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"L'UMP au cœur de la coalition de l'immobilisme" : l'accusation d'Emmanuel Macron passée au crible des faits
©Charles Platiau / Reuters

Comparaison désavantageuse

Emmanuel Macron fustige une UMP, qui peine effectivement à trouver un positionnement clair, et un Nicolas Sarkozy au bilan qu'il juge pauvre. Petite comparaison entre le quinquennat du précédent locataire de l'Elysée et de François Hollande

Roland Hureaux

Roland Hureaux

Roland Hureaux a été universitaire, diplomate, membre de plusieurs cabinets ministériels (dont celui de Philippe Séguin), élu local, et plus récemment à la Cour des comptes.

Il est l'auteur de La grande démolition : La France cassée par les réformes ainsi que de L'actualité du Gaullisme, Les hauteurs béantes de l'Europe, Les nouveaux féodaux, Gnose et gnostiques des origines à nos jours.

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Atlantico : Le ministre de l'Economie et des Finances a fustigé, à propos des oppositions à la loi Macron, une UMP qui, selon lui, "est au cœur de la coalition de l'immobilisme". Malgré la portée évidemment partisane de la déclaration, le parti d'opposition peine en effet à proposer un vrai projet de société identifiable. Pourquoi ?

Roland Hureaux :L'UMP devra faire un jour le bilan de la période du quinquennat de Nicolas Sarkozy. Mais il faut bien dire que  la droite demeure  aujourd'hui prisonnière d'une "doxa" que j'appellerais le "libéralisme idéologique" , qui inspire aussi bien l'UMP que le PS d'ailleurs, et qui s'est avérée très largement impuissante à changer l'économie et la société française en profondeur, notamment sur la question du poids des prélèvements publics. Je  nomme ce libéralisme "idéologique" car il n'a rien de commun  avec le vrai  libéralisme qui doit être pragmatique. Il n'est que l'application de schémas abstraits, aboutissant à des mises  aux normes  systématiques de toute une série de secteurs de la société française. Les réponses apportées ne sont presque jamais concrètes et aboutissent le plus souvent l'effet inverse de celui qui était recherché. On en voit  l'exemple  dans la réforme régionale : la réforme des collectivités engagée par la droite n'avait rien de pragmatique et a contribué à augmenter les dépenses. Aucun doute qu'il en sera de même pour la réforme des régions de François Hollande.

L'idéologie a un autre effet : elle amène à s'attaquer à des problèmes qui n'existent pas vraiment. La gauche le montre aujourd'hui avec le statut des notaires qui ne posait pas de vrais problèmes ;  la réforme  Macron apportera des gains dérisoires au regard de la déstabilisation qu'elle pourrait amener. Et malheureusement, l'UMP est dans la même optique, c'est pour cela qu'elle ne trouve pas grand-chose à redire à la loi Macron (si ce n'est qu'il n'en faisait pas assez…), ni à proposer un projet alternatif , sinon de dire "nous ferons la même chose en mieux".

Le ministre, en réponse à la critique de Nicolas Sarkozy ("la toute petite loi Macron") s'est fendu d'une attaque sévère : "L'ancien président est sans doute frustré par la pauvreté de son propre bilan". Si l'on se penche sur ce bilan justement, quelle comparaison peut-on faire sur les grandes réformes nécessaires entre les années Sarkozy, et le quinquennat en cours de François Hollande ?

Sur la question des dépenses  publiques, le bilan de Nicolas Sarkozy reste faible malheureusement. La réforme des retraites fut a minima . Bien sûr, si on le compare au bilan absolument négatif du quinquennat de François Hollande, dont on se demande s'il arrivera à son terme, le bilan de  Sarkozy reste "meilleur". François Hollande n'a arrêté  en rien la hausse des dépenses publiques. Il n'a même rien tenté de sérieuxen dehors des coupes   de facilité dans le budget de la défense ou de la famille, ce qui hypothèque gravement l'avenir. Mais sur les vrais sujets, rien.

Nicolas Sarkozy a malheureusement fait beaucoup de "tapage" sur les réductions fiscales qu'il a octroyées aux  revenus les plus élevés (alors qu'il aurait du être beaucoup plus discret),  ce qui a réduit ensuite sa marge de manœuvre pour demander des sacrifices au reste de la population.

François Hollande semble dépassé sur la question des relations internationales, notamment sur le terrain européen. Nicolas Sarkozy a-t-il un meilleur bilan dans le domaine ?

Nicolas Sarkozy a bien tiré parti des   six mois où la France a pris la présidence tournante de l'Union européenne. Cela a coïncidé avec la crise financière de 2008 et la crise géorgienne. La France a ainsi pu avoir une visibilité importante pendant cette période. Il a également fait preuve – tout en accomplissant la réintégration plénière de la France dans l'Otan –  d'une certaine émancipation en signant avec la Russie le contrat relatif aux frégates.

