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Quand le chômage de longue durée modifie jusqu’à la personnalité des demandeurs d’emploi
©Reuters

Coup dur

Selon une étude américaine, en plus des effets néfastes sur la vie sociale et familiale, rester plus d'un an au chômage aurait des conséquences lourdes sur la personnalité des demandeurs d'emploi de longue durée. Moins consciencieux, plus introvertis voire agressifs, leur comportement les handicaperait encore plus pour espérer un jour retrouver du travail.

Xavier  Camby

Xavier Camby

Xavier Camby est l’auteur de 48 clés pour un management durable - Bien-être et performance, publié aux éditions Yves Briend Ed. Il dirige à Genève la société Essentiel Management qui intervient en Belgique, en France, au Québec et en Suisse. Il anime également le site Essentiel Management .

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Atlantico : Une étude de l'American Psychological Association souligne que le chômage de longue durée peut avoir des conséquences profondes sur la personnalité. Elle met en évidence que cinq grands traits de personnalité peuvent être altérés après un plus d'un an sans emploi.  Le chômeur risque-t-il, comme le laisse entendre cette édtude, d'être moins scrupuleux, moins sympathique, moins ouvert et extraverti et plus nerveux après une longue période sans travailler ?

Xavier CambyCette étude est très intéressante en ce qu'elle met en exergue une altération ou une détérioration progressive du caractère des personnes testées, à mesure que dure leur temps de chômage. Il me semble cependant qu'une extrapolation suggérée par l'équipe des chercheurs universitaires britanniques soit un peu abusive : oui, le changement de comportement des chômeurs est avéré. Mais peut-on en déduire que la personnalité des chômeurs changent aussi définitivement ? C'est une observation courante : l'épreuve peut altérer l'expression heureuse d'une personne habituellement enjouée. Que l'épreuve cesse et la personnalité profonde de la personne reprendra le dessus. On observe même souvent des expressions de "caractère" plus heureuses, au sortir d'une épreuve. Je ne crois pas qu'une personnalité puisse changer. Mais son expression originale et unique – son caractère – peut s'exprimer de mille façon, tout au long d'une vie humaine.

Cela peut-il conduire à s'auto-exclure du marché du travail ? Le comportement du demandeur d'emploi ne lui permet plus de reprendre une activité professionnelle ?

L'inactivité forcée et la cessation d'activité constituent le plus souvent une grande souffrance intime, profonde et inconsciente ! Il est bien évident que certain pays comme la France ignorent complètement cette souffrance. Sinon comment y expliquer l'inhumanité du traitement des chômeurs ?

La perte de l'utilité sociale est le premier facteur de cette souffrance inconsciente. La retraite en est aussi hélas souvent l'illustration : nombre de jeunes retraités montrent après 2 ans des signes de détresse psychique profonde. Il y a cette redoutable perte de sens, le plus souvent non-dite : "si je n'apporte plus rien à mon environnement, à quoi bon me lever le matin"...

Un vrai programme d'accompagnement et de réinsertion des chômeurs consisterait à stimuler et à renforcer leur sentiment d'utilité sociale en leur confiant des missions à caractère d'utilité publique, quelle qu'elles soient. L'utopie d'une civilisation des loisirs est totalement inhumaine en fait : nos malheureux retraités impréparés comme la majorité de chômeurs attestent imparablement que le travail nous est nécessaire, que notre utilité sociale est consubstantiel à notre équilibre psychique.

Quelles conséquences cela peut-il causer sur la vie sociale ? Il y a repli sur soi, un sentiment de ne plus être utile ? La vie familiale peut-être aussi très perturbée par une situation de chômage qui se prolonge ?

Le seconde facteur de la souffrance et de la détresse psychique croissantes du chômeur est l'angoisse. La perte du sentiment d'utilité sociale s'accompagne de cette perception imaginaire et négative de l'avenir. Le chômeur qui se laisse peu peu envahir par cette émotion – très proche de la peur, en fait – va devenir contagieux de cette émotion négative. A son corps défendant, sans aucun contrôle conscient, son body language va transpirer cette peur, la projeter sur tous les autres, sa famille, ses amis, les potentiels recruteurs qu'il rencontrera... Lesquels, par instinct de survie bien légitime, sont alors poussés à s'éloigner du négativement pathogène que notre chômeur est peu a peu devenu. C'est donc eux-mêmes qui créent et creusent ensuite le vide dont il souffrent intensément.

Il y a aussi un fort risque de problèmes de santé ? Les chômeurs de longue durée risquent la dépression et ses conséquences physiques ?

Oui. Et les thérapies habituellement utilisées risquent fort d'accroître le mal, malgré toutes leurs bonnes intentions ! La camisole chimique – qui soigne les symptômes et non pas les causses réelles – est à tout le moins inefficace, voire aussi un facteur aggravant, c'est vérifiable dans les faits ! J'ai rencontré beaucoup de chômeurs abrutis par des neuro-machins ou des psycho-choses, devenus presque incapables de conviction et d'engagement, à force d'empoisonnement chimique. Il est bien évident qu'il ne peuvent donner envie de collaborer avec eux.

Les thérapies analytiques sont encore plus dévastatrices, car elles renforcent parfois violemment les sentiments de culpabilité personnelle, d'échec coupable, de faillite honteuse, d'inadaptation incurable... Ces perceptions intérieures négatives, dont les symptômes sont étonnamment proches de ceux du Burn-Out, peuvent en effet devenir ensuite la cause de nombreuses somatisations autant que de l'abandon progressif d'une simple et nécessaire hygiène de vie. Oui encore, le chômage longue durée est très important un facteur de risques physiques, un facteur de détérioration durable de la santé.

C'est donc un cercle vicieux où plus l'on reste au chômage plus il est difficile d'en sortir ? Les demandeurs d'emploi auront de mal à se préparer à retrouver un nouveau travail si la situation se prolonge ?

Une thérapie fait ses preuves, dans les pays scandinaves notamment : redonner des responsabilités sociales et humaines au chômeur (son indemnisation en devient alors la légitime contrepartie). Plutôt que de perdre son temps et d'apprendre à déprimer à Pôle Emploi, qu'il travaille avec les plus faibles ou les plus démunis de notre société d'exclusion ! Qu'il accompagne les plus jeunes ou les plus vieux, qu'il jardine et entretienne les espaces verts, qu'il nettoie les berges des rivières, qu'il fasse mille choses utiles, en groupe si possible, à l'extérieur quand le temps le permet, afin de préserver ou de reconstruire cette estime de lui-même que lui donne une utilité sociale avérée.

Un résultat secondaire non-marginal de la perception de cette utilité sociale retrouvée, même si bénévole, se traduit très souvent par un retour accéléré à l'emploi !

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