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Pourquoi on pourrait bientôt se rendre compte que les composants de nos dentifrices nous empoisonnent à petit feu
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Sourire ultra-bright

En tout, un dentifrice lambda vendu en grande surface comporte très souvent entre 12 et 15 composants.

Stéphane Gayet

Stéphane Gayet

Stéphane Gayet est médecin des hôpitaux au CHU (Hôpitaux universitaires) de Strasbourg, chargé d'enseignement à l'Université de Strasbourg et conférencier.

 

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Atlantico : Nous l’utilisons tous les jours, sans trop nous demander ce que les laboratoires mettent dedans : de quoi notre dentifrice se compose-t-il ?

Stéphane GayetProduits pour soins dentaires et buccaux, les dentifrices sont en règle générale assimilés à des cosmétiques. Ils ont pour but de nettoyer et protéger les dents et les gencives. S’il en existe quatre formes galéniques -pâte, gel, poudre et solution-, les pâtes représentent environ 95% des produits consommés, de fait leur rapport coût sur efficacité paraît optimal. Les deux volets de l’action d’un dentifrice -nettoyage et protection- correspondent aux deux groupes de substances actives qui sont intégrées à leur formulation. Les premières sont des adjuvants de brossage -il est essentiel d’insister sur le fait que la brosse et son maniement sont plus importants que le dentifrice : il s’agit principalement d’agents abrasifs et d’agents détergents et humidifiants. Les secondes sont des substances chimiques destinées à protéger la dent et les différents tissus qui l’enveloppent, c’est-à-dire le parodonte (gencive, ligament, os), afin de prévenir la carie (attaque de l’émail dentaire : rôle prophylactique majeur des fluorures) et les parodontopathies (atteintes parodontales). Nous ne parlerons pas ici des dentifrices thérapeutiques, qui s’apparentent plus à des médicaments et surtout ne sont à utiliser que sur conseil ou prescription d’un dentiste et cela pendant une période assez limitée (ils contiennent, entre autres, des agents anti-infectieux ou des substances anti-inflammatoires).

À ces deux groupes de substances de base d’un dentifrice, il faut ajouter les excipients. S’il s’agit en principe de substances neutres destinées à améliorer la forme et la texture du produit (produits neutres liants, stabilisants et épaississants), il y a aussi des substances actives parmi lesquelles des agents conservateurs à action antimicrobienne dont les parabènes ainsi que la chlorhexidine et le très décrié triclosan, ces deux dernières molécules étant des antiseptiques. Enfin, et ils jouent un rôle dans l’attrait commercial d’un dentifrice, on doit parler des agents colorants, aromatisants et édulcorants. En somme, une pâte dentifrice est un produit composite, hétérogène et visqueux, qui comporte une phase solide en suspension dans une phase liquide et renferme des produits chimiques très variés. Il n’est pas habituel de lire en détail la composition d’un dentifrice, à la différence de celle d’un aliment. Mais cet exercice est instructif : vous y découvrirez une longue liste de produits aux noms pour le moins peu connus et parfois en anglais, sans parler de ceux que le fabricant est en droit de ne pas citer, au motif qu’ils sont considérés comme des excipients, ou parfois des secrets de fabrication. Au total, un dentifrice actuel du commerce comporte très souvent au moins 12 à 15 composants.

Parmi ces composés, certains sont-ils dangereux ?

