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Taxer les mutuelles au motif qu'elles sont riches est soit populiste soit une preuve d'ignorance...
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Privatisation rampante de la santé ?

En août dernier, François Fillon annonçait son plan de rigueur destiné à procurer 12 milliards de recettes supplémentaires à l’État. On notait l’augmentation de la taxe qui frappe les contrats complémentaires maladie. Face à cet alourdissement de la fiscalité qui incombera, in fine, aux assurés, la Mutualité Française a lancé fin septembre une pétition en ligne afin d’obtenir l’abandon de ce nouvel impôt sur la santé.

Xavier Petitjean

Xavier Petitjean

Xavier Petitjean est responsable fiscal dans un important groupe mutualiste d'assurance. Auparavant il a été avocat fiscaliste chez Arthur Andersen International puis Ernst & Young.

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L’affaire commence à faire du bruit le 24 août dernier, lorsque François Fillon annonce son plan de rigueur destiné à procurer 12 milliards de recettes supplémentaires à l’État. Parmi le florilège de mesures soumises à la future approbation des parlementaires figure l’augmentation de la taxe qui frappe les contrats complémentaires maladie. Aussitôt annoncé, aussitôt voté, le texte final est définitivement adopté le 8 septembre 2011. Face à cet alourdissement de la fiscalité qui incombera, in fine, aux assurés, la Mutualité Française a lancé fin septembre une pétition en ligne afin d’obtenir l’abandon de ce nouvel impôt sur la santé. Un peu de pédagogie : 

Qu’est-ce qu’une complémentaire santé ?

Question évidente en apparence mais le contexte général mérite effectivement d’être rappelé. Car si les contrats d’assurance santé existent, c’est aussi et surtout pour suppléer aux insuffisances de remboursement du régime général de la Sécurité Sociale : il s’agit incontestablement d’une privatisation rampante de la protection des Français en matière de santé. La plupart des Français en bénéficient, soit directement en qualité de souscripteur, soit parce qu’ils sont bénéficiaires d’un contrat collectif souscrit par leur employeur, par exemple.

Pourquoi parle-t-on de contrats « responsables et solidaires » ?

Face aux nécessités de canaliser, voire réguler le développement de cette sécurité sociale privatisée, l’État a fixé certaines règles de fonctionnement et les a désignées sous le label « responsable et solidaire » : la notion de contrat responsable fait directement référence à la maîtrise des dépenses de santé (obligation du respect du parcours de soin, par exemple, non remboursement des franchises médicales, etc.), tandis que la notion de contrat solidaire vise à réduire les risques de sélection des assurés, par les assureurs, en fonction de leur âge, de leur état de santé, etc.

Dans le but d’inciter les assureurs à proposer ces contrats-là, l’État a choisi de pénaliser, fiscalement, les contrats qui ne respectent pas ces règles de fonctionnement. Concrètement, jusqu’au 31 décembre 2010, les contrats santé responsables et solidaires étaient exonérés de taxe sur les convention d’assurance tandis que les autres étaient soumis à une taxe de 7%.

Il existait donc un accord entre les assureurs et l’État ?

Le terme accord est probablement excessif mais ce qui est certain, c’est que l’État, faute de pouvoir offrir aux assurés une protection sociale intégrale, s’est reposé sur le secteur privé pour le remplacer. Dans cet objectif, il est tout à fait conforme à la vocation régulatrice de l’État qu’il édicte un certain nombre de règles, via la législation fiscale, afin de canaliser les offres privées de protection sociale. Non sans succès puisque les contrats santé dits responsables et solidaires représentent aujourd’hui plus de 90% du marché.

Comment ce bras de fer entre les mutuelles et l’État a-t-il commencé ?

En réalité, la hache de guerre a été déterrée dès le 1er janvier 2011. A compter de cette date, les contrats santé responsables et solidaires ont vu leur avantage fiscal se réduire puisqu’ils ont été assujettis à une taxe de 3,5% au lieu de 0% antérieurement. La loi votée le 8 septembre dernier poursuit ce mouvement en doublant le taux, soit un taux de 7% à compter du 1er octobre 2011. Il faut donc bien saisir qu’en neuf mois, les contrats responsables ont vu leur tarif grevé d’un impôt supplémentaire de 7%.

Le même taux que les contrats qui ne sont ni solidaires ni responsables ?

Pour faire bonne mesure et rester cohérent avec lui-même, les contrats non responsables et solidaires sont dorénavant soumis à un taux de 9% au lieu de 7% auparavant.

Dans les faits, qui est redevable de cette taxe ?

Comme dans tout schéma économique, c’est le client final qui paie la taxe. Affirmer, comme l’ont fait Xavier Bertrand, ministre de la Santé ou Gilles Carrez, rapporteur général du Budget, que les assureurs sont suffisamment riches pour ne pas répercuter cette hausse d’impôt sur les contrats santé sur leurs clients relève soit d’une démarche particulièrement populiste, soit d’une méconnaissance des réalités économiques des assureurs soumis à la fois à une forte concurrence et à des obligations de solvabilité toujours plus élevées. Il en est de même concernant les deux députés UMP, Sébastien Huyghe et Valérie Rosso-Debord, qui ont proposé de taxer les réserves financières excessives des assureurs.

Certains assureurs auraient en réserves un véritable trésor de guerre ?

Si c’est vrai, ils se comptent sur les doigts d’une main et ne sont pas du tout représentatifs de l’ensemble des assureurs. Et quand bien même ? Si même des élus de droite s’en prennent aux riches, que restera-t-il à la gauche pour 2012 ? Plus sérieusement, si ces assureurs savent être efficaces dans leur gestion pour dégager des résultats bénéficiaires, inspirons nous de leurs méthodes au lieu d’inventer – un comble pour un député UMP ! – un Impôt Sur la Fortune des entreprises.

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