intéressant de reprendre les modèles théoriques de freins et leviers à l’adoption des innovations en examinant les caractéristiques de ces innovations. Le robot est une solution réversible (on la revend s’il ne rend pas le service attendu), relativement simple à comprendre et à mettre en œuvre. Par contre, la solution est peu compatible avec les normes et les valeurs, difficile à tester avant achat et surtout n’apporte pas d’avantage relatif perçu suffisant par rapport à toutes les autres solutions alternatives. Il semble que ce soit une solution peu attirante et pas vraiment vouée à décoller.

A l'inverse, le professeur de neuroscience David Linden considère que la réalité virtuelle dite "neurale" pourrait bien être la véritable alternative aux relations humaines. Ce phénomène repose sur l'activation de neurones : l'idée est d'infecter des cellules pour leur faire dégager des protéines qui seront activées par des lumières et feront l'effet d'une caresse. Cette réalité virtuelle dite "neurale" peut-elle être adoptée? Ne pose-t-elle pas de redoutables problèmes éthiques?

En effet, l’insertion d’électrodes sous la peau du candidat à l’extase est une autre solution en cours de finalisation. Que ces solutions qui activent les connexions neuronales permettent de ressentir une excitation semble déjà plus plausible mais ce plaisir est purement mécanique. On connaissait déjà le marketing sensoriel qui diffuse des odeurs de croissants chauds lorsqu’on passe devant une croissanterie. Voici la version sexuelle. Pourquoi pas ? On stimule les sens afin de provoquer une réaction, ce qui fonctionne probablement car physiologique. Mais est-ce pour autant une relation sexuelle ? A moins que cela soit utilisé comme invitation au plaisir et comme rappel au même titre que l’odeur de croissant nous rappelle combien une viennoiserie est délicieuse et qu’il ne faut pas s’en priver ?

Appliqué à cette deuxième innovation, les modèles de freins et leviers sont plus favorables à l’immense bémol près, la santé et la sécurité : nous n’avons pas le recul nécessaire pour affirmer que notre intégrité physique ne sera pas perturbée. Cela me semble un risque majeur qui  va contre son adoption. On retrouve cette objection concernant les usages du corps comme conducteur pour recharger son mobile.

Les Japonais semblent particulièrement sensibles à l'usage de ces formes d'amour et de sexe alternatives aux relations humaines. Qu'en est-il en France?

Les Japonais ont une attitude culturellement  très différente des Français en matière de robots et les ont déjà adoptés dans leur vie quotidienne. On peut confier le retour d’école de son enfant allant du goûter aux devoirs à un robot alors qu’en France, on confie l’enfant à des proches ou à des tiers dont c’est le métier. Ainsi, que dans la sphère intime, par porosité, ils y soient plus favorables n’est pas étonnant, reste à voir précisément à quelle fréquence et avec quelle intensité. Nous sommes avant tout des animaux sociaux qui avons plaisir à être ensemble pour nouer et entretenir du lien, qu’il soit amical ou amoureux et on observe plutôt que les nouvelles technologies contribuent à densifier les échanges (sms, snapchat, messages sur facebook…) dès que nous ne sommes pas en coprésence. 

Dans quelle mesure ces inventions vont-elles faire évoluer la notion de couple et la vision de l'amour? Peuvent-elles mettre en péril un sentiment qui constitue l'essence de l'être humain? 

Aucune étude n’indique aujourd’hui comment ces robots vont être utilisés : verra-t-on un usage individuel ou en duo comme accompagnement à la relation sexuelle ? Ce qu’on sait en revanche c’est que 90% des femmes qui achètent un sex toys le font pour s’en servir avec leur compagnon. Alors le robot ou l’activation neuronale comme nouveau piment dans le couple ? Les études d’usages montrent toujours que les usages nous surprennent et sont bien plus inventifs que ce que les concepteurs avaient en tête !

En attendant que leurs prix baissent et que nous ayons les réponses sur la nocivité des activations neuronales, il reste plein d’alternatives moins coûteuses et moins risquées. A voir le succès des livres et du film « 50 nuances de Grey » j’investirais personnellement plutôt dans des actions sur les menottes, les martinets et autres objets largement décrits dans cette fiction… qui prennent également moins de place à ranger et sont plus discrets !  

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