Ce diplomatique mais ferme message passé par les Chinois à Davos<!-- --> | Atlantico.fr
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Le Premier ministre chinois a expliqué à Davos que le statut international du yuan était en pleine ascendance.
Le Premier ministre chinois a expliqué à Davos que le statut international du yuan était en pleine ascendance.
©Reuters

A peine caché

En pleine transition vers une économie de marché, Pékin aligne les réformes. Et si la délégation chinoise présente à Davos -la plus importante depuis 2009- n'a pas esquivé les questions sur le ralentissement de la crise économique, elle n'a pas non plus oublié de rappeler l'importance croissante du Yuan dans les échanges mondiaux.

Antoine Brunet

Antoine Brunet

Antoine Brunet est économiste et président d’AB Marchés.

Il est l'auteur de La visée hégémonique de la Chine (avec Jean-Paul Guichard, L’Harmattan, 2011).

 

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Atlantico : Qu’avez-vous retenu de plus significatif dans les propos du Premier ministre chinois Li Keqiang à Davos ?

Antoine Brunet : Je crois que la déclaration la plus significative est celle concernant le statut du  yuan. Saisissant  l’opportunité que lui offrait la tribune de Davos, M. Li a insisté sur l’idée qu’à l’avenir, le yuan deviendrait une monnaie de premier plan, en conformité avec le fait que la Chine occupe désormais le premier rang dans l’économie mondiale. Comme à son habitude, le dirigeant chinois s’est gardé de tout triomphalisme prématuré mais il a quand même fait remarquer à ses auditeurs les progrès considérables déjà accomplis dans le rôle que joue désormais le yuan dans les échanges internationaux, dans les financements internationaux, dans les mécanismes de soutien aux pays en difficulté (accords de swaps)….M. Li visait ainsi à faire ressortir, discrètement et subliminalement, que le statut international du yuan était en pleine ascendance.

Un tel discours conforte notre grille d’analyse selon laquelle Pékin, à ce stade de sa stratégie, vise et s’active à détrôner le statut privilégié du dollar. Selon nous, cela pourrait désormais aller assez vite. Si par exemple, au vu du ralentissement et de la désinflation prévisibles aux Etats-Unis, la Fed renonçait au premier semestre 2015 à sortir de la politique de Taux Zéro qu’elle maintient depuis 6 ans sur son taux Fed Funds, elle s’exposerait à ce que le cours de l’or reparte à la hausse au-delà du seuil de 1.400$ l’once ; cela serait un gros désaveu du dollar et pourrait même amorcer une crise de confiance dans le dollar ; cela aiderait en tout cas la diplomatie chinoise à  faire adopter par les instances du FMI une réforme du Système Monétaire International qui retirerait au dollar son statut privilégié de monnaie du monde.

Comment M. Li Qekiang a-t-il rendu compte du ralentissement économique de la Chine ?

Il n’a pas cherché à masquer le ralentissement intervenu, avec le PIB à +7,4% en 2014. Il a même annoncé à l’avance que l’année 2015 serait encore difficile, suggérant que le rythme de croissance pourrait encore s’infléchir en 2015.

Mais il s’est montré très serein, invitant les commentateurs à s’habituer à ce que la croissance du PIB chinois soit désormais à 7% ou même un peu en dessous.

Il faut prendre au sérieux ses déclarations. La Chine a eu longtemps besoin d’une croissance extrêmement forte pour absorber le chômage issu des fermetures brutales des usines d’Etat dans les années 80 et celui issu de la modernisation de l’agriculture. Désormais, le chômage initial est en bonne part résorbé alors que par ailleurs, la population en âge de travailler a commencé à ralentir significativement.

Désormais, une croissance qui resterait trop forte gênerait Pékin pour maintenir les salaires ouvriers à un très bas niveau ; cela nuirait manifestement à la stratégie géopolitique de Pékin dont le pilier central demeure la sur-compétitivité absolue vis-à-vis de tous les autres pays, sur-compétitivité maintenue par la répression salariale ouvrière et par la sous-évaluation du yuan.

La croissance aux Etats-Unis ne va-t-elle pas alors finir par converger avec celle de la Chine ?

Nous en sommes encore très loin. En Chine, la croissance du PIB continue à s’alimenter à un excédent commercial colossal qui va encore s’amplifier avec l’effondrement du prix des matières premières. En 2015 comme en 2016, la croissance annuelle en Chine devrait s’inscrire encore entre 6 et 7%. Aux Etats-Unis, on sera content si la croissance annuelle se hissait à 3% en 2015 et en 2016 ; la forte appréciation du dollar contre euro, yen, dollar canadien, livre sterling, peso mexicain et dollar australien va nuire aux exportations pendant que l’effondrement du prix du baril va nuire à l’investissement dans le secteur énergétique et que la stabilisation de Wall Street a toutes chances d’interrompre l’effet-richesse. Un écart de croissance important subsistera donc entre les deux pays.

Quant à M. Li, il se permet d’insinuer que la qualité de la croissance en Chine est très supérieure ; il fait remarquer que les bulles boursière et immobilière y sont combattues avec succès, ce qui évite tout hard landing (et même toute récession : depuis 25 ans, la Chine n’en a connu aucune). Une façon d’indiquer que la croissance américaine, elle, s’alimente trop souvent à des bulles dans le secteur immobilier ou boursier qui sont ensuite suivies de krachs qui déclenchent un hard landing.

A dire vrai, tant que les Etats-Unis restent aussi passifs  face à la sur-compétitivité que la Chine maintient en bonne part artificiellement, ils s’exposent à ce que, périodiquement, Pékin vienne publiquement  faire valoir un bilan beaucoup plus flatteur que celui de Washington et promeuve le yuan au détriment du dollar.

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