Grèce : quand la mise en pratique de la théorie des jeux permet au ministre rock star de réussir à tenir tête à l’Europe<!-- --> | Atlantico.fr
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Yanis Varoufakis, le nouveau ministre grec des finances, cherche à infléchir la stratégie de l'Union Européenne en faveur de la Grèce.
Yanis Varoufakis, le nouveau ministre grec des finances, cherche à infléchir la stratégie de l'Union Européenne en faveur de la Grèce.
©Reuters

La théorie en pratique

Le ministre des Finances de la Grèce, Yanis Varoufakis, est un économiste spécialiste de la théorie des jeux. Or, les négociations avec l'UE qu'il essaie de mener ont quelques ressemblances avec cet outil conceptuel.

Vassili Vergopoulos

Vassili Vergopoulos

Vassili Vergopoulos est maître de Conférences à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne. Il est membre de Centre d’Economie de la Sorbonne et spécialiste de la théorie des jeux.

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Atlantico : La théorie des jeux est un outil conceptuel permettant de modéliser les stratégies rationnelles de plusieurs acteurs en situation d'incertitude sur les comportements des autres acteurs. Si l'on considère que la Grèce et ses créanciers européens, dont les intérêts à la base divergent, sont les deux acteurs de ce "jeu", peut-on imaginer un point d'équilibre de leur négociation actuelle, selon cette théorie ? 

Vassili Vergopoulos :A quoi joue-t-on exactement ? Les Européens ne s'accordent même pas sur la nature de leur jeu : le camp "rigoriste" suggère un jeu de compétition à somme nulle, là où le camp "démagogue" envisage plutôt un jeu de coopération susceptible de générer des gains pour chaque joueur. De son côté, Paul Krugman, Nobel d'Economie, voit plutôt un "jeu de poule mouillée". Dans ces conditions, il est bien naturel que la théorie des jeux ait du mal à produire une quelconque prédiction véritablement satisfaisante sur l'issue du processus de négociation. 

Le dilemme du prisonnier, illustration typique de la théorie des jeux, amène comme conclusion que la coopération est toujours le choix qui maximise les gains additionnés des deux acteurs. Au-delà du cadre théorique, cela s'est-il retrouvé dans la pratique ? 

Le dilemme du prisonnier est un prototype de situation dans laquelle des comportements individuels égoïstes mènent à des situations socialement absurdes. Comparer les négociations actuelles à un dilemme du prisonnier relève effectivement de la démarche grecque. En pratique, la coopération présuppose parfois la présence d’un coordinateur, précisément chargé de veiller à la bonne coopération. Peut-être est-ce là le rôle que sera amené à jouer l’OCDE dont le gouvernement grec est justement allé chercher l’aide ces derniers jours.

La théorie des jeux dans son acceptation originelle suppose que les deux acteurs ont une connaissance transparente des motivations et des gains de l'autre joueur. Est-on a priori dans ce contexte pour les négociations Grèce/UE ? Que se passe-t-il quand le jeu est à information incomplète ?

Les désaccords, évoqués plus haut, sur la nature même du jeu auquel se livrent les Européens, finissent effectivement par générer une certaine opacité. La théorie dispose en fait aujourd’hui d’un très grand nombre de méthodes pour traiter de ces cas mêlant incertitude sur l’action du joueur opposé, sur son identité précise ou même sur les gains possibles. Leur point faible est peut-être la trop grande rationalité qu’elles prêtent aux différents joueurs dans leur gestion de cette incertitude multiple. Si l’on veut en tirer des prédictions, il faut accepter ces hypothèses irréalistes et se contenter alors de prédictions peu robustes.

La Grèce peut faire jouer deux menaces, deux "jokers" pour pouvoir sortir d'un jeu transparent : demander une aide financière à la Russie, voire quitter totalement le jeu en quittant l'euro. Comment cela peut-il impacter/modifier une réflexion des relations Grèce/UE par le prisme de la théorie des jeux ?

Le terme de "menace" est assez inapproprié puisque le nouveau gouvernement grec n’a de cesse de clamer son attachement à la zone euro et a officiellement renoncé à demander une aide à la Russie. De plus, une menace de sortie de la zone euro pourrait être qualifiée de  "non-crédible", puisque les experts semblent s’accorder sur le fait qu’une telle éventualité serait catastrophique pour la Grèce. Finalement, le thème de la menace non-crédible est surfait et sonne comme une justification indirecte de la stratégie d’intransigeance vis-à-vis d’Athènes.

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