Editorial
Pourquoi le calvaire de la loi Macron risque de se prolonger jusqu’à la fin du quinquennat de François Hollande
Le passage en force du gouvernement pour faire accepter le texte de loi apparaît déjà comme une défaite dont la majorité sort encore plus divisée.
La classe politique vient de se livrer à un psychodrame qui jette aux oubliettes les espoirs caressés par la belle manifestation d’unité nationale d’à peine plus d’un mois à la suite de la tragédie de Charlie hebdo. Elle cède à nouveau à ses vieux démons qui témoignent de l’impossibilité de la France de se gouverner comme une grande démocratie. Le Parlement dont le président appelait à la réhabilitation est tombé au fond de l’abîme, en s’adonnant à la pire des cuisines politiques sans se soucier de l’exaspération croissante où il plonge les électeurs.
Le gouvernement a voulu passer en force pour faire accepter une loi qui ne change presque rien, qui ne s’attaque pas au socle des réformes indispensables réclamées à cors et à cris par l’opinion publique aussi bien que par les organismes internationaux. Les maigres dispositions retenues étaient suffisamment modestes pour être acceptables par la majorité des députés. Et l’on a vu pourtant les partisans du texte voter contre sous prétexte qu’ils appartenaient à l’opposition tandis que la majorité au pouvoir se divisait et contraignait le gouvernement à brandir le 49-3 pour éviter le camouflet d’un échec.
Manuel Valls masque sa défaite en stigmatisant ses adversaires, qui sont bien souvent dans son camp, en critiquant leur irresponsabilité, leur infantilisme, en dénonçant le conservatisme et l’immobilisme où il mêle les frondeurs aussi bien que l’UMP. Il hausse le ton pour dissimuler ses faiblesses en promettant d’aller de l’avant, de transformer la France, alors que l’opinion , médusée, constate un blocage complet.
Au demeurant, la loi Macron n’est toujours qu’un projet auquel on a fait sauter un obstacle de manière artificielle, puisqu’on a évité de solliciter un vote positif de l’assemblée. Et les étapes suivantes s’annoncent redoutables. Le Sénat doit se prononcer début avril et l’on prévoit déjà de nombreux amendements, qui nécessiteront un retour devant l’assemblée nationale, où l’on peut s’attendre à une reprise des combats avec toujours la même violence. Le gouvernement osera-t-il encore passer en force, alors qu’entre temps, les Français auront été appelés aux urnes pour renouveler les conseils généraux (nommés désormais conseils départementaux), une consultation vouée à une abstention record, manière pour la population de manifester son désaveu de la classe politique.
Nul ne sait dans quel état sortira le texte définitif. Mais même s’il obtient l’imprimatur du Parlement, sa mise en application s’avérera délicate. Car, sur de nombreux points, elle suppose des négociations entre les partenaires sociaux. Or, le dialogue est rompu dans ce domaine et plusieurs syndicats ont lancé un ordre de grève générale pour le 9 avril, au lendemain d’une élection qui aura affaibli encore un peu plus le pouvoir. C’est dire que l’épreuve de force va se poursuivre, pour empêcher toute réforme. Déjà les plus fervents partisans de la loi Macron estimaient dans le meilleur des cas que les premiers dispositifs ne pourraient s’appliquer avant un an, compte tenu de la lenteur des procédures, mais désormais l’incertitude continue de prévaloir sur la pérennité du projet.
Dans une époque où l’on ne cesse de parler de compétitivité, de productivité, on ne peut que constater le gaspillage d’énergie auquel se livrent les élus du peuple : des centaines d’heures de discussion, un millier d’amendement à un texte qui se bornera peut-être finalement à trouver sa place uniquement dans les manuels d’histoire, alors que pendant ce temps, l’économie est à l’arrêt, l’investissement reste en panne et les dépenses publiques continuent d’augmenter. L’opposition affiche ses divisions et son absence de stratégie. Le FN a le sourire.
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