"Les nouveaux sauvages" au cinéma : l'argent, l'argent, l'argent<!-- --> | Atlantico.fr
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"Les nouveaux sauvages", le dernier film de Damian Szifron.
"Les nouveaux sauvages", le dernier film de Damian Szifron.
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Le dernier film de Damian Szifron a le double avantage d'être très drôle et très révélateur des effets malsains de l'omniprésence de l'argent dans la société contemporaine.

Philippe Moisand pour Culture-Tops

Philippe Moisand pour Culture-Tops

Philippe Moisand est chroniqueur pour Culture-Tops.

Culture-Tops est un site de chroniques couvrant l'ensemble de l'activité culturelle (théâtre, One Man Shows, opéras, ballets, spectacles divers, cinéma, expos, livres, etc.).

 

 

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L'auteur

A 39 ans, une carrière essentiellement tournée vers les productions pour la télévision et une filmographie plutôt succincte (dont "Tiempo de Valiantes", en 2005), Damian Szifron est pourtant présenté comme le petit génie du cinéma argentin. C'est sans doute la projection de son film à Cannes, en 2014, qui a attiré sur lui les regards des critiques et du public du festival. Avec un film à sketchs, il avait peu de chances de décrocher là bas la palme d'or. Il a pourtant été "nommé" dans neuf rubriques, ce qui n'est pas rien. Il est aussi sélectionné aux Oscars dans la catégorie du meilleur film étranger.  Et il a rencontré un vif succès commercial dans son pays (plus de trois millions de spectateurs). Les frères Almodovar ne s'y sont pas trompés qui ont produit son film déjanté et décapant. Damian Szifron est à la fois le réalisateur, le scénariste et le monteur des "Nouveaux Sauvages".

Thème

Six sketches au total qui n'ont a priori rien à voir les uns avec les autres. Un point commun cependant: aucune retenue dans le comportement des personnages. Ils poussent jusqu'au bout leurs réactions brutales face aux frustrations que leur suscitent l'absurdité et le cynisme du monde dans lequel ils vivent. L'humiliation est le dénominateur commun à tous, du raté de la musique classique (le seul à n'apparaître jamais sur l'écran) à la serveuse de restaurant qui retrouve comme client l' agent immobilier dont le cynisme a provoqué le suicide de son père; du mal loti qui ne supporte pas l'arrogance du conducteur d'une Audi et rejoue à la lutte des classes sur le mode musclé et sanglant à l'ingénieur en explosifs qui fait sauter la fourrière municipale après s'être heurté plusieurs fois à un employé municipal borné; et enfin de l'industriel fortuné, lassé de voir son entourage profiter de la situation difficile qu'il traverse pour lui extorquer des millions, à la mariée découvrant au cours de la noce les infidélités de son jeune mari.

Points forts

Qu'est-ce qui fait "péter les plombs" à tous ces personnages apparemment sans histoires ? Qu'est-ce qui les fait franchir la barrière séparant le civilisé du sauvage ? Le thème n'est pas nouveau, mais son traitement plutôt réjouissant.

La référence, plutôt flatteuse, aux "Monstres" et "Nouveaux Monstres" de trois maîtres de la grande époque du cinéma italien (Dino Risi, Ettore Scola et Mario Monicelli).

Un casting d'excellente qualité, dont la liste est trop longue pour citer tous les acteurs, mais dont on retiendra particulièrement Ricardo Darin dans le rôle de l'ingénieur et Erica Rivas dans celui de la mariée humiliée.

Le dernier sketch jubilatoire sur le mariage juif. Il y a du Fellini dans cet épisode. 

Points faibles

Les limites inhérentes au genre du film à sketchs.

La qualité inégale des sketches qui contribue à retarder quelque peu l'adhésion du public. On pense en particulier aux premier et troisième sketchs, un peu "lourdingues".

Selon son  humeur, on peut trouver que ce film peine à s'élever au dessus de la vulgarité.

En deux mots

Et si le règne absolu de l'argent dans notre monde dit civilisé était la source essentielle de la frustration des personnages ? Car c'est bien lui qui a causé la mort du père de la serveuse et conduit à des représailles sanglantes sa fille et la collègue de cette dernière. Lui aussi qui attise la colère des deux acteurs de l'épisode routier l'un envers l'autre et les transforme en deux représentants hystériques et caricaturaux de la lutte des classes. Lui encore, par le refus de payer un simple PV de stationnement interdit, qui pousse l'ingénieur à exercer ses talents d'artificier contre le Léviathan administratif. Et que dire de cette négociation sordide sur le montant et la répartition des bakchichs que l'industriel est prêt à verser à son jardinier, à son avocat et au procureur, pour sortir son fils de la situation difficile dans laquelle il s'est mis? Sans parler du bouquet final de la noce où, derrière le vernis de la somptueuse réception et de l'ambiance conviviale autour des familles et amis des mariés, affleure la cupidité et les combines douteuses du marié et de ses parents. Le message est clair: cet argent omniprésent est la source de notre incapacité à progresser sur le dur chemin de l'accession à l'humanité. Moïse l'avait déjà dit en condamnant les adorateurs du veau d'or. Une petite piqûre de rappel ne peut pas faire de mal.

Une phrase

Celle du réalisateur: "Je mesurais à quel point c'est satisfaisant de ne pas réprimer ses réactions; combien cela peut être frustrant si on ne réagit pas". A consommer avec modération quand même.

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