Nous avons envisagé plus haut un certain nombre de risques liés à la composition du dentifrice, il s’agit à présent de les développer. En réalité, avec les dentifrices d’aujourd’hui, il existe un risque de nocivité pour la plupart des constituants, il faut le souligner. Mais quelle en est la raison ? Les fabricants se sont adaptés aux attentes des consommateurs qui sont de plus en plus pressés et exigeants quant au résultat ; c’est aussi vrai du brossage des dents et il a donc fallu concevoir des dentifrices d’action rapide et efficace, mais cela se solde par des risques accrus. Les agents abrasifs sont surtout le carbonate de calcium, l’alumine et la silice. Ces deux derniers ont une forte dureté et risquent de provoquer des lésions gingivales et même de l’émail dentaire. Concernant les agents détergents et humidifiants, le lauryl sulfate de sodium (détergent) peut être à l’origine d’une inflammation gingivale et d’aphtes ; le sorbitol (humidifiant) peut occasionner une irritation de la muqueuse gastro-intestinale. Du côté des agents préventifs, si l’apport du fluor (agent anti-carie) est indéniable, un apport excessif peut se montrer dangereux. Les agents anti-plaque dentaire sont avant tout des antimicrobiens, car la matrice de la plaque est microbienne. La chlorhexidine (antiseptique) peut tâcher l’émail et de révéler agressive pour la muqueuse. Le triclosan (antiseptique), parfois incorporé dans du polydiméthylsiloxane (huile de silicone) est très décrié ; en réalité, sa toxicité n’est pas avérée ; mais il peut induire des résistances bactériennes. L’héxétidine (antiseptique faible) peut provoquer une diminution de la sensibilité gustative. Autre substance du même groupe, l’octénidine est elle-aussi responsable d’une coloration tenace. Du côté des agents conservateurs à action antimicrobienne (on peut voir dans ce groupe des agents anti-plaque dentaire), il faut citer les parabènes, également décriés : certains d'entre eux auraient des effets hormonaux délétères et leur rôle le cancer du sein est une hypothèse. Dans le groupe des agents attractifs et de confort, les nanoparticules de dioxyde de titane (produit opacifiant) déterminent dans la plèvre et le péritoine une inflammation similaire à celle due à l'amiante. Les silicones (facteurs d’onctuosité), très utilisés en cosmétologie –particulièrement le diméthicone- s’accumulent à la surface de l’épithélium, d’où un colmatage superficiel, irritant et asphyxiant. Il faut rappeler qu’ils sont des polluants pour l’environnement, car très stables. Cette énumération ne saurait pas bien sûr être exhaustive. Il faut toujours avoir à l’esprit qu’une muqueuse absorbe facilement et rapidement un produit, et qu’on utilise un dentifrice souvent.

L’offre est large : existe-t-il des formules très différentes ? Que choisir en fonction des profils ?

Ces produits sont d’utilisation pluriquotidienne, et leur offre est en effet aujourd’hui pléthorique, d’autant plus que l’hygiène bucco-dentaire est promue, tant par les professionnels de santé que par les campagnes préventives effectuées par le ministère de la Santé et différents organismes. Il est devenu vraiment difficile de choisir un dentifrice : entre les éléments attractifs mis en avant (goût agréable, rafraîchissement de l’haleine, blanchiment des dents, prévention des caries par le fluor, prix intéressant) et les publications à destination du public qui font état de la nocivité de certains d’entre eux, en raison de composants dangereux, comment s’y retrouver ? En pratique, que faire ? Certes, on trouve des études menées et publiées par les organismes de défense des intérêts des consommateurs (attention à les lire attentivement et de façon critique), mais on ne saurait trop inciter, d’une part, à demander conseil à un professionnel au demeurant compétent et neutre, et, d’autre part, à éviter les produits de bas de gamme et très bon marché.

Concernant les enfants, les risques de toxicité sont plus importants que chez l’adulte. Beaucoup de fabricants proposent des dentifrices conçus pour l’enfant : si cela paraît une bonne chose, il est toujours utile d’en vérifier la composition. On trouve par ailleurs dans le commerce toute une déclinaison de produits ayant telle ou telle cible. Les dentifrices pour fumeurs sont très abrasifs et de ce fait déconseillés. De la même façon, les dentifrices dits à effet blanchissant sont en réalité des leurres, car aucun produit chimique présent dans un dentifrice n’a réellement d’action blanchissante : ces formes commerciales ont en fait une concentration élevée en abrasifs. On ne peut clore ce chapitre sans insister sur la nécessité d’avoir une brosse de bonne qualité et peu usée, d’effectuer un brossage techniquement correct et de procéder à un rinçage prolongé, de façon à éliminer au maximum les résidus de dentifrice pouvant se révéler néfastes.

En résumé, occupant une place essentielle dans l’hygiène buccodentaire, le dentifrice est devenu aujourd’hui un produit complexe à choisir avec soin et discernement. Si tous les dentifrices ou presque renferment du fluor dont le rôle préventif de la carie est majeur, leur composition est fort variable et en pleine évolution. Les constituants de certains produits peuvent se révéler délétères en utilisation prolongée et prendre l’avis d’un spécialiste est toujours une sage attitude, en dépit de toutes les sources d’information. Mais le meilleur des dentifrices, mal utilisé, ne donnera pas de bons résultats : la pâte ne peut pas être dissociée de la brosse ni de la technique de brossage.

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