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La semaine de tous les records… de bêtise
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Toujours plus bas

La semaine a été terrible pour les professionnels de la politique. En France comme ailleurs, la réalité s’est imposée partout, contre toutes les idéologies, les corporatismes et même les populismes les plus partisans.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

Il est aussi l'auteur du blog http://www.jeanmarc-sylvestre.com/.

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La semaine a été terrible parce que les professionnels de la politique ne se sont jamais montrés aussi nuls et incompétents, dépassés par les faits, les chiffres et les contraintes de la réalité dont ils ne veulent pas tenir compte. Drapés qu'ils sont, dans une légitimité démocratique, ils devraient faire preuve de la plus grande responsabilité, assumer leurs devoirs plutôt que de revendiquer des droits. Au nom de cette légitimité démocratique, ils ne se sont jamais autant fourvoyés dans l’erreur. Et quand on est dans l’erreur, on n’est pas loin du déshonneur. Trois exemples à la limite de la caricature.

1er exemple. En France, le spectacle que l’Assemblée nationale nous a offert a été lamentable. La majorité socialiste a éclaté à l’occasion de cette loi Macron, mais l’opposition a été incapable de montrer qu’elle pouvait offrir une alternative crédible. Pour les uns, la loi Macron est d’une grossièreté ultralibérale. Pour d’autres plus à droite, elle n’allait pas assez loin, comme si la droite avait été capable de faire quelques réformes courageuses auparavant.

La loi Macron ne révolutionne pas le système économique français mais la loi Macron marque une évolution vers plus de liberté économique, plus d’ouverture et de responsabilité entrepreneuriale. Si on s’en était tenu aux faits, la loi Macron aurait trouvé à l’Assemblée nationale une majorité confortable. Seulement, cette majorité aurait conjugué les voix  de députés de gauche, du centre, puis de députes de droite. Une majorité d’idée, comme disait Edgar Faure autrefois, qui aurait rassemblé des représentant habités par l’ambition de faire bouger le système, le dynamiser pour qu'enfin il sorte de cette léthargie conservatrice dans laquelle personne ne fait plus rien.

Seulement voilà, dans la démocratie française, un représentant de la droite ne peut pas voter pour une mesure présentée par un gouvernement de gauche et réciproquement. Cette pratique est stupide. Elle ne répond qu'à des logiques corporatistes, professionnelles. L’intérêt d’une réforme c’est qu'elle soit efficace. Peu importe qu'elle soit de droite ou de gauche. Efficace au regard de l’urgence, et l’urgence c’est de trouver de l’activité, de la croissance et de l’emploi.

La loi Macron n’apporte pas de remède miracle, mais quand on sait que son inspiration date de la commission Attali (initiative Sarkozy), que beaucoup de ses articles ont été appliqués par Mario Monti avec succès, que certaines mesures avaient déjà été présentées par la droite et qu' elle se retrouve au centre d’un psychodrame politique, on hallucine et on comprend que l’opinion publique se désespère de la classe politique qui ne pense qu' à une chose, conserver les fauteuils du pouvoir… Peu importe le fauteuil, de droite ou de gauche. L’électeur, lui, on l’écoute et on lui ment. Surtout, le jour de l’élection.

2e exemple : la Grèce… Encore une semaine de psychodrame où les personnels politiques se sont distingués magnifiquement.

Après le bal des menteurs, il a bien fallu regarder la réalité en face. La réalité c’est la fin de mois. Qui paie le gaz et le loyer. Les Grecs avaient l’arrogance de réformer l’ensemble de la zone euro parce qu'ils en avaient voté le projet.

La Grèce (berceau de la démocratie) s’était mise dans l’idée que les programmes que le peuple grec choisissait de façon démocratique pour lui-même pouvaient aussi s’appliquer de façon automatique aux autres pays européens. On ne rêve pas ; c’était dans le programme électoral.

C’est quand même extraordinaire, mais quand Alexis Tsipras promettait de relever l’ensemble des salaires, de ramener l’âge de départ à la retraite, d’arrêter le programme de privatisation, il disait pouvoir présenter l’addition aux  européens puisque le peuple grec avait voté. Le comble c’est qu'en Europe certains politiques français n’étaient pas loin d’être d’accord.

Bref, très rapidement tout le monde est revenu à la raison. Les européens ont fait savoir très sèchement que la Grèce n’était pas indispensable au fonctionnement de la zone euro, que si les Grecs  voulaient sortir, qu’ils le fassent… Curieusement les grecs ont changé de discours. Alors ça va encore grogner tout le week-end, mais quand on est arrivé au bout du bout du banc comme disait Brassens, on se tasse ou on tombe.

