"On ne pourra plus dire que nous sommes des amateurs" ou l’incroyable aveu de faiblesse de Cambadélis <!-- --> | Atlantico.fr
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Le Premier secrétaire du PS a estimé que les deux dernières semaines qui ont suivi les attentats ont changé la perception des Français sur l'exécutif.
Le Premier secrétaire du PS a estimé que les deux dernières semaines qui ont suivi les attentats ont changé la perception des Français sur l'exécutif.
©Reuters

Oups

Interrogé dimanche 18 janvier par Europe1/Le Monde/i-Télé sur les deux semaines qui ont suivi les attentats contre Charlie Hebdo, le premier secrétaire du PS a reconnu en creux que les critiques qui étaient faites contre l’exécutif n'étaient pas totalement infondées.

Arnaud Mercier

Arnaud Mercier

Arnaud Mercier est professeur en sciences de l'information et de la communication à l'Institut Français de Presse, à l'université Paris-Panthéon-Assas. Responsable de la Licence information communication de l'IFP et chercheur au CARISM, il est aussi président du site d'information The Conversation France.

Il est l'auteur de La communication politique (CNRS Editions, 2008) et Le journalisme(CNRS Editions, 2009), Médias et opinion publique (CNRS éditions, 2012).

Le journalisme, Arnaud Mercier

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Atlantico : Interrogé dimanche 18 janvier par Europe1/Le Monde/i-Télé, le Premier secrétaire du PS a estimé que les deux dernières semaines qui ont suivi les attentats ont changé la perception des Français sur l'exécutif. "On ne pourra plus dire que nous sommes des amateurs", a-t-il dit. Que traduit ce discours revanchard ? N'y trouve-t-on pas en creux un aveu de faiblesse ?

Arnaud Mercier : C'est bien entendu un aveu de faiblesse, du moins en partie. C'est reconnaître a posteriori que les critiques qui étaient faites au couple exécutif n'étaient finalement pas totalement infondées. Ces critiques étaient d'ailleurs émises par la gauche elle-même : Libération avait notamment titré "les amateurs" sur François Hollande et Jean-Marc Ayrault, et l'on sait que loin des micros, un certain nombre de ministres se plaignaient des couacs gouvernementaux, des contradictions et des atermoiements. Au sein même de la majorité, l'une des critiques consistait à dire que François Hollande transposait au niveau de l'Etat son mode de gestion du Parti socialiste, consistant à retarder le moment de sa prise de décision, à laisser le temps au temps pour voir se dégager la synthèse. Tout cela a valu à François Hollande et Jean-Marc Ayrault la qualification d'amateurisme. C'est donc la reconnaissance publique par Cambadélis de ce qui se disait y compris hors micros chez une bonne partie des militants et des dirigeants socialistes.

Sur le plan de la communication politique, cette remarque n'est-elle pas surprenante ?

Pendant très longtemps François Hollande a été extrêmement impopulaire parce qu'il ne semblait pas reconnaître ses errements et ses faiblesses. Il vaut mieux reconnaître ses faiblesses. C'est d'ailleurs ce que fait Sarkozy dans sa reconquête de l'UMP. Je pense que les Français sont prêts à entendre un discours de vérité, dès lors que cela se présente comme une autocritique constructive et prometteuse de changement.

Les enquêtes d'opinion montrent qu'une grande majorité de Français juge positivement la gestion des événements par le gouvernement. Cependant, ces questions relevant surtout de l'institution policière, quels éléments viendraient à l'appui de cette assertion selon laquelle l'exécutif n'est pas composé "d'amateurs" ?

