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Une bonne stratégie de communication peut-elle sauver François Hollande?
Une bonne stratégie de communication peut-elle sauver François Hollande?
©Reuters

Séquence médiatique

François Hollande est l'invité de la matinale de France Inter lundi 5 janvier où il s'exprimera pendant deux heures sur les questions économiques, sociales, politiques et internationales. L'occasion pour le chef de l'Etat de poursuivre sa stratégie de communication, avec 2017 en ligne de mire.

Jérôme Fourquet

Jérôme Fourquet

Jérôme Fourquet est directeur du Département opinion publique à l’Ifop.

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Philippe Moreau-Chevrolet

Philippe Moreau-Chevrolet

Philippe Moreau-Chevrolet est communicant et co-fondateur de l'agence de conseils en communication MCBG Conseil.

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Atlantico : Vœux aux Français, interview sur France Inter lundi, vœux à la presse le 14 janvier, François Hollande est en pleine offensive médiatique. Cette séquence de communication politique peut-elle aider un chef de l'Etat englué dans les mauvais sondages et dont le bilan politique est critiqué par les Français ? Par quels ressorts cette séquence peut-elle contribuer à améliorer son image ?

Philippe Moreau-Chevrolet :Sa communication du moment correspond à une entrée en campagne. Son premier objectif, immédiat, ce sont les élections départementales en mars et éventuellement les régionales fin décembre. Le deuxième c'est d'éviter à tout prix une primaire socialiste et se positionner comme candidat en 2017. François Hollande part d'un niveau  tellement bas qu'on peut se demander s'il va réussir et pour le moment nous sommes loin de cette hypothèse.Il pourrait théoriquement grignoter quelques points dans les sondages. Pour réussir, il cible les milieux culturels de gauche qui font les opinions alors qu'il a une mauvaise cote auprès d'eux. Il organise ainsi des dîners en ville avec ces milieux, comme avec Joey Starr.

Sa deuxième cible, ce sont les Français : il s'exprimera à la radio ou à la télévision pour essayer tenter de renouer avec eux alors que le dialogue a été rompu. En fait, 2015 est un peu l'année zéro de François Hollande qui a pris beaucoup de retard en la matière. Il a attendu deux ans et demi, ce qui a endommagé son image et il a par ailleurs mal géré les séquences Trierweiler, Cahuzac et Thévenoud. Il s'est mis lui-même dans cette position délicate.

Le président paye sa négligence et son incompréhension du problème médiatique actuel. Il a essayé de dire qu'il se sent concerné par les réseaux sociaux mais ce n'est pas le cas. Il n'est pas sur Facebook ni sur Twitter et cela prouve qu'il n'a pas compris le système actuel. Il a certes  fait quelques tentatives de dialogues directs avec les Français comme chez Jean-Jacques Bourdin et recommence lundi matin sur France Inter mais sa communication ressemble aux montagnes russes : un jour c'est bien, un autre jour c'est raté.François Hollande est un cas unique en matière de communication politique. C'est un ovni à ce sujet. Cela ne devrait pas exister et ça n'existera plus mais il travaille toutefois et commence à s'améliorer.

Cette réaction n'est-elle pas trop tardive ?

Philippe Moreau Chevrolet : Non, car beaucoup de choses peuvent se passer d'ici 2017. Il est toutefois trop tard pour qu'il espère remporter les élections départementales mais pour la prochaine présidentielle il peut éventuellement se sauver. Et ce d'autant plus qu'une course de médiocrité est engagée pour 2017 : les candidats de droite vont essayer d'être le moins mauvais et non pas les meilleurs en se disant que face à Marine Le Pen au second tour ils vont de toute façon automatiquement gagner.

Quels sont les risques pris par le chef de l'Etat en exprimant sans le dire sa volonté de se présenter en 2017, alors que le président est clairement tourné vers cet objectif ?

Philippe Moreau Chevrolet : François Hollande risque de ne pas être cohérent, de ne pas être compréhensible et lisible. Un jour il va dire "ma politique c'est j'aime l'entreprise" tandis que  le lendemain il fait un discours de gauche pour rassembler son camp. La question de la sincérité de sa démarche se pose donc. Il y a des gros points d'interrogation depuis le début de son mandat : qui est François Hollande ? Quelle sont ses convictions ? Quel est son cap ? Les Français ne savent pas. Les contradictions, le manque de cap et le manque d'autorité, c'est ce qu'il y a de pire. François Hollande n'a pas résolu son problème de positionnement politique et d'image. Le fait qu'il mette le projecteur dessus met en valeur tous ses défauts et peut abîmer encore plus son image.

