La Grèce ou la tragique illustration de la capacité de l’Europe à perdre sur tous les tableaux<!-- --> | Atlantico.fr
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La crise grecque a décrédibilisé l'Union européenne au plan politique.
La crise grecque a décrédibilisé l'Union européenne au plan politique.
©Reuters

Mauvaise pioche

Entre son plus haut de 2008 et le troisième trimestre 2014, le PIB de la Grèce s’est effondré de 26% et le chômage s'est envolé. Et pourtant, les leaders européens s'étonnent que le pays puisse, ce dimanche, mettre son avenir dans les mains du parti "populiste" Syriza...

Nicolas Goetzmann

Nicolas Goetzmann

 

Nicolas Goetzmann est journaliste économique senior chez Atlantico.

Il est l'auteur chez Atlantico Editions de l'ouvrage :

 

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Le 4 octobre 2009, un nouveau gouvernement dirigé par Georgios Papandréou prenait les rênes de la Grèce. S’en suivait un déballage qui a été le point de départ de "la crise grecque". Alors que le pouvoir précédent avait indiqué que le déficit du pays ne serait que de 6% du PIB pour l’année en cours, les résultats se sont révélés plus problématiques. Le trou des comptes publics grecs atteint en réalité 12.7% du PIB, soit plus du double des prévisions et quatre fois les limites autorisées par les traités européens. Le maquillage est avéré. A ce stade, le niveau de l’endettement de l’Etat Grec atteint 113% du PIB.

Le Drame commence alors. Acculé, le nouveau gouvernement fait appel à "l’équipe de secours" composée du FMI, de la Commission et de la Banque centrale européenne, dite Troïka. Et celle-ci va traiter le patient "à la dure". En Europe, on ne rigole pas avec les règles et la sanction morale va rapidement se transformer en sanctions financières.

Un accord est trouvé le 2 mai 2010 et le pays perçoit une aide à hauteur de 110 milliards d’euros. En contrepartie, le pays va devoir mettre en œuvre toute une série de mesures qui vont devenir le symbole de l’austérité à "l’européenne". Hausse de la TVA, allongement des cotisations retraites, flexibilisation du marché du travail, réduction des salaires de la fonction publique etc… le budget du pays est taillé en pièces, mais "pour son bien".

Selon la Troïka, les résultats ne vont pas tarder. En avril 2010, le FMI publie son "world economic outlook" et prévoit une récession de 2% pour l’année 2010, et de -1.1% en 2011. La réalité va se révéler quelque peu différente. Le PIB Grec va chuter de 5.4% en 2010 et de 8.9% en 2011. Manifestement, les effets récessifs de la cure imposée au pays sont bien plus lourds que les prévisions ne le laissaient entendre. L’erreur est manifeste. Le FMI prévoyait bien une hausse du chômage pour la fin 2011, à 13% de la population active, la réalité sera supérieure à 20%.

Malgré le désastre, la Troïka ne remet pas sa doctrine en question, et va au contraire choisir de renforcer le dispositif. De nouvelles mesures d’austérité sont alors votées par le Parlement, la Vouli, sous pression des créanciers européens. La réduction du nombre de fonctionnaire va précéder une forte baisse du SMIC grec. Les salariés qui touchaient 877 euros voient leur paye baisser de 22% pour atteindre 684 euros.

Entre le manque de résultats, les émeutes, l’envolée des taux d’intérêts, la Troïka ne se rend même plus compte qu’elle est en train de perdre toute crédibilité dans le dossier Grec. Ce qui aurait pu être le symbole d’une Europe soudée tourne au vinaigre. Le pays est véritablement sacrifié sur l’autel de la morale, sur laquelle se fonde les principes économiques européens.

Au courant de la même période, là où l’Europe traite une crise budgétaire par la voie de l’austérité, les Etats Unis et le Royaume Uni diagnostiquent une crise monétaire qu’ils vont traiter en créant de la monnaie. Les résultats sont rapidement probants, mais l’Europe préfère encore détourner les yeux.

Le feuilleton continue au son des multiples annonces indiquant que "la Grèce va mieux", alors même que la chute libre du pays continue. Entre son plus haut de 2008 et le troisième trimestre 2014, le PIB du pays s’est effondré de 26%.

PIB Grèce. En millions d’euros. Source Elstat.

Fin 2014, le  chômage atteint 25.5% de la population active, 50.6% pour les jeunes. Et la déflation mord le pays depuis plus de deux ans. Dès 2013, Médecins du monde tire la sonnette d’alarme en indiquant que 30% de la population est privée de couverture santé. La façon dont est traitée la Grèce devient la honte de l’Europe. Malgré les efforts consentis, l’endettement atteint alors 174.9%. La moitié des aides fournies à la Grèce n’aura servi qu’au remboursement même de l’endettement. Le remède est à l’évidence pire que le mal.

Symboliquement, le Banque centrale européenne intervenait le 22 janvier 2015, en annonçant l’injection de 1000 milliards d’euros au sein de l’économie du continent. L’institution ne fait que valider le diagnostic monétaire de la crise tout en rejetant, par la logique des choses, la stricte approche budgétaire qui était en vigueur pour la Grèce depuis 2010. Les efforts ont donc été vains, parce que dès le départ, cela ne pouvait pas fonctionner. Mais ce revirement arrive sans doute trop tard.

Car ce dimanche 25 janvier, le pays va probablement remettre son destin entre les mains du parti Syriza, sur la base d’une promesse de fin de l‘austérité et d’une renégociation des termes de la dette. Sans aucune honte, certains dirigeants européens s’étonnent encore de l’émergence des "populistes", et rappellent l’impossibilité de toute révision des engagements. L’incompétence et le déni ont été les deux mamelles de la crise grecque. Une crise qui n’aura fait que des perdants, laissant une Grèce exsangue et une Europe politiquement décrédibilisée. 

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