670 milliards de transferts sociaux en France : la part qu’on aurait tout intérêt à réinvestir sur le régalien<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Economie
Le gouvernement va s'efforcer de dégager ce mercredi 400 ou 500 millions d'euros supplémentaires, ce notamment afin de ralentir le rythme de réduction des effectifs de l'armée.
Le gouvernement va s'efforcer de dégager ce mercredi 400 ou 500 millions d'euros supplémentaires, ce notamment afin de ralentir le rythme de réduction des effectifs de l'armée.
©Reuters

Du courage !

Les jours qui ont suivi les attentats de janvier ont rappelé le rôle essentiel joué par la police, l'armée et la justice dans le maintien de la cohésion sociale. A cet égard, il pourrait être judicieux de leur attribuer une partie des 670 milliards d'euros normalement dévolus aux prestation sociales.

Jean-Yves Archer

Jean-Yves Archer

Jean-Yves ARCHER est économiste, membre de la SEP (Société d’Économie Politique), profession libérale depuis 34 ans et ancien de l’ENA

Voir la bio »

Atlantico : Face à la menace qui pèse sur le territoire national, le gouvernement va s'efforcer de dégager ce mercredi 400 ou 500 millions d'euros supplémentaires, ce notamment afin de ralentir le rythme de réduction des effectifs de l'armée. Avec 10 500 soldats déployés en France, ceux-ci remplissent de facto un rôle de maintien de la cohésion et de prévention des troubles, notamment dans certaines zones sensibles : dès lors, quelle part des 670 milliards d'euros de transferts sociaux pourraient y être consacrés ?

Jean-Yves Archer : Du fait des deux récents attentats meurtriers et hautement symboliques, et de la séquence de menaces adressées à la France, nous sommes dans une situation de quasi-guerre et donc obligés de réviser la trajectoire des finances publiques.

Clairement, tenter de réorienter des transferts sociaux vers les missions de sécurité fait sens mais suppose un mode d'emploi et une volonté.

Le mode d'emploi vient de notre législation financière : il me paraît désormais incontournable de soumettre un collectif budgétaire au vote du Parlement, probablement courant mars.

En effet, il y a un triple besoin impérieux : les Armées voient le coût de leurs OPEX continuer à s'alourdir, le déploiement de forces en Vigipirate renforcé a un coût qui n'avait pas été programmé et enfin, il y a le coût du maintien en service actif de personnels qui devaient quitter les Armées. Près de 8000 personnes cette année.

Pris globalement, il s'agit d'un montant qui dépasse deux milliards et risque de s'approcher de trois milliards. Le coût des infrastructures à rénover pour les doter d'un meilleur niveau de protection, le coût de la réintroduction nécessaire et tangible de la laïcité à l'école (dont la Ministre a visiblement pris conscience), le dérapage des frais de personnels et des astreintes provoquées ici et là vont engendrer une charge additionnelle de 10 à 12 milliards d'ici 2 à 3 ans dont 5 milliards pour les Armées.

Dès lors se pose une évidente question de volonté politique : l'Etat saura-t-il réorienter une telle somme depuis les budgets sociaux vers les priorités régaliennes ?

Il faut se souvenir que le PLF 2015 (projet de loi de finances) prévoyait une réduction de 9 milliards des dépenses sociales (3,2 pour les dépenses d'assurance maladie et 6,4 pour les autres dépenses de protection sociale) et surtout une réduction de 20 milliards (équitablement répartis entre l'assurance maladie et les autres dépenses) sur la période 2015-2017.

Pour mémoire, ces 20 milliards s'intégraient directement au plan de réduction des fameux 50 milliards d'euros. A ce stade, soit on essaye de passer à un plan d'économies de 30 milliards (voire 35) alors qu'il nous a été dit et redit que c'était impossible. Soit – en moins de deux mois – on taille dans le vif et on essaye de trouver les 10 à 15 milliards qui manquent en passant au tamis les dépenses sociales.

Tout dépendra de la volonté politique : d'aucuns diront que tout ou presque est intangible et donc immuable. D'autres prendront le soin de rappeler que 15 mds cela ne représente que 2,24% des 670 mds précités et qu'un effort de moins de 2,5% semble pleinement réaliste. Compte-tenu des contraintes de temps, l'exercice s'annonce ardu mais son motif relève des intérêts vitaux de la Nation ce qui change – de toute évidence - les termes habituels du débat budgétaire.

Les derniers évènements ont mis en première ligne les forces de l'ordre et les magistrats, mais aussi les prisons, où deux des trois terroristes avaient séjourné. Dans la mesure où ces missions régaliennes contribuent elles aussi au maintien de la cohésion et du lien social, quelles dépenses pourraient y être attribuées, sans que les bénéficiaires des transferts sociaux aient trop à en pâtir ?

Police et Gendarmerie

Entre le succès à obtenir des OPEX (qui inclut des gendarmes) et la lutte pour la préservation d'une vie citoyenne la plus normale possible, l'Etat va devoir engager de nouveaux moyens humains et logistiques particulièrement dans la police et la gendarmerie. Dans le renseignement (près de 500 recrutements sont à prévoir), dans les forces de police et de gendarmerie elles-mêmes, dans les effectifs affectés à la lutte contre la cybercriminalité (plateforme PHAROS de signalement de contenus sur internet), etc.

Un montant de 4 milliards est à prévoir à court terme sur deux ans. Là encore, l'importance de la masse des transferts sociaux parait donner une marge de manœuvre afin d'assurer le financement requis.

Justice et prisons

Depuis des années, le budget de la Justice est indigne de notre démocratie. Il s'élève à moins de 10 milliards (7,8 mds en 2013) et, rapporté au PIB nous classe au 37ème rang des 43 pays qui composent le Conseil de l'Europe.

Prisons parfois délabrées, surpopulation carcérale, faiblesse du suivi qualitatif des détenus sortis de prisons, absence de brouilleurs anti-portables, trafics ponctuels en tous genres, nos prisons sont un lieu de germination de comportements répréhensibles voire gravement délictuels. La classe politique le sait mais bien peu ont agi.

Le chiffrage d'un endiguement des dérives est délicat compte-tenu du poids de l'immobilier. Une chose est acquise, Madame la Garde des Sceaux va devoir faire des propositions au décideur public ultime au moment même où les carnages récents la conduisent probablement à modifier son approche de la politique pénale. 

Le gouvernement est-il en mesure de procéder à ces réorientations ?

Nous connaissons tous l'adage : "when there is a will, there is a way" (quand il y a une volonté, il y a un chemin). Nous verrons si le Gouvernement fait preuve d'audace budgétaire à l'heure où la menace conduit l'Etat à se renforcer et à améliorer son dispositif de sécurité intérieure. Au regard de l'esprit qui a présidé au grand rassemblement du 11 Janvier, il y aurait grand risque politique à opter pour des mesurettes alors que d'aucuns doivent, sur notre sol ou hors de notre territoire, préparer leurs mitraillettes.

Nous ne pourrons pas tabler sur la reprise car sa légère présence attendue n'est pas encore parvenue à endiguer le front du chômage. L'UNEDIC table sur 10 4000 chômeurs supplémentaires tandis que Pôle Emploi confirme que "un chômeur sur 25 retrouve un emploi". Or, les sorties du régime d'indemnisation chômage gonflent mécaniquement le nombre des allocataires sociaux, qui est donc en croissance.

Propos recueillis par Gilles Boutin

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !