Les barbaries "new look" à l’assaut de l’Occident dans le monde global du 21e siècle<!-- --> | Atlantico.fr
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Photo d'illustration // Deux bombes, mèches allumées.
Photo d'illustration // Deux bombes, mèches allumées.
©Sebomari.com

Nouveau genre

En ce tournant de l’Histoire, qui coïncide avec le début d’un nouveau millénaire, l’ersatz religieux, à coloration islamiste, se substitue, en tant que barbarie "new look" sous les apparences d’un récit global, au communisme du XXe siècle.

Alexandre Melnik

Alexandre Melnik

Alexandre Melnik, né à Moscou, est professeur associé de géopolitique et responsable académique à l'ICN Business School Nancy - Metz. Ancien diplomate et speach writer à l'ambassade de Russie à Pairs, il est aussi conférencier international sur les enjeux clés de la globalisation au XXI siècle, et vient de publier sur Atlantico éditions son premier A-book : Reconnecter la France au monde - Globalisation, mode d'emploi. 

 

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Les tragédies, qui ont frappé la France, tout étant, au premier abord, locales, sont, en réalité, internationales. Leur impact est global et, de surcroît, immédiat. Il concerne toute notre planète, aplatie et rendue minuscule par les technologies digitales, un véritable mégaphone mondial à effet instantané. Il questionne le principal enjeu du XXIe siècle : la quête par chaque individu - indépendamment de sa géolocalisation, ses origines, sa couleur de peau, son statut social, ses opinions et convictions – de sa place dans le monde d’aujourd’hui et de demain.

Mon interprétation géo-philosophique de ce qui s’est passé englobe deux grilles de lecture, synergétiques et interconnectées. 

La première approche porte sur la compatibilité de l’ADN de l’islam, en tant que religion, avec la modernité. Est-il possible de moderniser l’islam (à l’instar du christianisme) ? Ou la seule option de son "évolution" réside dans sa tentation, mortifère, d’"islamiser" la modernité ?

Ayons le courage, en cette heure de vérité, de casser la pusillanimité du politiquement correct, sous la forme des rituelles incantations quasi-pavloviennes, nous intimant d’"éviter les amalgames" ! Ouvrons les yeux sur le fait que les carnages, ayant emporté en France la vie d’innocents, frappant au cœur de la civilisation occidentale reposant sur la liberté, ont été perpétrées  avec les cris "allah akbar". A savoir – avec une claire et incontestable revendication religieuse. Que dirait – on si une mosquée, située dans un lieu emblématique de l’islam, avait été attaquée par des individus hurlant "Jésus est ressuscité" ?

Ce sujet est tellement vaste que je ne saurais que l’esquisser ici, en m’interrogeant, comme beaucoup de nous, sur la capacité "génétique" de l’évolution d’une religion dont le fondateur, le prophète Mahomet, était dès le début supposé être à la fois Dieu, chef d’Etat et chef d’armée. Une religion marquée, dès sa genèse, par la soumission (j’utilise ce terme sans établir un lien direct avec la polémique sur le livre de Michel Houellebecq) de ses fidèles à l’indicible puissance divine confondue avec le pouvoir politique, par la soumission de chaque individu, privé de toute possibilité de choisir, au recueil immuable de la parole de Dieu, perçu comme LA vérité absolue, révélée et non amendable, quitte à commettre un blasphème qui doit être vengé et puni au prix de la vie humaine.

Je m’arrête pour le moment là, dans le cadre de mes réflexions, non-exhaustives, sur cette première grille d’interprétation, en affirmant que placer la barbarie, qui s’en prend à la France, sur le terrain strictement religieux, nous amènerait à l’impasse.  A mon avis, derrière une façade religieuse, le véritable enjeu clé du monde global et interconnecté du XXIe siècle est plutôt identitaire et civilisationnel. En précisant que, pour moi, à la différence de Samuel Huntington avec son bestseller "Le choc des civilisations", la substance identitaire d’une civilisation humaine ne se limite pas à son référent religieux.

Au fond, il s’agit d’un vague ersatz religieux qui est, en réalité, le simulacre d’une bouée de sauvetage pour les innombrables naufragés de la planète, ayant perdu toutes les boussoles face à l’énorme complexité du monde contemporain. A tous ceux qui se sentent exclus (ou qui sont réellement exclus) du modèle de l’économie de marché, avec son implacable impératif de "race to the top", le seul modèle de création de valeur ajoutée qui fonctionne, à l’heure où nous sommes, à l’échelle planétaire, sans aucune alternative valable.  

La situation de ces nouveaux paumés (pour ne pas utiliser le terme marxiste "damnés") de la planète est d’autant plus dramatique que l’Humanité toute entière vit, actuellement, un véritable changement de monde, une totale transmutation de paradigme civilisationnel, lorsque les mêmes mots de base que nous prononçons (le temps, l’espace, l’intelligence, le succès professionnel, etc.), ne signifient plus la même chose qu’auparavant. Lorsque le souffle nouveau, tel un tsunami, balaie sur son passage les anciennes hiérarchies,  les habitudes d’hier, les certitudes d’antan, les solidarités traditionnelles. 