François Hollande a contrario apparaît sur ce sujet d'une timidité confondante, et donne un sentiment  d'assujettissement lamentable  vis-à-vis, des Etats-Unis , de l'OTAN et de l'Allemagne. Concernant les  exigences de Mme Merkel dans  la crise grecque depuis 2009   Nicolas Sarkozy, tout en s'inclinant sur le fond , avait , me semble t-il, un peu mieux que Hollande , sauvé les apparences.  Mais , dès lors qu'ils acceptent l'euro, ni l'Allemagne ni la France n'ont vraiment  de marge de manoeuvre. Ils se livrent à un jeu de rôle où chacun joue la partition qui plait à ses électeurs: la rigueur pur les Allemands, la souplesse pour les Français. 

La loi Macron vient de passer "en force" via le "49-3" que Nicolas Sarkozy rechignait à utiliser. Ce dernier a même contribué à un changement institutionnel donnant plus de pouvoir au Parlement (et limitant le 49-3 d'ailleurs…) et en créant la question prioritaire de constitutionnalité. Nicolas Sarkozy n'a-t-il fait beaucoup plus que F.Hollande pour la modernisation des institutions ?

Je  ne suis pas de ceux qui pensent que ces réformes institutionnelles aient réellement été un progrès. Cependant je retiendrai  un point positif de cette réforme constitutionnelle : c'est l'obligation de soumettre au  Parlement les opérations extérieures, c'est-à-dire les déploiements militaires à l'étranger. Mais cette obligation n'est guère respectée  :  je ne suis pas certain que Hollande  ait  évoqué devant les députés et les sénateurs  les interventions au Mali et en Centrafrique;  quant à l'Ukraine , il n'y a eu aucun débat au Parlement, ce qui est parfaitement anormal, vu l'extrême  gravité de la question.

Qu'est-ce qui a manqué au quinquennat de Nicolas Sarkozy qui, malgré un bilanmeilleur que François Hollande, n'a pas fait la réforme de rupture que l'on aurait pu attendre ?

Nicolas Sarkozy – et on pourrait en dire autant de François Hollande – a été prisonnier de la communication propre à  notre "société du spectacle". De ce fait,  Nicolas Sarkozy ne s'est pas  vraiment intéressé au  le fonds des choses. A sa décharge, il était   mal entouré. Il n'avait pas autour de lui de gens qui connaissaient sérieusement la mécanique de l'Etat dans sa complexité. Lui-même se vantait de ne pas avoir fait l'ENA et d'ignorer  les rouages de la chose publique. Soit. Mais il aurait pu être entouré de personnes qui, elles, connaitraient bien ces rouages. Or, ce n'était pas le cas.  Et il ne faut pas oublier non plus que malgré son air d'être un homme de décisions radicales, il est  en profondeur un homme   de  compromis , dans la lignée de  Jacques Chirac.

Finalement, le quinquennat Sarkozy n'a-t-il pas été renouvelé à cause de la volonté d'essayer de faire bouger les lignes, face à un candidat "président normal" qui n'avait aucune volonté de réformes sérieuses ?

Le  bilan de François Hollande en matière de réformes est bien plus négatif que celui de Nicolas Sarkozy. Les réformes de Hollande sont toutes idéologiques  et n'apportent  aucune réponse à ce qui préoccupe les Français. Ni  la loi Taubira  ( la première sur le mariage homosexuel et  a fortiori la seconde sur la procédure pénale) , ni la réforme territoriale ne répondent ni de près ni de loin aux préoccupations des Français. On peut en dire autant de la loi Macron malgré quelques éléments techniques intéressants : elle aussi, pour l'essentiel, c'est de la communication.   

Nicolas Sarkozy n'a pas pâti de ce qu'il a fait mais de ce qu'il n'a pas fait, de ne pas avoir su apporter les réponses attendues sur l'immigration, la délinquance et le niveau de dépenses  publiques. Il n'a pas été à la hauteur de ce que les gens pensaient qu'il avait promis. Et puis, il y a eu son style, qui ne plaisait pas à beaucoup de gens de droite : la droite n'est pas seulement le libéralisme  , c'est aussi – un mot guère à la mode – le conservatisme, c'est-à-dire la préservation d'une certaine stabilité  , nécessaire à une population de plus en plus "paumée" , désorientée par  ce que Pierre-André Taguieff appelle le "bougisme". Le bougisme , c'est   l'action des gouvernements successifs  qui  s'évertuent à détruire les repères,  nécessaires quoi qu'on dise à une existence normale. Le bougisme est aujourd'hui la première raison de la montée du Front national; Cette action de destruction des repères ( famille, régions, cantons , professions réglementées ) est le fond de l'action de  François Hollande. Plutôt que de promettre de nouvelles réformes encore plus radicales, sans dire lesquelles  et qui font peur, la droite devrait plutôt dénoncer l'action destructrice de la gauche.

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