Gros temps pour Marine le Pen : quand la bête de com’ paie à la fois ses piètres qualités de stratégie et la fronde de sa famille….<!-- --> | Atlantico.fr
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Le mois de janvier n’a pas été de tout repos pour Marine Le Pen.
Le mois de janvier n’a pas été de tout repos pour Marine Le Pen.
©Reuters

Je te survivrai

Le mois de janvier n’a pas été de tout repos pour Marine Le Pen : marche républicaine du 11 janvier, divergences internes, trahison familiale et faible retentissement politique de ses interventions à l’étranger... La leader du front national a grandement freiné son ascension politique.

Valérie  Igounet

Valérie Igounet

Valérie Igounet est historienne, chercheuse associée à l'Institut d'histoire du temps présent (CNRS). Valérie Igounet est l’auteure d’Histoire du Front national. Le parti, les hommes, les idées (éditions du Seuil, 2014) et anime le blog francetvinfo "Derrière le Front. Histoire, analyses et décodages du FN".

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Atlantico : Lors de la marche républicaine du 11 janvier, la patronne du Front National, a préféré faire un meeting politique dans l’une des terres d’élections du FN à Beaucaire dans le Gard, plutôt que de défiler dans les rues de Paris aux côtés d’autres partis politiques. Marine Le Pen a-t-elle raté une occasion historique, dans sa stratégie politique, de donner une "dimension républicaine" à son parti en refusant de manifester à Paris ?

Valérie Igounet : Marine Le Pen n’avait pas d’autre choix que de défiler à Beaucaire. François Hollande n’était pas vraiment d’accord pour qu’elle soit au sein de la manifestation du 11 janvier, c’est pour cela qu’elle a choisi de s’isoler dans une terre du Front National. Le fait qu’elle s’y soit isolée était une stratégie de démarcation, mais cela n’a pas fonctionné.

Car à Beaucaire, les choses ne se sont pas déroulées comme il le fallait : elle n’a pas été accueillie sans réticence (présence de militants anti-FN pendant son arrivée) et elle s’est isolée d’une union nationale qui se déroulait à Paris. Lors de son déplacement, de nombreux slogans étaient front national. Il y avait donc cette impression d’un entre soi.  

La manifestation était à Paris, les principaux partis politiques s'y trouvaient également. Elle a du s’en éloigner à cause de ce que représente son parti. On a donc eu presque l’impression que le Front National revenait à son histoire d’antan : un parti non accepté, vilipendé, un parti singularisé avec une femme qui essayait de se faire entendre dans son propre parti, lequel connaît de plus en plus de dissensions.

Toutes les personnalités politiques qui ont joué un rôle important dans la gestion de la crise des attentats ont vu leur score augmenter dans les sondages, sauf Marine le Pen, qui ne gagne qu’un seul point et stagne à 30% d’opinion favorable. Quelles vont être les conséquences à l’avenir de son erreur stratégique pde ne pas avoir su profiter de l’effet Charlie ? 

Je n’aime pas prophétiser mais il est clair que Marine Le Pen n’est pas dans une situation favorable. La première raison c’est qu’il existe beaucoup trop de dissidences internes, la seconde c’est qu’elle n’a pas su gérer les attentats.

On a avant tout l’impression qu’il y a de plus en plus de problèmes de fonds idéologiques qui sont en train de se creuser. La crise entre Marion Maréchal Le Pen et Marine Le Pen est à venir, et risque de s’accentuer. Maintenant, même si le FN se trouve dans une mauvaise posture, on connait l’agilité de ses conseillers pour lui faire remonter la pente.

Les prochaines échéances, et notamment les mesures votées sur la laïcité peuvent lui permettre de rebondir. Mais il existe une forte divergence de ligne entre d’un côté Floriant Philippot/ Marine Le Pen, et Marion Maréchal Le Pen / Aymeric Chauprade tous deux soutenus par Jean-Marie Le Pen, même si ce dernier n’a qu’un rôle de figurant en étant le président d’honneur du FN. Donc aujourd’hui, les dissensions sont de plus en plus ouvertes et les questions de lignes politiques commencent à se poser.

Aujourd’hui, la ligne du Front National est celle de la dédiabolisation et tous ceux qui ne correspondent pas à cette stratégie sont écartés du parti.

Marine Le Pen a du rattraper les dérapages de son père accréditant les thèses complotistes des attentats de Charlie Hebdo ; ainsi qu’interdire à son parti la diffusion d’une vidéo islamophobe et diffamatoire d’Aymeric Chauprade qui estime dans le même temps que le parti perd sa liberté de ton. Dans quelle mesure, ces deux évènements ont-ils réduit la stratégie de dédiabolisation de Marine Le Pen ?

