Encore trois semaines de voeux : les origines et les utilisations cachées de cette avalanche bien française<!-- --> | Atlantico.fr
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Les origines et les utilisations cachées de cette avalanche bien française.
Les origines et les utilisations cachées de cette avalanche bien française.
©Capture

C'est long...

A chaque nouvelle année et pendant les semaines qui suivent, le même rituel : le chef de l'Etat en exercice gratifie de ses vœux les Français ainsi qu'un grand nombre d'institutions. Une pratique finalement assez récente et taillée sur-mesure pour les "présidents-monarques" de la 5ème République.

Jean Garrigues

Jean Garrigues

Jean Garrigues est historien, spécialiste d'histoire politique.

Il est professeur d'histoire contemporaine à l' Université d'Orléans et à Sciences Po Paris.

Il est l'auteur de plusieurs ouvrages comme Histoire du Parlement de 1789 à nos jours (Armand Colin, 2007), La France de la Ve République 1958-2008  (Armand Colin, 2008) et Les hommes providentiels : histoire d’une fascination française (Seuil, 2012). Son dernier livre, Le monde selon Clemenceau est paru en 2014 aux éditions Tallandier. 

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Atlantico : A quand remonte la plus ancienne trace des vœux de bonne année d'une personnalité publique ?

Jean Garrigues : Il est difficile de dire à quand remonte l'existence des vœux de bonne année des personnalités publiques. Ce que l'on peut dire avec certitude c'est que la cérémonie des vœux officiels et télé-diffusés remonte à décembre 1960. C'est-à-dire à la présidence du général de Gaulle. C'est Charles de Gaulle qui a décidé de ritualiser cette pratique. Il est vrai que cela existait également sous la 4ème République, les vœux étaient alors prononcés par le président du Conseil, équivalent de l'actuel Premier ministre. Les présidents de la République le faisaient aussi : Vincent Auriol l'a fait le 6 janvier 1949, René Coty les a prononcé le 26 janvier 1956. Cependant les présidents de la 4ème République n'occupaient pas un grand rôle dans ce régime, leurs vœux passaient donc un peu inaperçus, surtout par rapport à ceux des présidents  de la 5ème République. En effet, cette cérémonie relève directement de la "monarchie républicaine", et souligne le lien direct entre les Français et leur président. Un rituel, donc, taillé sur-mesure par et pour le général de Gaulle. A noter que les rois de France n'ont, apparemment, jamais prononcé de vœux. Par contre, durant les monarchies censitaires, les souverains envoyaient des messages aux différentes assemblées, mais qui avaient avant tout valeur de programme politique, car il s'agissait de régimes parlementaires. On retrouve cette valeur d'annonce dans les vœux des présidents, particulièrement adaptée à l'ère de la communication de masse car ils passent à la télévision. Sous la 4ème République ce type de médias n'existait pas, on passait par la presse papier.

Le contenu et la forme des vœux ont-ils changé avec le temps ?

Il y a beaucoup de différences dans l'évolution de la mise en scène de la cérémonie des vœux. Chaque président les a marqué son empreinte. Georges Pompidou a utilisé un prompteur pour la première fois, par exemple. Cela tranchait avec les vœux du général de Gaulle qui apprenait son texte par cœur et donnait bien souvent un ton plus dramatique à ce rituel. En décembre 1960 il appelait les Français à voter pour l'auto-détermination de l'Algérie, en décembre 1968 il faisait le bilan de la révolte appelée Mai 68. Ensuite, Valéry Giscard d'Estaing a voulu faire évoluer le rituel. En décembre 1974, pour ses premiers vœux, il s'installe au coin du feu et lance un "salut à toi 1975 !", ce qui était très original à l'époque. Encore plus innovant, en décembre 1975 il prononce ses vœux en compagnie de sa femme Anémone. En décembre 1979, il est dans son bureau mais on le voit s'avancer en marchant, c'est drôle car, sans le savoir, il fait exactement le contraire  de ce qu'il fera au soir de sa défaite lors du fameux "au-revoir". De son côté François Mitterrand a aussi innové. Pour la première fois il s'est installé avec un drapeau tricolore derrière lui. En décembre 1988 il délocalisera ses vœux à Strasbourg, la capitale de l'Europe. C'est là qu'apparaîtra un drapeau européen en compagnie de celui de la France. En décembre 1981 il avait également été le premier à annoncer des réformes dans ses vœux, celle de la sécurité sociale par exemple, alors qu'auparavant cette pratique donnait plutôt lieu à des bilans, à des manifestations d'empathie ou d'autorité. En décembre 1997, c'est Jacques Chirac qui innove en s'installant debout à un pupitre, lui permettant de se poser en garant de l'Elysée face à la gauche en pleine période de cohabitation. Son successeur Nicolas Sarkozy se rassoit, mais en décembre 2007 il présente, pour la première fois, ses vœux en direct, avec un prompteur, cherchant à être plus familier, en connexion avec ses électeurs. Quant à François Hollande, son innovation est de déplacer le pupitre dans la salle des fêtes de l'Elysée en décembre 2012. Cette fois, en 2014, il s'est rassis, mais au sein du bureau du président, souhaitant ainsi donner l'image d'un chef de l'Etat au travail. On est donc dans un rituel évolutif en fonction du président, mais aussi du contexte, comme le montre l'attitude de François Hollande qui souhaite répondre aux critiques.

Qu'en est-il de l'histoire des vœux des autres personnalités publiques d'importance, comme le Premier ministre ?

Le rituel des vœux des autres responsables politiques, des chefs des autres partis, est quelque chose de récent. Cela tient à l'importance nouvelle que revêtent les réseaux sociaux et à la multiplication des chaînes de télé,  notamment d'information. Jusqu'aux années 2000, les seuls vœux connus et diffusés étaient ceux du Président. Le Premier ministre et les présidents de l'Assemblée et du Sénat avaient également des cérémonies de présentation des vœux, la nouveauté étant qu'ils soient désormais médiatisés. Les vœux du Premier ministre ont toujours un peu de mal à se faire entendre, surtout si l'on compare à ses homologues de la 4ème République, mais c'est le jeu des institutions de notre régime actuel. A noter que cette cérémonie se retrouve dans tous les grands pays industrialisés. Barack Obama, par exemple, s'y livre également, mais il le fait aussi à Noël. David Cameron aussi, en Angleterre, a présenté ses vœux. Finalement ce rituel politique se retrouve à l'échelle planétaire.

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