"Ami si tu tombes, un ami sort de l’ombre à ta place"... Je suis Charlie mais surtout un journaliste qui doit reprendre le flambeau<!-- --> | Atlantico.fr
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Il faut continuer de se battre pour la liberté d'expression.
Il faut continuer de se battre pour la liberté d'expression.
©Reuters

Editorial

Enquêter, écrire et diffuser, sans tabou ni censure : c'est plus que jamais la responsabilité des journalistes de notre pays.

Pierre Guyot

Pierre Guyot

Pierre Guyot est journaliste, producteur et réalisateur de documentaires. Il est l’un des fondateurs et actionnaires d’Atlantico.

 

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Il est difficile d’écrire ce matin. Parce qu’il est difficile d’écrire en pleurant des confrères et, pour certains, des amis. Parce que je n’ai pas envie d’écrire sous le coup de ma colère et de mon chagrin. Et puis parce que face à la violence et à la gravité des meurtres perpétrés hier, j’ai peur que mon texte ne soit pas à la hauteur de ce que pour quoi, tous les douze, ils sont morts.

Pourtant, ce matin aux Invalides, la France a rendu hommage à Robert Chambeiron, l’ultime survivant du Conseil National de la Résistance qui vient de s’éteindre à l’âge de 95 ans. Et de me souvenir en cette occasion du couplet du Chant des Partisans qui disait en 1943 : "Ami si tu tombes, un ami sort de l’ombre à ta place".

C’est précisément cela que nous devons faire aujourd’hui. Résister et agir. Je ne suis pas policier, je ne peux pas marcher dans les pas d’Ahmed Merabet ou de Franck Brinsolaro, les deux fonctionnaires assassinés hier. Mais enquêter, écrire, diffuser, ça oui. C’est plus que jamais ma responsabilité et, je le crois, celle de tous mes consœurs et confrères, de ramasser les crayons que les victimes d’hier n’ont laissés choir qu’en mourant et de reprendre leur boulot.

Il faut maintenant, plus que jamais, écrire que nous avons tous le droit de mettre en cause, de douter et de nous moquer d’Allah, au même titre que de Dieu, de Bouddha, de Yavé ou des hussards laïcs de la République. Il faut condamner la bêtise et l’intolérance. Celle des racistes, des xénophobes, des fanatiques comme celle des faux-culs dont le bal a commencé dès hier, au soir même de la tuerie, lorsque les militants d’extrême-gauche qui, il y a quelques mois à peine, taxaient Charlie Hebdo d’islamophobie ont brandi des pancartes "Je suis Charlie", lorsque des responsables politiques verts ou socialistes qui appellent ce matin à manifester en soutien à Charlie hebdo oublient soudainement qu’ils se pinçaient le nez et condamnaient les "provocations" quand le journal publiait les caricatures de Mahomet.

Les premières morts de confrères que j’ai eu à pleurer dans ma carrière étaient celles des journalistes algériens assassinés par les Groupe Islamiques Armés. C’était il y a vingt ans. Tout jeune journaliste en poste au Maghreb, il m’arrivait alors d’accueillir à la maison des confrères algériens qui fuyaient leur pays en expliquant que si Victor Hugo avait écrit que "partir, c’est mourir un peu", pour eux rester, c’était "mourir beaucoup". A la même époque, mes amis algériens et marocains musulmans me racontaient déjà comment leurs parents avaient lutté pour faire avancer la démocratie, comment leurs mères avaient combattu pour avoir le droit de porter un maillot de bain à la plage. Et déjà ils s’inquiétaient de ce mouvement qu’ils voyaient prendre de l’importance au sein de leur communauté et qui, au nom de leur foi, voulait museler la parole et voiler les femmes.

Aujourd’hui en France, il est indispensable de défendre l’unité nationale et de ne pas céder à la facilité et la bêtise de l’amalgame entre quelques fanatiques et les citoyens musulmans.

Mais il est aussi nécessaire d’ouvrir un vrai débat sur ce qui vient de se passer. D’oser poser les questions, de mettre des mots sur les faits. Bref, de nous exprimer sans crainte de je ne sais quelle stigmatisation ou des menaces de mort. Sinon, ils seront morts pour rien.

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