Le poids des mots, le choc des propos : la France a mal à son islam<!-- --> | Atlantico.fr
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Les policiers français rendent hommage aux trois officiers tués lors des attaques de la semaine dernière.
Les policiers français rendent hommage aux trois officiers tués lors des attaques de la semaine dernière.
©Reuters

Editorial

Ne laissons pas la sémantique servir de cache sexe à nos lâchetés et à nos échecs.

Pierre Guyot

Pierre Guyot

Pierre Guyot est journaliste, producteur et réalisateur de documentaires. Il est l’un des fondateurs et actionnaires d’Atlantico.

 

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Hier soir, en écoutant  l’invité d’une station de radio, j’ai sursauté.  Dans le flot d’informations qui se déverse depuis plusieurs jours, je n’ai même pas entendu de qui il s’agissait exactement, mais il avait l’air très sérieux et très compétent, ce monsieur. Surtout, il avait l’air très convaincu.

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Cet invité expliquait que les attaques qui viennent de se produire contre des journalistes, des policiers et des citoyens juifs n’avaient rien à voir avec l’Islam, que d’ailleurs - je cite - "ces gens-là (les terroristes) n’étaient pas des musulmans, c’étaient des barbares".

Dimanche, des millions de citoyens ont marché dans les rues de France pour rendre hommage aux dix-sept victimes des fondamentalistes islamistes et pour défendre nos libertés, notamment celle d’expression.

Du coup, entendre de bonnes âmes pleines de bonnes intentions ripoliner la vérité moins d’une semaine après les meurtres m’énerve un peu. Bien sûr que ces terroristes étaient musulmans ! C’est même au nom de cela qu’ils ont agi ! (Je doute d’ailleurs que ce spécialiste de je-ne-sais-quoi connût l’étymologie du mot barbare qui désigne à l’origine "celui qui maîtrise mal la langue", faute de quoi il en aurait probablement choisi un autre…)

La tension est telle que je me sens obligé de compléter ce que j’écris par cette évidence absolue que les musulmans ne sont bien sûr pas des terroristes, que l’immense majorité des citoyens musulmans n’aspire qu’à vivre comme tous les autres citoyens de ce pays, en paix et en sécurité.

Mais ce n’est pas nous rendre service que de taire ce qui vient de se passer, de ne pas oser prononcer les mots. Briser le thermomètre n’a jamais aider à soigner le malade et ils sont nombreux, religieux de toutes confessions, à dire eux-mêmes que ce à quoi nous sommes confrontés est bel et bien un problème d’une interprétation radicale de l’Islam. 

Preuve que cette autocensure est intimement liée aux difficultés et à l’échec, partiel mais hélas patent, que la France rencontre pour faire vivre ensemble Islam et valeurs de la République, c’est qu’elle disparait lorsque sont désignés les djihadistes à l’étranger (disons plutôt les moudjahidines, "les combattants", puisque les mots sont importants et que les différents concepts de "djihad" dans le Coran sont plus complexes que ça…).

Au Mali, où les troupes françaises sont pourtant le fer de lance de la lutte contre Al-Quaïda-au-Maghreb-Islamique, au Nigéria où les membres du califat autoproclamé de BokoHaramont massacré deux mille villageois la semaine dernière, en Syrie et en Irak où Daesh martyrise la population, à commencer par la minorité Yézidie : partout, nous parlons de terrorisme islamique. Pourquoi des tueries sur le territoire français, perpétrées et revendiquées au nom de ces mêmes organisations, deviennent-elles soudainement des "attentats, mais qui surtout n’ont rien à voir avec l’Islam…" ?

Cette même frilosité à prononcer les mots s’illustre avec les soixante-dix "incidents" lors de la minute de silence organisée dans les écoles officiellement recensés par le ministère de l’Education nationale qui s’empresse de préciser que ce chiffre est infinitésimal en comparaison des 64.000 établissements scolaires français.

Que sont ces "incidents" pour que le ministère n’en ait comptés "que" soixante-dix, lorsque des dizaines de témoignages d’élèves, d’enseignants, de chefs d’établissements racontent les refus d’honorer la mémoire des victimes, lorsque tous les reportages réalisés ces derniers jours (par la presse de gauche comme de droite) confirment ce malaise de certains citoyens musulmans qui condamnent les meurtres de Charlie Hebdo mais qui expliquent qu’ils ne comprennent pas l’insistance du journal à se moquer de Mahomet ? Que penser de ces jeunes venus faire des "quenelles" ou mimer des mitraillages derrière les journalistes pendant les directs des chaines d’info en continu ?

Et encore ! Je n’ose imaginer ce qu’auraient été les réactions et commentaires dans certaines écoles, dans certains quartiers, si les pouvoirs publics avaient demandé une minute de silence spécifique après les meurtres des quatre victimes de la Porte de Vincennes, tués eux non parce qu’ils avaient caricaturé Mahomet, mais parce qu’ils étaient des citoyens juifs.

La France a mal à son Islam.

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