Ventes de voitures en berne, à qui la faute ? Beaucoup à la crise, un peu aux changements de comportements<!-- --> | Atlantico.fr
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Avec une petite croissance de 0.3% pour l'année 2014, les ventes de véhicules neufs n'ont pas connu le rebond espéré.
Avec une petite croissance de 0.3% pour l'année 2014, les ventes de véhicules neufs n'ont pas connu le rebond espéré.
©Reuters

Vraies raisons

Avec une petite croissance de 0.3% pour l'année 2014, les ventes de véhicules neufs n'ont pas connu le rebond espéré. Le marché est toujours à son plus bas niveau depuis 15 ans, à une époque où se développent les alternatives à l'achat d'une voiture. Mais ne nous y trompons pas, le principal responsable reste la crise économique.

Bernard  Jullien

Bernard Jullien

Bernard Jullien est économiste. Il est directeur général du réseau international Gerpisa (Groupe d’étude et de recherche permanent sur l’industrie et les salariés de l’Automobile).

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Atlantico : Les chiffres des ventes de voitures en France pour l'année passée sont moroses. Une petite accalmie a eu lieu : 0.3% de croissance après la baisse historique de 2013. Les constructeurs ne sont pas pourtant très optimistes. A quoi peut-on s'attendre pour 2015 ?

Bernard Jullien : Depuis des années déjà l'achat de véhicule neuf est traité par les ménages comme ce que les économistes appellent un "bien inférieur" : lorsque le pouvoir d'achat croît, les achats de véhicules neufs ne croissent pas au même rythme et lorsque le pouvoir d'achat stagne ou baisse ces achats sont fortement ajustés à la baisse car les ménages peuvent préserver leur mobilité sans acheter une nouvelle voiture, soit en conservant leurs véhicules soit en acquérant une modèle d'occasion. En 2015, la baisse du prix du pétrole peut redonner un peu de marge au budget automobile des ménages ; la baisse des prix de l'immobilier également. Néanmoins, plus encore que le reste de la consommation des ménages, les achats de véhicules neufs dépendent de la confiance des ménages en leur avenir et, donc, de l'évolution du chômage.

Avec 1.795.913 nouvelles immatriculations en 2014, les niveaux sont bien inférieurs à ceux d'avant la crise. Quelle part de cette baisse des ventes peut-on imputer à la crise économique ?

L'essentiel de l'atonie de la demande est à attribuer à la crise économique. Néanmoins, sur le long terme, le "coefficient budgétaire" correspondant aux achats de voitures neuves dans le budget des ménages est à la baisse. Si tel est le cas c'est moins parce que les ménages se détournent de l'automobile pour couvrir leurs besoins de mobilité que parce qu'ils peuvent assurer leur automobilité sans acheter autant de voitures neuves. Au lieu de s'ajuster à cette situation, les constructeurs - et les autorités européennes en concevant des règlementations toujours plus exigeantes - ont laissé dériver les prix des voitures à la hausse. Le résultat est que la cible commerciale est devenue sans cesse plus étroite et s'est réduite à des ménages de plus en plus âgés qui ont fini de payer leur maison ou leur appartement.

Les services alternatifs pour pouvoir utiliser une voiture font florès : autolib, co-voiturage etc. Ces nouveaux comportements représent-ils un véritable danger pour l'industrie automobile ?

Le bruit médiatique qui entoure ces phénomènes en sur-représente largement l'importance qui, sur le plan statistique, est aujourd'hui encore à peine repérable. La question que l'on peut se poser sur le fond est celle de savoir si, lorsqu'ils se développent, ces services alternatifs concurrencent l'automobile en propriété ou les transports en commun. Fondamentalement, le co-voiturage semble bien amener des propriétaires de véhicules à faire des parcours qu'ils n'auraient pas fait autrement parce qu'ils peuvent les financer avec des passagers qui soit auraient pris le train soit seraient restés chez eux. De même, s'agissant d'Autolib qui est proposé là où toutes les alternatives existent déjà, il y a lieu de se demander si cela pousse des gens sans voiture à éviter d'utiliser pour certains parcours les transports en commun, à faire parce qu'ils ont cette possibilité des déplacements qu'ils n'auraient pas fait autrement ou à renoncer à être propriétaires d'un véhicule. En bref, en l'état actuel de nos connaissances, il n'est pas possible de savoir si le rêve que nourrissent certains de voir l'automobile perdre en importance avec ces services est fondé ou non.

Avec l'émergence de la problématique environnementale en politique, il est de moins en moins bien vu de se déplacer en polluant. On peut craindre un durcissement de la législation, prenons par exemple la future interdiction du diesel à Paris. Cela influe-t-il sur les ventes de voitures ?

Les thématiques écologiques et la culpabilisation qui peut accompagner leur développement semble bien avoir un impact très faible tant qu'elles ne trouvent pas de traductions fiscales ou règlementaires. De ce point de vue, le phénomène parisien est, à l'échelle française, très particulier. Il peut néanmoins donner, avec l'annonce d'une convergence progressive des fiscalités pesant sur l'essence et le diesel, un signal supplémentaire aux ménages et aux entreprises pour les inciter à ajuster leur équipement en réduisant petit à petit la prime qu'ils accordent au diesel. Si comme cela commence à être le cas, les constructeurs améliorent leur offre en véhicules essence et les font bénéficier des mêmes efforts d'amélioration des rendements que ceux qu'ils ont consacré aux petits diesel alors le marché français pourrait se "banaliser" et perdre petit à petit sa spécificité actuelle.

Le marché Français est-il particulier à l'échelle européenne, ou bien les mêmes attitudes se remarquent chez nos voisins ?

Le marché français a des particularités qui renvoient beaucoup moins aux "goûts" des consommateurs qu'à des caractéristiques de la fiscalité ou des politiques économiques. Il s'est - comme le marché allemand - mieux tenu que d'autres marchés comme celui espagnol pendant la crise car la bulle immobilière n'a pas été aussi importante, parce que, en partie, le crédit hypothécaire ne s'était pas développé. Il est moins favorable que le marché allemand par ce que l'immobilier en France est beaucoup plus cher et "mange" une part du revenu des français plus importante que celle qu'y consacrent les allemands. Il est plus diésélisé parce que le différentiel fiscal en la défaveur de l'essence y est plus ample que dans beaucoup de pays européens. Quant au reste, le marché européen a encore plus souffert que le marché français parce que la croissance européenne est très faible et que les politiques d'austérité et l'organisation de la concurrence fiscale et salariale qui structurent l'agenda de la Commission et de la BCE n'ont pas permis pour l'instant qu'il en aille autrement.

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