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(Le) Lièvremont et la tortue
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Nouveau souffle

Être sélectionneur d'une équipe nationale nécessite mental d'acier et abnégation. Après sa victoire à Auckland face à l'Angleterre, Marc Lièvremont, le sélectionneur du XV de France, a prouvé qu'il possédait ces qualités.

Philippe Verneaux

Philippe Verneaux

Philippe Verneaux est journaliste sportif et auteur de L'argent dans le sport (2005, Flammarion). Il anime le blog sportmood.fr.

 

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Quel métier ! Mais en est-ce un ? Être sélectionneur d’une équipe nationale ne serait-il pas plutôt le synonyme d’une métamorphose ? En tant qu’entraîneurs des Bleus, Marc Lièvremont, Laurent Blanc et leurs collègues d’autres sports ne sont plus vraiment eux-mêmes. La responsabilité les écrase ou les transfigure. Au rythme de leurs actes, l’histoire récente fait des sélectionneurs des dieux ou des diables.

Jacquet, le mal-Aimé, est devenu en juillet 1998 le bien-Aimé, Saint-Aimé pour les très nombreux dévots à qui il apportait enfin la lumière après une longue nuit. Endossé des pires péchés, Raymond Domenech est lui envoyé directement en enfer en 2010. Qu’est-ce qui sépare la canonisation de la damnation ? Deux centimètres. Soit la dérisoire distance qui quatre ans auparavant, avait empêché la réussite du tir au but de Trezeguet en finale du Mondial… Mais, comme le monde l’a appris de Montesquieu, le hasard d’une cause particulière, un accident dirait-on aujourd’hui, n’est que la conséquence d’une cause plus générale, ou plus profonde diraient nos psychologues actuels, tous grands décrypteurs des actes manqués de Raymond…

Et qu’est-ce qui sépare le ridicule du sublime ? Marc Lièvremont répondra sans doute un jour, ou pas. La victoire du Quinze de France sur l’Angleterre (19-12) en quarts de finale du mondial ce samedi était aussi attendue que l’influence improbable d’une moustache sur un destin. Le coach français arborait depuis la catastrophe tonguienne quelques poils d’adolescent attardé au-dessus de sa lèvre supérieure. Grotesque, avaient ironisé certains. « Sexy » s’étaient pâmés quelques admiratrices. Plus sérieusement, cette moustache représentait sans doute plus que ce que l’on en soupçonnait. C’était celle du changement, de la brisure d’une image et probablement de la disparition d’un « moi »… En une semaine, Lièvremont, comme son visage, a littéralement muté, passant du statut de perdant à celui de triomphateur.

Étonnantes mais pas si insondables transfigurations. Yannick Noah avait en son temps changé des soldats de bois en soldats de plomb. Le capitaine avait conçu un plan de bataille d’une audace inouïe pour la finale de la Coupe Davis 1991. À commencer par l’opération résurrection d’Henri Leconte, véritable zombie quinze jours auparavant… « Riton », électrifié par les mots du gourou et son énergie de chaise, avait joué le tennis de sa vie le temps d’un simple et d’un double hallucinants. Et que dire à l’inverse d’un Vincent Collet, l’anti-communiquant du basket qui dicte doucement mais si magistralement dans les arcanes du vestiaire sa tactique et ses principes de jeu à l’extraverti et hyper-médiatique Tony Parker à et toutes les autres stars de la NBA ? Ou de Laurent Blanc, en bute avec les affres et le vide sidéral de l’après-Knysna et forcé, lui, l’un des chevaliers de la grande légende du foot Bleu, à frayer sur des chemins de traverse. Discours et parcours différents de la méthode…

Mais en sport, les résultats, comme le style dans la vie, font l’entraîneur. Résultats et surtout continuité dans ceux-ci. Bernard Laporte l’a appris à ses dépens, lui qui avait permis à ses joueurs de renverser l’Himalaya All Black en 2007 avant de crouler au Stade de France face aux… Anglais. Son successeur a tout intérêt à méditer cette fable en vue de la suite des événements. On peut peut-être faire confiance à celui qui, depuis ce 8 octobre à Auckland, a composé un assez joli «  Lièvremont et la tortue  »…

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