La politique est faite de symboles, de discours et d'actes. L'exécutif a fait ce qu'il fallait faire en matière de symboles et de discours : Hollande et Valls ont chacun de leur côté tenu des discours forts, et ils se sont rendu sur les lieux lorsqu'il le fallait, pour rendre divers hommages. Et en même temps, on a remarqué une certaine forme d'effacement et de retenue chez François Hollande. Les Français saluent le fait qu'il a su être présent, mais aussi à ne pas trop en faire. Lors de la marche républicaine, il était présent, mais n'a pas pris la parole. De plus, à partir d'une réunion qui était initialement prévue avec Angela Merkel, il a pris la décision de défiler, ce qui était la première fois pour un président depuis Mitterrand à Carpentras. De fil en aiguille, il a su capitaliser sur l'invitation faite de Merkel et la disponibilité des autres chefs d'Etat.

Pour ce qui est de la gestion policière, ne nous trompons pas : bien sûr que ce sont les forces de l'ordre qui sont à la manœuvre, mais c'est bien le politique qui à un moment donne le feu vert. Si la situation avait dérapé, tout le monde aurait mis la faute sur le dos de François Hollande et du ministre de l'Intérieur.

Jean-Christophe Cambadélis a également déclaré à propos des responsables de l'UMP : "Je les salue de vouloir répondre à l'appel du président de la République et de ne pas faire de préalables vis-à-vis de l'union nationale que nous avons lancée". En s'appropriant ainsi le "lancement" de cette union nationale, sommes-nous face à un cas typique de récupération politique ?

Il est évident qu'il essaye de capitaliser sur cette expression d'une unanimité politique partisane, mais il n'est pas non plus tout à fait faux de dire que le PS, avec l'aide du gouvernement, a été l'un des premiers à lancer un appel à manifester. Ensuite, les socialistes ont tout de même dû concéder un certain effacement pour obtenir le succès escompté avec cette manifestation. Car s'ils avaient maintenu la posture d'organisateur, nul doute qu'ils auraient subi de plein fouet l'accusation de récupération politique. Nous aurions alors vu plusieurs manifestations s'organiser séparément, ce qui n'était pas le but. D'ailleurs tous les partis politiques se sont mis en retrait dans la mesure où ils n'ont pas cherché à ramener le mouvement sous leur banderole. Et j'ajouterai que l'UMP agit comme le PS en cherchant à montrer que ses membres n'ont pas fait de récupération sur le moment, et qu'ils ont réussi à passer outre les divisions. Il est tout de même logique que chacun cherche à valoriser son action a posteriori.

Une fois les questions politiques remises au premier plan, comme la loi Macron, la loi santé ou le débat sur la fin de vie, la popularité du gouvernement risque-t-elle de revenir aussi vite à la "normale", c’est-à-dire très bas ?

François Hollande a réussi à reconquérir dans une partie de l'électorat de gauche la capacité apparente à assumer la fonction présidentielle. Cela peut compenser les insuffisances de sa politique, c’est-à-dire l'écart entre ses résultats et les aspirations de ses électeurs, ces derniers se disant que au moins, il tient un cap. En revanche cela ne change strictement rien aux yeux des électeurs de droite. Mais tant que les résultats économiques ne s'amélioreront pas, on peut raisonnablement penser que la hausse de sa cote de popularité va cesser de monter, et de nouveau s'effriter. Mais les galons de président qu'il a gagné dans cette affaire lui garantissent sans doute un minimum de popularité, plus fort que ce qu'il n'avait, toutes proportions gardées.

Manuel Valls quant à lui a gagné sa popularité, y compris chez les électeurs de droite, sur sa posture de défenseur de l'ordre. Son positionnement est pour partie équivalent à celui de Nicolas Sarkozy lorsque celui-ci était ministre de l'Intérieur. La séquence étant extrêmement sécuritaire, et s'il maintient cette image, il restera probablement à un niveau de popularité relativement bon, car c'est là-dessus qu'il est jugé est en priorité. Quant aux mauvais résultats économiques, je pense que les Français blâment plus Hollande que Valls. C'est pourquoi les circonstances resteront beaucoup plus longtemps favorables à ce dernier.

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