Comment les livres pour enfants peuvent sauver des vies<!-- --> | Atlantico.fr
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Grâce à la lecture, les enfants sont plus généreux.
Grâce à la lecture, les enfants sont plus généreux.
©Reuters

Bonne lecture

Mathangi Subramanian, auteur indienne de livres pour enfants a récemment raconté comment les histoires et les récits influençaient la façon dont ses petits lecteurs interagissent avec les autres, jusqu'à les rendre généreux et altruistes. Une idée soutenue par la littérature scientifique au sujet du développement de la personnalité des plus jeunes.

Edith Tartar Goddet

Edith Tartar Goddet

Edith Tartar Goddet est psychosociologue et psychologue clinicienne. Elle est spécialiste de la gestion des adolescents au sein de la structure familiale et de l'adolescence dans le cadre scolaire, ainsi que des dysfonctionnements relationnels toujours dans le cadre scolaire. Elle a notamment collaboré au projet Comment réussir ses vacances ? et est l'auteur, parmi de nombreux ouvrages, de Développer les compétences sociales des adolescents par des ateliers de parole aux Editions Retz. 

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Atlantico :Au-delà de l'acquisition du langage ou du vocabulaire, qu'apporte concrètement le fait de lire des histoires aux enfants ? En quoi peut-il influencer de manière positive certains sentiments comme l'empathie ?

Edith Tartar Goddet : Effectivement, l'influence des récits et des contes sur les enfants va bien au-delà de l'acquisition du langage, ou du développement de l'intelligence. Ils participent en réalité à tout un ensemble de développements internes, et notamment à la construction de leur personnalité. De nos jours, l'intelligence ne se borne plus à l'intelligence logico-mathématique ou verbale. C'est donc l'intelligence multiple, qui comprend l'intelligence intra-personnelle -soit la capacité de percevoir ce que l'on ressent, de l'exprimer, d'agir sur soi- et l'intelligence interpersonnelle -c’est-à-dire la manière de percevoir ses relations avec les autres, et comment on réagit aux interactions sociales- qui sont affutées par ces lectures.

Par conséquent, les capacités à l'altruisme, à l'empathie sont très fortement améliorées. ils deviennent plus ouverts, se projettent en d'autres entités. 

Comment l'expliquer, à quels processus cela répond-il ?

L'ouvrage de Bruno Bettelheim Psychanalyse des contes de fée, aborde amplement ce phénomène. Dans une histoire comme celle de Caïn et Abel par exemple, où l'un d'entre-eux souhaite tuer son frère par jalousie, l'enfant identifiera les émotions pourtant complexes que les personnages peuvent ressentir. Comme certaines émissions peuvent banaliser la violence, les récits pour enfants habituent à des émotions, ils acquièrent des réflexes qui ressurgiront dans leur propre vie.

Pour prendre un autre exemple, les expériences de dévoration que les enfants peuvent découvrir à travers les contes, comme le petit Chaperon rouge, vont l'interpeller très intensément, et lui apprendre que tout ne se mange pas. Cela l'aidera dans sa construction de la représentation du monde, en mettant en échec la peur qu'ont tous les enfants : celle d'être mangé. En un sens, l'interprétation de ce conte peut lui paraître comme une délivrance, et le rassurera pour toute sa vie.

Ces récits participent donc à une réflexion douce de l'enfant. Ils leur permettent d'entendre et de voir une multitude d'expériences de vie comparable à un condensé d'expériences. A travers ces histoires, les enfants sont confrontés de manière symbolique à des situations agréables ou difficiles, voire douloureuse.

A partir de quel âge faut-il leur lire des histoires ?

C'est une spécificité des enfants de réagir aux récits comme si c'était vrai. A l'inverse des adultes, et jusqu'à environ 7 ans, ils vivront avec une très forte intensité les histoires racontées. Je dirais donc qu'il faut leur lire des histoires le plus tôt possible. A partir du moment où les parents jouent le jeu, racontent avec suspense, amplifient de manière un peu théatrale, même les bébés tireront des enseignements émotionnels de ces histoires. Ils ne comprendront pas forcément le récit mais ressentiront les émotions exprimées par ses parents.

A quoi ressemblent les enfants à qui l'on a pu lire quand ils sont adultes ?

Ceux à qui l'on a beaucoup lu lorsqu'ils étaient enfants vont développer un monde intérieur imaginaire extrêmement fort. D'une part, ce sera d'une aide immense pour leur scolarité. Quand ils seront face à un problème complexe, ils l'aborderont avec une créativité supérieure, ce qui leur permettront d'imaginer de multiples solutions avant d'en choisir une. Leurs réflexes intellectuels y seront habitués. D'autre part, ils auront plus d'empathie, une plus grande capacité à comprendre les autres, et également à partager leurs souffrance. On peut imaginer qu'ils en deviennent plus altruistes que les autres.

Existe-t-il une particularité de la lecture par rapport à d'autres supports comme la télévision, ou encore les jeux vidéo ?

Un enfant qui aura vécu les mêmes histoires à travers un écran, que ce soit une tablette tactiles, un ordinateur, ou une télévision, n'aura pas la même capacité d'imagination que les autres. Regarder un dessin animé est une activité passive, c'est l'écran qui fournit l'ensemble des éléments. Le besoin de faire appel à l'imagination en est donc très limitée. L'enfant qui écoute une histoire ou la lit n'est pas dans le même registre : il passe de simple spectateur à acteur, les émotions s'impriment plus fortement et plus profondément. Et les bénéfices sont donc considérablement plus importants.

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