3e exemple de l’incompétence des responsables politiques : La gestion des politiques économiques. Les hommes politiques français à quelques exceptions près n’ont jamais su définir et gérer une politique économique. Ils ont vécu pendant un demi-siècle dans un environnement de croissance dopée par une demande réelle et financée le plus souvent à crédit. Depuis que le monde s’est ouvert à la concurrence internationale, que la demande dans les pays développés est très saturée, les hommes politiques sont perdus pour gérer un environnement propice à la création de valeur et à l’emploi. Il faut oublier Keynes et laisser son fantôme hanter les coulisses de l’opéra de Londres et inventer des entrepreneurs qui soient compétitifs.

Dans les démocraties latines, on a très peu d’aptitudes à ce genre de sport. On préfère l’ENA et la direction du Trésor. Donc ça ne marche pas. Le rattrapage économique actuel touche principalement les pays anglo-saxons, les pays de l’Europe du nord et ceux qui dans le sud ont pratiqué des dévaluations de coût du travail pour retrouver un peu de compétitivité (ça s’appelle l'austérité, ce que n’a pas fait la France).

La France reste à la traîne parce qu'elle n’a rien fait. Plus grave, elle a passé son temps à désigner des boucs-émissaires, la Commission de Bruxelles, l’Allemagne qu'on a surtout refusé de prendre pour modèle, (comme quoi, le sentiment anti-allemand n’a pas disparu sauf quand on roule en Mercedes ou en AUDI, et pas parce que c’est moins cher !), donc l’Allemagne paiera…

Le dernier bouc émissaire à la mode dans la classe politique française aura été la Banque centrale européenne jusqu‘à ce qu’elle accepte de changer de politique à l’issue d’un lobbying un peu menaçant (sur lequel Mario Draghi, excédé par la France commence à lever le voile).

Toujours est-il que la BCE a sorti l’arme atomique du redressement économique, celui qui était réclamé par tous les hommes politiques de droite comme de gauche et qui revient à racheter massivement de la dette  publique et privée et par conséquent de remettre en circulation la contrepartie en liquidités. La plupart des pays européens peuvent en profiter, la plupart sauf la France. Pourquoi ? Tout simplement parce que la gouvernance française n’a pas mis en place l’écosystème, c’est-à-dire les circuits et le climat de confiance pour que ces disponibilités monétaires se transforment en investissements, en activité et en emplois.

Le seul secteur qui en France va bénéficier très rapidement de ce QE ? C’est d’un côté l’Etat qui va pouvoir à nouveau emprunter sans problème (formidable système !) et d’un autre côté, l’industrie financière. La bourse de Paris comme d’ailleurs la plupart des bourses européennes ont retrouvé leurs niveaux d’avant la crise. L’activité spéculative n’a jamais été aussi fiévreuse que depuis 2008 avant la faillite de Lehman Brothers. Le premier effet de l’injection monétaire est de doper les marchés financiers. C’est vrai à Paris depuis deux mois.

Les grands gagnants d’une telle opération ce sont les politiques, qui n’ont plus une nécessité urgente de réformer (ils vont pouvoir faire de la politique à crédit ), puis les banques de marché qui peuvent spéculer sur le gonflement relatif des bulles en promettant bien sûr que tout cela se transformera en activite réelle. En attendant, les bonus vont grossir, les traders vont retourner à Courchevel er racheter leur maison de St Tropez. Le prix de l’immobilier de luxe va se redresser. Merci M. Hollande. Merci M. Montebourg. Merci Draghi.

Mario Draghi a des raisons d’être exaspéré par les chefs d’Etat et de gouvernement qui, en Europe, lui demandent toujours plus de carburant, promettent tout et ne sont pas capables de réparer les moteurs de leurs systèmes économiques.

La semaine qui vient de s’écouler a montré une fois de plus que les hommes politiques ne sont pas au pouvoir pour gouverner et gérer… Ils sont sur le marché politique et ce qui les intéresse avant tout c’est d’y rester. Ils vont donc répondre systématiquement à ce qu’ils croient être la demande de leurs clients.

Sauf que le client politique, il est aussi zappeur, il est aussi voyageur. Il n’a qu’un objectif : obtenir un résultat économique d’abord. Le bonheur bien sûr, la justice et l’équité évidement, mais le client politique aujourd’hui il a besoin de manger. Il lui faut du pain, c’est-à-dire du travail. Et le travail, il n’est ni de droite, ni de gauche.

Les professionnels de la politique ont oublié cela parce qu'eux, ils n’ont pas faim. Machiavel disait : "les princes qui gouvernent n’habitent pas en campagne (aujourd’hui on dirait en banlieue), ils n’ont pas à le faire tant qu'ils se souviennent que les campagnes existent et que les campagnes n’ont pas faim. Mais s’ils oublient que les campagnes peuvent avoir faim… etc. etc."

On se souvient aussi du mot stupide de Marie-Antoinette à son mari le roi face au peuple de Paris qui avait faim… "Mais s’il n y a plus de pain Sire, qu' on leur donne de la brioche…"

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