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Ce que le succès du FN aux élections locales nous dit de ce qu’est devenu son électorat
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Diagnostic

Le Front national s'attend à des scores très satisfaisants pour les prochaines élections départementales en mars 2015. Une nouvelle donne pour un parti généralement habitué à des performances faibles lors des élections locales. Le signe d'une hausse globale bien sûr, mais aussi d'un changement de perception du FN sur le terrain par les électeurs.

Jérôme Fourquet

Jérôme Fourquet

Jérôme Fourquet est directeur du Département opinion publique à l’Ifop.

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Atlantico : Les perspectives du résultat des départementales pour le FN s'annoncent prometteuses : gros scores attendus dans le Var et le Vaucluse, victoire possible dans l'Aisne et l'Oise et loin d'être exclue dans le Pas-de-Calais, l'Hérault, la Moselle et le Gard. Qu'est-ce que cela nous dit de l'électorat du Front national dont le taux d'abstention était généralement plus faibles aux élections locales qu'aux élections nationales ? 

Jérôme Fourquet :  L'électorat frontiste participe désormais aux scrutins locaux afin que les responsables du Front national arrivent aux responsabilités. On l'a constaté aux élections municipales et aux sénatoriales. Auparavant l'intensité n'était pas la même entre la participation aux élections locales et nationales parce que l'aspect contestataire était beaucoup plus fortement symbolisé lors des élections présidentielles par exemple, mais la donne a changé, l'électorat frontiste souhaite voir ses représentant appliquer leur politique, tenir le gouvernail. Le Front national est construit à partir d'un rejet des partis. Mais on observe une adhésion de plus en plus nette à une vision du monde. On devrait donc avoir une confirmation de cette dynamique aux élections départementales de 2015.

Les électeurs frontistes s'abstenaient souvent lors de ces élections, leur préférant des enjeux nationaux. Comment le FN a-t-il réussi à susciter un intérêt plus grand pour ce type de suffrage ? 

Si le FN faisait de moins bons scores, parce qu'il souffrait d'un déficit de cadres sur le territoire, d'un réseau consistant, alors que les autres partis jouissaient de notables et d'élus bien implantés. Localement l'électorat aujourd'hui frontiste votait pour des élus de gauche ou de droite parce qu'ils jouissaient d'une notoriété, présentaient les réalisations qu'ils avaient pu effectuer dans le cadre de leurs précédents mandats. Tout l'enjeu aujourd'hui pour le FN est donc de créer et d'implanter un nouveau réseau d'élus, crédible.

La logique "antisystème" souvent mise en avant pour expliquer les résultats nationaux est-elle également valable dans cette élection locale ? L'opinion sent-elle un ras-le-bol "UMPS" dans ces départements, ou peut-il y avoir un vrai désir de gouvernance locale estampillée "FN" ? 

Le programme du FN est en partie construit sur la contestation des autres, ce qui génère des propositions précises. Il y a donc une part grandissante de l'adhésion à un programme, mais aussi à une vision du monde et de la France proche de la grille de lecture du FN. Tous les scrutins montrent en tout cas la volonté de laisser sa chance à une gestion "frontistes" des affaires. Un simple vote de protestation entraînerait un reflux des scores de second tour après un bon premier tour. Or, ce n'est plus le cas. Et je rappelle que deux sénateurs FN ont été élus, et ils l'ont été par des grands électeurs, eux-mêmes élus dans des conseils municipaux, des mairies. C'est un signe supplémentaire que la vocation uniquement protestataire ne correspond plus au principal ressort du vote en sa faveur.

Pourquoi le parti parvient à rafler la mise dans une élection qui lui était pourtant peu favorable jusque-là ?

Le Front national a de solides chances de faire de gros scores aux départementales. Mais il faut rester prudent, gagner la présidence d'un conseil général va rester difficile pour lui. La victoire dans un département repose sur la capacité à l'emporter dans une majorité de cantons, donc quand il y a 25 cantons, il faut décrocher plus d'une douzaine de ces cantons. Et sans alliance pour le FN. C'est une condition très exigeante et loin d'être atteignable. 

Il y a déjà eu aussi des précédents de bons résultats. En 2011, le FN était arrivé au second tour dans 400 cantons. En 1998, les résultats avaient été très bons également. Il y a donc un impact mécanique sur les départements de la performance frontiste globale du moment, avec plus ou moins d'intensité selon la capacité du FN de pouvoir présenter des candidats. Nous sommes dans une configuration actuelle où le FN est structurellement élevé, il y aura donc naturellement des scores importants. 

"Sans ancrage de proximité" ou "manquant de cadres locaux" sont des observations souvent faites jusque-là pour expliquer les résultats décevants du FN. Le parti a-t-il réussi à corriger ses faiblesses ? Est-il maintenant bien ancré et bien organisé localement avec des figures connues dans les territoires où la victoire est possible ?

Ce qui a historiquement freiné le FN dans les scrutins locaux, c'est effectivement l'absence de candidats crédibles. Et surtout implantés. On l'a vu en 2011, des candidats dont on ne connaissait même pas le visage ont fait des scores importants. Mais faire un score est une chose, l'autre est de l'emporter... Et la marche entre les deux reposait sur un déficit de cadres locaux, et l'opposition à des partis politiques qui eux avaient ce réseau. 
Le FN essaie d'évoluer, mais ce n'est pas évident. Les réformes du mode de scrutin obligent à présenter un homme et une femme, plus un binôme de suppléants eux aussi mixtes et paritaires. On va donc voir si le FN arrive à présenter des candidats dans les 2000 cantons français. Et il n'est pas certain que les grands partis puissent en faire autant, notamment en zone rurale. Et la campagne sera de plus très courte.

Le FN a en tout cas clairement le local comme objectif, sous l'impulsion de Steeve Briois (élu maire de Hénin-Beaumont dès le premier tour des municipales). Il a cherché des talents dans les fédérations, et cette élection sera un test pour juger cette pépinière. Certains candidats ont déjà été élus aux municipales, et on ne sait pas s'ils vont tous se présenter, des personnalités émergent, mais cela reste encore marginal. Le plus grand vivier est plutôt dans l'opposition des conseils municipaux. Mais ils ont été élus en mars dernier seulement, le Front national part encore de loin. Le FN a beau se réclamer "premier parti de France", il est loin d'avoir ce que l'on appelait du temps du PCF un "appareil", que le parti communiste a d'ailleurs mis des décennies à construire.

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