Marine Le Pen a évincé Aymeric Chauprade parce qu’il ne rentrait pas dans sa stratégie de dédiabolisation. Aujourd’hui dès que quelqu’un s’attaque à sa stratégie, elle ne peut ouvertement l’accepter au sein du parti.

Aymeric Chauprade a été également très loin dans ses propos. Il a déjà connu un précédent houleux, lors du bureau politique du 12 décembre qui a vu nommer Sébastien Chenu, ouvertement homosexuel, membre du FN. Donc il est sur une ligne tendancieuse sur tout ce qui touche aux questions sociétales au sein du parti. Et cela peut diviser les troupes. Alors que le Front National a été en pleine dynamique pendant plusieurs années, on constate aujourd’hui un recul stratégique.

La présidente du Front national se voit coincée entre les interventions de son père mais aussi l’indépendance de sa nièce Marion Maréchal le Pen, soutenue par le président d’honneur du Front National et qui a relayé sur les réseaux sociaux la vidéo interdite d’Aymerie Chauprad, malgré les mises en garde de sa tante. Devant un tel imbroglio familial, comment Marine Le Pen peut-elle réussir à dessiner une ligne politique claire ?

Je ne pense pas que Marine Le Pen soit coincée par son père. Jean-Marie Le Pen n’a plus le rôle politique qu’il avait dans les années précédentes, outre le fait qu’il soit président d’honneur. Aujourd’hui, les déclarations qu’il peut faire n’ont pas un effet retentissant car Marine Le Pen corrige directement sa ligne politique. Donc ses déclarations n’ont pas une incidence aussi forte que lorsqu’il était président du parti. Et puis tout le monde sait que c’est un provocateur né.

En revanche, Marine Le Pen est beaucoup plus coincée par sa nièce. Marion Maréchal Le Pen représente l’avenir du parti. Elle a beaucoup plus de poids au sein des militants du Front National que son grand-père. Elle représente une ligne plus radicale que sa tante. Jean-Marie Le Pen lui n’a plus qu’un poids historique, un poids qui fédère les militants, mais il n’a pas le poids idéologique que peu avoir Marion Maréchal Le Pen. Et dans ses dernières actions, notamment le tweet de la vidéo d’Aymeric Chauprade malgré les mises en garde de la patronne du parti, elle est dans une ligne anti-dédiabolisation.  Elle défend la ligne Chauprade / Jean-Marie Le Pen qui possède un poids encore important chez les militants.

Je n’irais pas cependant jusqu’à prédire une scission de ligne interne au parti. Dès que l’on parle de scission, on pense tout de suite à la scission maigretiste à la suite de laquelle le parti a éclaté pendant des années. Aujourd’hui c’est un contexte différent. Même si Marion Maréchal Le Pen et Marine Le Pen sont sur des lignes politiques différentes, il est possible de leur donner une adéquation.

Par ailleurs, le Front national rassemble aujourd’hui tellement d’électeurs de divers horizons politiques qu'en cas de scission, le parti risque de perdre son identité, alors que Marine Le Pen a réussi à fédérer un électorat très large.

Alors que Marine Le Pen s’attaquait au plan antiterroriste, son collègue Gilbert Collard a trouvé les mesures du plan Valls "utiles". A force de se définir comme un parti antisystème en dénonçant l’UMPS, ne finit-elle pas par se trouver dans une impasse politique quitte à être désavouée par les membres de son propre parti ?

Tout l’ambivalence du Front National aujourd’hui est de surfer sur ce côté antisystème et en même temps de s’imbriquer dans le jeu politique, dans lequel elle doit se situer si Marine Le Pen souhaite rester dans la course. Elle doit surfer entre la normalité et l’opposition à un système. C’est l’essence du Front National.

Elle est sur un fil fragile qui va l’obliger petit à petit à décider de la ligne à adopter, et être beaucoup plus décisive dans sa stratégie. Elle ne peut pas être à la fois un parti d’opposition et un parti de gouvernement. Son but c’est 2017, mais surtout 2022.

Toute la question est maintenant de savoir comment elle va jouer sur les deux tableaux notamment avec son électorat qui est de plus en plus large et qu’elle doit contenter. Les idéologues du Front National sont très partagés par pas mal d’idées et de concepts contradictoires, Marine Le Pen doit avant tout créer une uniformité importante de la ligne politique du Parti. Dans le même temps, le calendrier électoral faut qu’elle doit se conforter à des concepts de système républicains et démocratiques pour continuer d’exister. 

Propos reccueillis par Sarah Pinard

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