On ne naît pas femme, on le devient et l’Etat islamique a rédigé le mode d’emploi<!-- --> | Atlantico.fr
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Un document de l'Etat islamique exhorte les femmes à les rejoindre.
Un document de l'Etat islamique exhorte les femmes à les rejoindre.
©Reuters

Vers un avenir radieux

Il y a peu de temps l'organisation Etat islamique publiait un guide de la femme musulmane modèle, à l'adresse des épouses de ses djihadistes. Plus récemment, un document émanant d'une brigade féminine de la police du "Califat" était révélé, présentant les vertus de la femme musulmane : mariée à 16 ans, restant à la maison ... Une brochure visant à convaincre les musulmanes de l'étranger à se rendre en Syrie... pour découvrir un enfer quotidien.

Alain Rodier

Alain Rodier

Alain Rodier, ancien officier supérieur au sein des services de renseignement français, est directeur adjoint du Centre français de recherche sur le renseignement (CF2R). Il est particulièrement chargé de suivre le terrorisme d’origine islamique et la criminalité organisée.

Son dernier livre : Face à face Téhéran - Riyad. Vers la guerre ?, Histoire et collections, 2018.

 

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Atlantico : Le document en question émane de la brigade Al-Khansa, une unité de police composée de femmes, la plupart occidentales et éduquées, qui agissent pour le compte de l'Etat islamique, à Raqqa, la capitale du Califat auto-proclamé. Le document attaque le mode de vie des femmes occidentales, et exhorte les musulmanes de l'étranger à rejoindre l'EI. Mais une fois sur place, quelle réalité découvrent-elles ?

Alain Rodier : Les femmes rejoignant l'organisation Etat islamique le font pour vivre pleinement leur foi musulmane sous le drapeau noir du Califat. Elles se sentent "opprimées" en Occident et c'est pour cette raison que l'Etat Islamique les attire. Il n'est pas question pour elles d'avoir de "mission combattante". La brigade dont vous parlez a été créée pour permettre de contrôler d'autres femmes aux check-points, les hommes n'ayant pas le droit de le faire selon l'islam rigoriste pratiqué par les salafistes-djihadistes. Elles ne participent pas directement aux combats comme les Kurdes qui ont leurs unités féminines, bien qu'il n'existe pas d'unités mixtes. Elles assurent aussi une police des mœurs en contrôlant la tenue des femmes.

Les femmes sur place doivent être mariées et procréer car l'Etat islamique sait que son combat doit durer des générations. Les djihadistes peuvent avoir plusieurs épouses, généralement réunies sous le même toit. Il faut donc être être prolifique pour fournir les futurs bataillons du djihad. Elles assurent aussi la logistique des combattants et les soutiennent dans leur lutte. Il leur est même demandé de galvaniser les hommes en faisant honte à ceux qui flanchent.

Le document émane de femmes qui mènent une vie de combattantes. Pourtant il décrit la musulmane idéale comme restant à la maison pour procréer et servir son mari. L'image de la femme guerrière n'est-elle finalement qu'une image de propagande loin de la réalité ?

Ce n'est pas parce qu’elles ont une tenue de guerre et une Kalachnikov qu'elles sont des combattantes. Cela dit, les volontaires apprennent à se servir d'une arme pour le cas où. Elles sont employées dans des missions relativement statiques ou de contrôle. Certaines auraient servi de kamikazes. L'idéal de la femme, selon l'EI, c'est celui de la mère au foyer, pas de la combattante. Son rôle d'éducation est jugé comme prioritaire.

La brigade Al-Khansa affirme que les femmes "pures" doivent-être mariées vers 16 ans, mais qu'il est aussi possible pour un djihadiste d'épouser une fillette de 9 ans. Quelle est l'ampleur des violences sexuelles (mariages forcés, viols...) auxquelles sont soumises les femmes sur le territoire de l'Etat islamique ?

En dehors des Yézidis vendues comme esclaves, peu d'informations circulent sur la réalité (ou non) des sévices auxquels sont soumises les femmes en zones tenues par l'Etat islamique. Des cas de lapidation pour adultère ont été signalés. Les tribunaux islamiques étant constitués uniquement d'hommes.

Le document fait état de la fermeture forcée des salons de beauté à Raqqa. Avez-vous d'autres exemples d'activités ou de services auxquels les femmes avaient accès dans la Syrie de Bachar el-Assad, et qui leur sont désormais interdits ?

Les femmes vivent de manière très occidentalisée en zones contrôlées par le régime de Bachar el-Assad. Globalement, c'est l'inverse dans les régions où sévit Daech. C'est l'obscurantisme le plus complet qui retombe. Elles ne peuvent sortir seules, travailler (à l'exception de là où elles sont jugées indispensables pour s'occuper d'autres femmes, particulièrement dans le domaine de la santé), vivre normalement tout simplement.

Les femmes occidentales musulmanes qui s'engagent dans le jihad viennent de pays plutôt libéraux à l'égard des femmes. Ont-elles vraiment conscience de la vie qu'elles méneront une fois installées dans le Califat ?

Généralement, elles s'attendent tout de même à mener une vie différente. Elles pensent qu'elles seront respectées en tant que femmes et musulmanes. Il y a certainement un "mal vivre" dans leurs pays d'origine quand il ne s'agit pas d'une révolte contre la génération précédente. Mais il y a loin du rêve à la réalité. Une fois la frontière turque franchie, le retour en arrière est très difficile, voire impossible car les hommes ne les laissent plus repartir. Il est estimé que 15% des volontaires rejoignant Daech sont des femmes. Elles ne le font pas pour les mêmes raisons que les hommes. Le côté "Mad Max" leur est étranger alors qu'il émoustille leurs homologues masculins.

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