En ce tournant de l’Histoire, qui coïncide avec le début d’un nouveau millénaire, l’ersatz religieux, à coloration islamiste, se substitue, en tant que barbarie "new look" sous les apparences d’un récit global, au communisme du XXe siècle. Les deux – face à la destruction des habitudes – proposent (proposait, dans le cas du communisme) de construire une identité transnationale,  transcendant toutes les cloisons. Globaliser les désespoirs. Fournir des repères en partage. Proposer des codes universels. Offrir une planche de salut. 

Mais ce, avec deux différences de taille : d’abord, à l’époque du communisme, la "Pravda" (le titre du journal du Parti communiste en URSS) faisait office de Google, et Facebook et Twitter ne pouvaient même pas être imaginés. Par conséquent, les flux d’informations étaient bridés et l’ignorance mutuelle rythmait la marche du monde. Et ensuite : le communisme, se proposant une religion laïque, cherchait à recruter ses fidèles, en les arrachant de leurs racines sociales, culturelles, religieuses, même familiales (comme dans le cas de Pavel, dit Pavlik, Morozov,  poussé à trahir son père en Sibérie soviétique, dans les années 1930, au nom d’une idéologie censée incarner "l’avenir radieux de l’Humanité"), alors que la barbarie moderne, sous le vernis du fondamentalisme islamiste, manipule, instrumentalise et domine les individus qui sont déjà déracinés, désocialisés, désaxés à cause de la globalisation en cours.

Deux faces de la barbarie, deux terreaux nourriciers des utopies nocives, polluant et colonisant les esprits et mettant en danger la paix dans le monde.

Enfin, mon panorama des barbaries new look à l’assaut de l’Occident dans le monde contemporain ne serait pas complet, si j’oubliais d’évoquer celle portée par Vladimir Poutine dans son pays qu’il mène à sa perte, à son suicide collectif. Ce qui présente aussi un danger, à l’échelle planétaire. Cette barbarie s’appelle le "nihilisme juridique". A savoir, en l’occurrence, l’auto-attribution du droit de violer la Loi (internationale) au nom d’une certaine "Pravda" (vérité, en russe) morale, indicible, prétendument historique, vaguement ethnique et d’origine quasi-divine. En affirmant, par exemple, en dépit de tous les textes écrits et signés, que "la Crimée est à nous" et que le "monde russe s’étend partout où l’on parle russe".

Bien évidemment, les tragédies qui ont endeuillé la France sont, pour le président russe, prisonnier de son logiciel mental de l’époque soviétique, une aubaine conjoncturelle. Primo, nul ne doute que cette nouvelle donne internationale éclipsera totalement ou, au moins, relèguera, pendant longtemps, à l’arrière-plan de l’actualité la problématique russo-ukrainienne, qui devient de plus en plus épineuse pour le Kremlin. Et secundo, il ne manquera pas d’en profiter pour essayer de se replacer dans le jeu géopolitique avec la participation de l’Occident – dont il s’est exclu lui-même – en prétendant être du "bon côté de l’Histoire". Conformément à la recette qu’il avait déjà utilisée au lendemain du 11 Septembre quand il avait téléphoné à George Bush pour lui dire "je vous avais prévenu". Et ajouter "vous voyez,  nous sommes tous confrontés au même danger". Tout en pensant au fond de lui-même que les Américains ne font que récolter qu’ils ont semé.

Non, celui porte lui-même un danger ne peut être une part de la solution, il restera un problème. Il faut donc prévenir et contrer cette manœuvre : aucun dialogue constructif de fond ne serait possible tant que la violation de la Loi reste la stratégie russe, cette dernière étant incompatible avec le socle des valeurs fondamentales de la civilisation occidentale. 

En conclusion, quelles sont deux projections dans l’avenir après ce séisme français à impact global ?

La première option engage le court terme. Elle portera, logiquement et sans aucun doute, sur l’inévitable déplacement du curseur, qui oscille toujours, en démocratie, entre liberté et sécurité, vers le second repère.

Mais mon espoir est lié à la possibilité, à plus longue échéance, d’un véritable sursaut de la démocratie française et, par son effet d’entraînement, occidentale - réunie, réinitialisée, revivifiée face à l’incroyable défi que lui lancent – ouvertement ou tacitement - les nouvelles barbaries du XXI siècle.  Dans cette hypothèse, il s’agirait d’une nouvelle Renaissance de l’Occident, à l’exemple de ce qui s’est passé au milieu du XVe siècle, lorsque l’Europe a trouvé en elle l’énergie salutaire de se réinventer, grâce à son audace et son innovation et ce, sur la base de ses principes fondateurs. Car le défi auquel est actuellement confronté l’Occident, dans son ensemble, c’est une attaque qui vise son cœur, son essence – la liberté de l’être Humain, ainsi que la Loi qui régit notre logiciel. Toute autre interprétation des événements, qui se déroulent sous nos yeux, serait, bien entendu, possible dans une société démocratique mais elle relèverait, à mon avis, d’une cécité conceptuelle. Pire : d’un nouveau négationnisme préjudiciable à nous-même.

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