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A quoi ressemblait Néandertal ?
A quoi ressemblait Néandertal ?
©Reuters

Bonnes feuilles

Dans "Qui a tué Néandertal ?" parus aux éditions Michalon, Eric Pincas livre une enquête sur la disparition la plus fascinante de l'histoire de l'humanité

Eric Pincas

Eric Pincas

Eric Pincas est le rédacteur en chef d'Historia. 

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Une question intrigue nos contemporains : si Neandertal vivait encore parmi nous, pourrait-il passer inaperçu ? Ses différences physiques, la singularité de son comportement seraient-elles suffisamment visibles pour que le citadin, pris dans le tourbillon du quotidien, englué dans son indivi- dualisme aveugle, puisse détecter la présence de cet homme ancestral égaré dans nos mégalopoles labyrinthiques ? Mashbayar s’amuse d’une telle réflexion : pour lui, l’enve- loppe corporelle n’est qu’artifice, au regard de la force de l’esprit. Toujours est-il qu’il a bien conscience que la condi- tion sine qua non pour la recherche d’un individu dont on a perdu la trace est de connaître son signalement. Assis à l’ombre de l’un des innombrables pins séculaires des rives de l’Oursoul, le patriarche sibérien tient entre ses mains tremblotantes un dessin du peintre tchèque Kupka, publié dans L’Illustration en 1909.

Influencé par les descrip- tions du paléoanthropologue français Marcellin Boule, relatives à l’homme de la Chapelle-aux-Saints découvert en Corrèze, l’artiste présentait un être à l’aspect simiesque, recouvert de poils, les jambes arquées, le visage agressif, sur la défensive, posté à l’entrée d’un abri sous roche et muni d’un gourdin. Agacé par cette image indigne, Mashbayar marmonne dans sa barbe des mots incompréhensibles. Quel contraste saisissant, comparé au crayonné de MacGregor, daté de 1939, réalisé pour illustrer les travaux de Carleton Coon. L’anthropologue américain, professeur à l’université de Pennsylvanie, avait eu l’idée d’imaginer Neandertal de profil, rasé de frais, cravaté, chapeauté, convaincu qu’ainsi relooké, il n’aurait suscité qu’indifférence dans le métro new-yorkais.

Des gestes saccadés trahissent la soudaine impatience du chamane. Des dizaines de documents disposés sur une large souche nervurée transformée en établi volettent autour de lui. Quelques secondes s’égrainent, le temps pour le vieux sage de dénicher au beau milieu de ce fatras une petite boîte rectangulaire aux senteurs d’épicéa et d’en extraire un cliché au pouvoir hypnotique. Pendant de longues minutes, comme dans un jeu de miroir, Mashbayar scrut ele sujet de la photographie et effleure du bout des doigts les contours de son visage. Curieuse chorégraphie gestuelle, composée de délicates arabesques reproduites à l’identique sur son propre faciès pour mieux en apprécier les varia- tions. L’objet de tant de fascination ? La représentation hyperréaliste, rayonnante d’humanité, d’un Néanderta- lien ressuscité au début des années 2000 grâce au talent d’Élisabeth Daynès. Dans son atelier parisien, cette sculptrice d’un genre un peu particulier, reconnue dans le monde entier, s’illustre dans la dermoplastie au silicone dont elle est devenue une experte.

Amoureuse de la Préhistoire, la magicienne du Faubourg du Temple s’attelle à redonner vie aux hominidés avec la plus grande rigueur scientifique. Pour obtenir le rendu le plus crédible qui soit, elle se nourrit copieusement des conseils des paléoanthro- pologues, s’inspire des découvertes de la paléogénétique et utilise un logiciel de reconstitution faciale 3D. Mashbayar conserve précieusement quelques clichés de cet « album de famille » hors du commun. « Pierrette », la femme de Saint- Césaire y prend la pose, imitée par l’enfant de Gibraltar et son petit cousin du Roc de Marsal3 d’une peau laiteuse, de taches de rousseur, d’une couleur de cheveux tirant sur le blond-roux et de grands yeux clairs profondément expressifs. Globalement, à quelques détails près, ils nous ressemblent ! Réduit au rang de primate menaçant au début du XXe siècle, travesti en bon citoyen américain à l’orée 3. Voir cahier photo, p. II. des années 1940, « réhabilité » peut-être exagérément dans toute son humanité et sa pureté originelle à la char- nière du troisième millénaire... L’image de Neandertal est décidément bien fluctuante. Un morphing en trois temps, autrement dit une transformation progressive de son image dont chaque étape traduit la mentalité d’une époque et son cadre idéologique.

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