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Explosion en vue : pourquoi la Jordanie risque d’être vite emportée par la vague de l’Etat islamique
©Reuters

Péril vert

L'immolation par l'EI d'un pilote de chasse de l'armée jordanienne a profondément marqué le pays. Cependant les Jordaniens ne soutiennent pas tous leur roi dans la guerre contre les terroristes, et ces derniers, lorsqu'ils seront acculés par l'armée irakienne, pourraient trouver en Jordanie une nouvelle terre d'accueil.

Ardavan Amir-Aslani

Ardavan Amir-Aslani

Ardavan Amir-Aslani est avocat et essayiste, spécialiste du Moyen-Orient. Il tient par ailleurs un blog www.amir-aslani.com, et alimente régulièrement son compte Twitter: @a_amir_aslani.

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On pouvait légitimement croire que l’on avait atteint le paroxysme de l’horreur avec les décapitations, à la mode saoudienne, des otages occidentaux, mais voilà qu’une nouvelle étape dans l’abjecte vient d’être franchie avec l’immolation du pilote jordanien par le prétendu Etat Islamique. Cette dernière ignominie fut justifiée dans l’heure par les "théologiens" wahhabites par les traditions attribuées au commandant des forces armées du prophète de l’Islam, Khaled bin al-Walid, ainsi que sur le verset 16:126 du Coran. Or ce dernier acte de sauvagerie sanguinaire à l’encontre d’un arabe sunnite par ses propres coreligionnaires ne manquera pas de secouer les fondements du pouvoir jordanien.

Ce petit pays qui vit principalement des largesses saoudiennes fut créé par les Anglais à l’issue de la Première Guerre mondiale pour les besoins de la succession royale en Arabie. En effet, les Anglais ayant décidé de remettre le trône d’Arabie à Ibn Saoud, ils furent obligés de tracer à partir de rien un pays pour le prétendant légitime, Abdallah I, qui était le fils du chérif de la Mecque et roi du Hedjaz, qui est une partie de ce qu’est devenue l’Arabie saoudite d’aujourd’hui. Or la Jordanie d’hier n’est pas la même que celle d’aujourd’hui. Historiquement l’assise du pouvoir de la monarchie était composée des tribus bédouines situées à l’est du Jourdain à l’instar de celle du malheureux pilote assassiné. Il en fut globalement ainsi jusqu’à il y a peu.

En effet, l’engagement militaire de la Jordanie dans les combats aériens à l’encontre du prétendu Etat Islamique divise cette population bédouine, fortement islamisée, qui reproche au roi Abdallah l’engagement d’Amman aux côtés des forces américaines. Ainsi on a pu entendre le père du pilote immolé reprocher à son gouvernement l’engagement du pays dans ce conflit en proclamant que son fils n’avait rien à y faire et demandant à "ceux qui l’y ont envoyé de le ramener".  Rappelons que les islamistes représentent la principale force d'opposition en Jordanie et puisent leurs légitimités dans ces mêmes tribus de l’est du Jourdain, qui à leur tour composent la quasi-totalité de l’effectif de l’armée jordanienne.

Or ces tribus ne cessent de formuler des griefs à l’encontre du pouvoir et pas seulement à cause de la baisse de leur niveau de vie, conséquence inéluctable de la baisse de l’aide économique ces dernières années des pétromonarchies du Golfe persique. En effet ces dernières, n’appréciant guère les hésitations du roi de Jordanie d’entrer ouvertement en conflit avec le régime d’Assad à Damas, lui ont sérieusement retiré leur aide financière, empêchant de la sorte le maintien de la paix sociale. Le roi de Jordanie n’avait jamais d’ailleurs caché que pour lui, la chute de Bachar Al-Assad, ne manquerait pas d’entraîner simplement l’anarchie en Syrie mais aussi l’instabilité et l’insécurité dans son royaume. Or ayant dû céder à la pression de la diplomatie du portefeuille de ces mêmes bailleurs de fonds, la Jordanie est elle aussi entrée, certes tardivement, dans l’alliance contre le prétendu Etat Islamique.

Après l’émoi créé par l’assassinat sauvage du pilote captif et les premiers cris de vengeance, la population jordanienne se demandera inéluctablement le pourquoi de l’engagement de leur pays dans cette guerre impopulaire contre leurs frères d’armes sunnites. Le terreau devenant de plus en plus favorable, le prétendu Etat Islamique cherchera à y gagner un tremplin surtout que depuis le regroupement de l’armée iraquienne, il ne cesse d’y perdre du terrain. Chaque avancée de l’armée iraquienne rapprochera les miliciens de cette secte meurtrière plus près de la frontière jordanienne jusqu’à la bascule inévitable. Ce jour-là, qui, hélas n’est peut-être pas très éloigné, le pays connaîtra le même sort que l’Iraq et la Syrie. Le pays se divisera avec d’un côté les palestiniens majoritaires qui se retrouveront de fait unifiés avec leurs frères de Cisjordanie, rendant possible la création d’un Etat palestinien, et de l’autre les tribus bédouines qui s’identifieront plus facilement avec leurs frères iraquiens et syriens.

Se posera ensuite la question du sort de la famille royale Hachémite et avec elle un retour possible aux sources, en Arabie !

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