Plus généralement, dans quelle mesure peut-on dire que le chef de l'Etat n'a pas de stratégie de communication sur le long terme ? Quelles sont les conséquences de cette absence ?

Philippe Moreau Chevrolet : François Hollande gère sa communication au coup par coup. Il n'a pas construit d'image personnelle, il n'a pas de relation avec les Français. Il n'a pas de stratégie sur le long terme. Il  a des idées qu'il met en œuvre ponctuellement. Le président n'écoute pas son entourage et a dit en quelque sorte "la communication c'est moi". C'est terrible. Aucun chef d'Etat d'une autre démocratie ne gère seul sa communication, chacun disposant d'un staff. On ne peut pas gérer un pays de 66 millions d'habitants tout seul, et pourtant François Hollande donne cette impression.

En quoi peut-on dire que les Français attendent des résultats de fond plutôt que des opérations de communication politique à la veille des élections départementales ?

Philippe Moreau Chevrolet : Les Français ont une profonde défiance à l'égard des politiques et ils attendent des preuves. Ils veulent savoir en quoi François Hollande va être capable de résoudre la situation mieux qu'un autre. Le chef de l'Etat a été élu sur cette base-là car ses électeurs pensaient qu'il allait faire mieux que Nicolas Sarkozy or il n'a pas rempli cet objectif pour le moment. François Hollande devrait prendre des symboles forts, comme François Mitterrand lorsqu'il avait aboli la peine de mort pour montrer son courage. François Hollande mène pour le moment une politique vidée de symbole. Quand il fait le mariage pour tous, il dit lui-même qu'il n'y croit pas et qu'il y a une liberté de conscience. Un président est élu sur des symboles, sur le lien créé avec le pays et sur une relation de confiance. Pour l'instant cela n'existe pas, et ce fait dépasse les clivages politiques.

Jérôme Fourquet : La dernière séquence lancée il y a quelques semaines a été réussie. Cette séquence veut montrer un François Hollande qui serait toujours aussi pugnace, aurait repris du poil de la bête et se préparerait pour 2017. On constate une légère remontée de sa cote de popularité qui a aussi coïncidé avec le retour sur le devant de la scène de Nicolas Sarkozy, ce qui a pu aussi contribuer à la remontée de François Hollande. Sur le fond des choses il n'y a pas eu d'amélioration économique sur le plan de la croissance, du pouvoir d'achat et de l'emploi. Autrement dit la communication politique peut jouer un rôle positif dans les sondages. A contrario on a aussi des exemples concrets d'effets négatifs sur la cote de popularité de François Hollande quand des événements ou des prises de paroles étaient mal gérées même si sur le fond il n'y avait pas eu d'aggravation de la situation.

La forme et la communication sont donc importantes et on peut comprendre que François Hollande ait pris le risque de répondre aux questions des auditeurs de France Inter pendant 2 heures lundi, ceci pour tenter d'enfoncer le clou après une séquence plutôt réussie. On va toutefois voir si la remontée se confirme car il n'échappe à personne que sa popularité demeure historiquement basse. Il a devant lui un problème important à résoudre : les attentes des Français.

Quelles sont les attentes des Français ? Sur quels sujets veulent-ils des résultats du gouvernement ?

Jérôme Fourquet : L'amélioration de la situation économique qui se traduirait par un retour de la croissance et un reflux du chômage, une amélioration en matière de pouvoir d'achat notamment pour les plus modestes, ce qui peut passer par la diminution de la pression fiscale, une hausse des salaires, un regain d'activité, etc. Pour le moment nous sommes loin de tout cela. J'ai été frappé de voir que François Hollande n'a pas fait de nouvelles annonces lors de ses vœux et qu'il dise à propos du Pacte de responsabilité que le gouvernement a fait son travail et rempli son contrat vis-à-vis des entreprises, poursuivant en affirmant que c'est maintenant à elles de tenir leur parole et de créer de l'emploi comme si les résultats n'étaient plus au rendez-vous. François Hollande veut renvoyer la patate chaude du côté des chefs d'entreprise en disant que si les résultats ne viennent pas c'est parce qu'ils n'ont pas saisi la balle au bond et tenu leurs engagements. Il y a par ailleurs d'autres types d'attentes importantes : la sécurité, avec la menace terroriste et la lutte contre le fondamentalisme islamiste.

Propos recueillis par Julien Chabrout

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