Mélenchon Duflot, le flirt qui ne menait à rien : pourquoi la gauche radicale française est incapable de reproduire les succès de Syriza ou Podemos<!-- --> | Atlantico.fr
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Pourquoi la gauche française n'y arrive pas ?
Pourquoi la gauche française n'y arrive pas ?
©Reuters/Charles Platiau

Inconciliables

Jean-Luc Mélenchon a qualifié la victoire du parti Syriza en Grève de "moment historique" et travaille activement à une coalition entre le Parti de gauche, EELV, le PCF et la gauche du PS, en vue des élections de 2015 et 2017.

Eddy  Fougier

Eddy Fougier

Eddy Fougier est politologue, consultant et conférencier. Il est le fondateur de L'Observatoire du Positif.  Il est chargé d’enseignement à Sciences Po Aix-en-Provence, à Audencia Business School (Nantes) et à l’Institut supérieur de formation au journalisme (ISFJ, Paris).

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Atlantico : Pourquoi la gauche radicale française ne suscite-t-elle pas un même engouement que la gauche en Grèce ?

Eddy Fougier : On a vu depuis l'arrivée au pouvoir de la gauche en 2012 que régulièrement un certain nombre de voix se sont élevées contre l'orientation dite sociale libérale du gouvernement, surtout depuis les vœux de 2013, avec un appel à revenir beaucoup plus à gauche, mais cela n'a pas fonctionné, comme l'ont rappelé les résultats des élections municipales. Grenoble a fait exception, avec une association d'EELV et du Parti de gauche, ce qui en fait un laboratoire aux yeux de Mélenchon. Mais c'est un cas isolé, car lors des Européennes on n'a pas constaté d'élan particulier. Aujourd'hui le vecteur de la contestation du social libéralisme dans les catégories populaires, c'est Marine Le Pen. Les catégories populaires n'adhèrent pas nécessairement à l'idée qu'il faille une politique plus à gauche, y compris sur le plan économique et social. Et sur le plan sociétal, elles réclament plus d'ordre, d'autorité, ne sont pas toujours ouvertes au multiculturalisme… Sans assise chez les ouvriers, la gauche de la gauche ne peut pas aller très loin. Une bulle de spéculation s'est créée autour de Mélenchon au moment des présidentielles, mais il n'est pas certain que l'écho réel de son discours soit si important que cela sur le plan électoral.

Les choses vont-elles changer avec l'arrivée de Syriza au pouvoir ?

C'est à voir, car le modèle qu'y voit Mélenchon sera sûrement soluble dans le réalisme : une coalition devra se mettre en place, peut-être des centristes, il y aura des négociations avec les institutions européennes, les Allemands… Le discours de Syriza commence déjà à s'assouplir vis-à-vis des contraintes européennes, je ne suis donc pas certain que nous assisterons à une opposition stricte contre Bruxelles et Berlin. Hollande voulait renégocier le Pacte budgétaire européen, on a vu ce qu'est devenue cette promesse…

Qu'est-ce qui définit la gauche radicale ? Son ADN est-il aujourd'hui incompatible avec la situation politique française ?

L'ADN de la gauche radicale aujourd'hui, c'est un refus d'essence progressiste de la mondialisation, de la construction européenne, des politiques dites austéritaires, du social libéralisme de François Hollande au pouvoir… C'est donc plus une gauche du refus, presque conservatrice, au nom d'un certain nombre de principes qui ne sont plus si clairs que cela, puisque ce n'est plus la gauche communiste d'avant maintenant qu'elle est un peu plus verte. Pour résumer, c'est une gauche antilibérale.

La critique des excès du libéralisme bénéficie d'une audience très large dans les médias et les librairies, mais on voit bien que cette gauche n'est pas adaptée au monde tel qu'il existe, qui est fait de mondialisation et d'élargissement européen. Le discours de Hollande sur la taxation à 75 % des plus riches et sur la finance ennemie était séduisant, mais était inopérant dans la réalité.

Même si elle a entériné sa rupture avec le gouvernement et participé au meeting de soutien à Syriza, Cécile Duflot a jugé "qu'une vision strictement de coalitions est un peu dépassée", et que cette initiative commune n'avait pas forcément d'implications françaises. Toute possibilité de rassemblement de la gauche radicale française est-elle vaine ? De toute façon, quel serait son poids ?

La question est surtout de savoir qui pourrait se retrouver dans cette gauche radicale. Si seul le Parti de gauche s'y retrouve, ça ne va pas aller très loin. Même si le Parti de gauche et le PC s'unissent de nouveau, on sait que "ces deux-là ne passeront pas leurs vacances ensemble", pour reprendre l'expression de Thierry Roland. Des représentants du NPA était là était là lundi, mais eux non plus ne s'intègrent pas vraiment dans le même cadre. Et les écologistes, eux soulèvent encore plus de questions en termes de compatibilité. Cécile Duflot s'est éclipsée avant L'internationale, et François de Rugy s'inquiète de la "radicalisation" de cette dernière… Eric Coquerel, le secrétaire national du Parti de gauche, a vu dans ce meeting un équivalent du meeting de 2005 contre le Traité constitutionnel européen : c'est une erreur d'interprétation de cette gauche, qui a considéré que la victoire du "non" était à mettre à son crédit. C'est l'éternel fantasme du candidat unique de l'extrême gauche. Rappelons qu'au départ c'était l'ambition du NPA… Pour l'instant, nous ne voyons que le regroupement de ceux qui ont maille à partir avec Hollande.

Théoriquement, si on va du NPA à la gauche du PS, on peut obtenir une force politique qui soit supérieure au PS, un peu comme Syriza qui bouscule les autres partis. Mais nous ne sommes pas en Grèce, notre situation n'est pas là même, et les dissensions entre les partis restent très fortes. Regardez EELV : c'est l'un des partis les plus européistes !

Pour que la gauche radicale française emboîte le pas à Syriza et Podemos, comme Jean-Luc Mélenchon le souhaite, faut-il aussi que la France connaisse le même destin que la Grèce et l'Espagne ? Paradoxalement, Mélenchon se retrouve-t-il contraint d'espérer l'effondrement économique du pays ?

Beaucoup d'hommes politiques misent sur la théorie du chaos, et Jean-Luc Mélenchon n'est pas le seul. Marine Le Pen capitalise sur l'exaspération vis-à-vis de la situation économique, plus ça empire, mieux c'est pour elle. La France n'a pas eu le mouvement des indignés qui a généré Podemos. Si ce mouvement n'a pas pris en France, c'est parce que la gauche radicale n'a plus d'audience, au contraire du FN. La gauche de la gauche a cru pouvoir faire un coup aux municipales et aux Européennes, et on a bien vu que ça n'a pas fonctionné. La dégradation économique en France n'entraîne pas un appel à plus de gauche. Pour beaucoup de gens, Mélenchon ne s'inscrit pas dans le sens de l'histoire.

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