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Près de la moitié des femmes vivent mal le passage à la retraite de leur conjoint.
Près de la moitié des femmes vivent mal le passage à la retraite de leur conjoint.
©Reuters

Scènes de ménage

Des études scientifiques tendent à prouver que près de la moitié des femmes vivent mal le passage à la retraite de leur conjoint. Le phénomène est surtout valable dans le cas de femmes ayant peu travaillé. Mais plus que le départ à la retraite, ce sont souvent les erreurs de mariage qui expliquent cette réalité.

Sophie Muffang

Sophie Muffang

Sophie Muffang est psychologue spécialisée dans l'accompagnement à la retraite. Auteure de La retraite? Pas si simple! Comment passer le cap, paru en 2009 aux Editions Ellipses

 

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Atlantico: Selon plusieurs études, et notamment une menée par l'Université italienne de Padova, près de la moitié des femmes souffriraient du départ en retraite de leur mari. Parmi les symptômes: du stress, de la dépression, des insomnies. Est-ce le cas en France? Comment expliquer cette réaction de la part des conjointes? Ne devraient-elles pas, pour la plupart du moins, être heureuses de passer enfin du temps avec leur mari ?

Sophie Muffang: Je pense qu'effectivement cette situation peut s'appliquer en France, mais surtout dans le cas de couples dans lesquels les femmes ont peu travaillé, sont globalement à la maison, et se sont identifiés à leur rôle de maîtresse de maison ou de mère de famille. Ou chez les femmes qui exerçaient un métier à la maison. Je pense à des femmes que j'ai rencontrées qui étaient aides-maternelles: elles considéraient l'espace comme le leur, donc monsieur est un intrus! Et elles ne se rendent absolument pas compte du préjudice, ou disons de la pression, qu'elles exercent sur leur mari. Certaines peuvent être vraiment tyranniques!

Je pense que c'est beaucoup moins vrai, en France du moins, dans les autres catégories socio-professionnelles, parce que ce n'est pas du tout automatique, en particulier pour des femmes qui ont travaillé toute leur carrière et sont contentes d'accéder à un temps de retraite où ils vont pouvoir profiter à des deux de cette nouvelle tranche de vie.

La retraite est un passage angoissant. Il faut voir que le passage à la retraite lève beaucoup d'angoisses chez beaucoup de gens, parce qu'ils ont eu un emploi du temps extrêmement contenu, tenu, imposé et contraignant par leur vie professionnelle, et tout d'un coup, toutes ces contraintes tombent. Mais les contraintes, c'est très rassurant et structurant. Tout d'un coup, c'est le grand vide et le grand inconnu, donc cela panique beaucoup de personnes. C'est donc cela qui fait que dans la première année, beaucoup de retraités vont mal, et possiblement leur conjoint en même temps. C'est parce qu'ils sont dans un moment de basculement de vie où tout est à reconsidérer et à remettre en chantier.

Soyons clairs: je ne parle que pour les personnes que je vois, qui travaillent dans une entreprise et arrêtent, du jour au lendemain, de travailler dans cette entreprise. Ce n'est pas du tout la même chose pour les gens qui sont, soit chef d'entreprise et vont pouvoir passer la maison progressivement, soit auto-entrepreneur ou libéral, et vont pouvoir alléger leur emploi du temps petit à petit. 

L’augmentation des tâches ménagères peut-elle également être à l’origine de ce stress ?

Je pense que les tâches ménagères sont un prétexte, plutôt que la véritable raison. Je pense que la véritable raison, c'est lorsque les couples ont peu de choses en commun, peu de choses à se dire: c'est masqué par des vies professionnelles riches, chacun de leur côté par exemple, et du coup, cela peut se focaliser sur les tâches ménagères, mais c'est un peu un détail.

Selon cette même étude, ces symptômes empireraient d'année en année chez la plupart des conjointes. Est-ce réellement le cas? Une erreur de mariage peut-elle expliquer cela ou est-ce normal ?

Le phénomène me paraît bien plus lié à l'histoire du couple qu'à la retraite, c'est évident. C'est une erreur de choix conjugal! Couplée au fait que l'on ne s'autorise pas à se quitter, ce qui doit être plus fort en Italie. En France, beaucoup de femmes finissent tout de même seules parce qu'elles le préfèrent. Cela fonctionne particulièrement pour les femmes qui travaillent chez elles, ou qui ont arrêté de travailler depuis longtemps.

Constate-t-on ce type de réaction chez les hommes retraités dont les femmes viennent récemment de partir en retraite ?

Pour moi, il s'agit plus un problème de couple qu'un problème de retraite, à 90%. Si les conjoints s'entendent bien, sont épanouis, contents de s'attendre réciproquement, ils s'aident à passer cette première année. C'est essentiellement lié à des problèmes de couples, plus qu'un problème de retraite. Cela peut être lié à des problèmes de retraite quand les personnes ont eu un travail extrêmement reconnu et se sont complètement identifiées à leur vie professionnelle. Elles perdent alors cette identification et cette source de reconnaissance. 

Je me souviens d'un couple que j'ai vu peu de temps après leur retraite. Leur relation partait à vau-l'eau: ils ont donc décidé de faire quelque chose ensemble pour se retrouver. Ils se sont mis à la danse de salon, se sont pris au jeu, ont décidé de faire des concours... Et cela a complètement restructuré leur vie. Sur le plan physique, c'est bien plus amusant que de se rendre en salle de sport. Et puis, ils ont rencontré des gens, et font des concours dans leur région. Cela les a rapprochés, puisqu'il faut se toucher dans la danse de salon. La solution, c'est bien souvent simplement de trouver une activité et se trouver.

Quels conseils donneriez-vous au conjoint pour accepter au mieux cette situation ? Et au jeune retraité pour amoindrir les effets de la retraite sur lui et sa conjointe ?

Si les jeunes retraités peuvent suivre un stage de préparation à la retraite, c'est une bonne solution. C'est encore mieux quand ils peuvent le faire avec leur conjoint. Cela aide les gens à réfléchir. A défaut de faire des stages, les livres leurs permettent également de voir que cette phase est normale, et que cela vaut la peine de se poser des questions sur le sujet.

Vrai conseil pour le jeune retraité: se dire que pendant la première année, cela va être délicat et accepter que cette première année soit une année de test. Il faut tester, essayer de nouvelles choses, par exemple pendant trois mois. Il faut vraiment se donner le droit d'essayer pendant un an, tous azimuts, ne pas se précipiter. Il faut trouver des activités qui plaisent en prenant son temps, et ayant le droit de rater. C'est comme dans l'enfance, lorsque l'on apprend à marche. A la retraite, on apprend à marcher comme retraité en prenant du temps.

Pour le conjoint, patience, bienveillance, tolérance. Il faut essayer autant que possible, soit de se mettre à la place de l'autre, soit le laisser tranquille! Mais ne pas penser à sa place.

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