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Apprendre à gérer ses émotions, 1ère étape de la perte de poids
©Flickr

Lourd de conséquences

Manger ne sert pas qu'à se nourrir, c'est un acte qui, fondamentalement, fait du bien. Il n'est donc pas surprenant que des personnes soumises à un stress récurrent se réfugient dans cet expédient.

Catherine Grangeard

Catherine Grangeard

Catherine Grangeard est psychanalyste. Elle est l'auteur du livre Comprendre l'obésité chez Albin Michel, et de Obésité, le poids des mots, les maux du poids chez Calmann-Lévy.

Elle est membre du Think Tank ObésitéS, premier groupe de réflexion français sur la question du surpoids. 

Co-auteur du livre "La femme qui voit de l'autre côté du miroir" chez Eyrolles. 

Voir la bio »

Atlantico : Dans son communiqué de presse daté du 10 avril 2013, le site NutriNet-Santé (voir ici) explique que "le fait de manger sous le coup de l’émotion est un comportement fréquemment observé, particulièrement chez les femmes et chez les personnes suivant un régime amaigrissant ". En effet, on constate que 52% de femmes sont en proie à une forte "émotivité alimentaire" contre 20% des hommes. Quelle est la part des émotions sur la prise ou, au contraire, sur la perte de poids ?

Catherine Grangeard : Nous avons tous constaté que manger ne sert pas qu’à se nourrir. Parce que l’on a besoin de réconfort, de se consoler, bref il arrive que la nourriture soit antidépresseur, par exemple. Alors si la nourriture fait du bien, elle est utilisée parce qu’une émotion mettait en difficulté la personne. C’est une solution à une difficulté. C’est pour cela qu’il est difficile de rester raisonnable. Quelque chose à quoi on attribue des pouvoirs n’est pas perçu comme mettant en danger.

On peut alors aussi bien prendre que perdre du poids. C’est plus selon qui on est qu’en fonction des aliments. C’est cela qui est très important à souligner : alors c’est plus la personne qui compte dans son interaction avec les aliments que la qualité de ces aliments. Il faut donc bien en tenir compte lorsqu’on s’intéresse à son poids, ou si on accompagne des personnes en difficulté avec ces questions. Puisque c’est un fait, il n’est pas nécessaire de dire, juger, si c’est bien ou mal, ce sera même contre-productif, mais il s’agit de voir comment ne pas se mettre en danger avec ces mouvements qui ont leur raison d’être, ne l’oublions pas. C’est parce qu’une personne en a besoin qu’elle agit ainsi….

Pourquoi les femmes sont-elles plus concernées que les hommes ?

Excellente remarque. Dès la toute petite enfance, l’enfant n’est pas traité pareil s’il est fille ou garçon. Je vais vous relater une expérience, facile à réaliser si vous voulez vérifier. Prenons un bébé. Ce bébé pleure. Si on l’a présenté comme fille, lorsque l’on demande aux gens leur avis sur les raisons de ces pleurs, ils vont dire qu’elle a du chagrin, qu’elle est triste, … Si le même bébé est présenté comme garçon, qu’il est en colère, qu’il a mal quelque part. On constate que les attributions, c’est-à-dire les projections des adultes sont différentes selon le sexe de l’enfant. Ils pensent à des choses différentes en fonction du sexe supposé ! C’est le début d’une longue série d’évènements qui vont conditionner l’enfant à ressentir les choses telles qu’on les lui présente. De nombreuses expériences ont été menées, expérimentalement, puis analysées. On est en dehors de toute idéologie, je précise bien car les études sur le genre ont été le centre d’attaques idéologiques. Il faut bien voir qu’en deçà de toute récupération idéologique les projections sur ce que l’on pense être féminin ou masculin s’introduit dans les têtes, cela colore toute éducation. Ainsi les femmes, culturellement, ont été situées dans l’émotion de manière plus intense que les hommes. Lorsqu’on dit aux petits garçons de ne pas pleurer, ils se construisent ainsi, en rejetant leur côté sensible, parfois trop même, en refoulant leurs émotions. L’alexithymie (c’est-à-dire être coupé de ses émotions) est une maladie.

Les émotions sont vécues donc introjectées comme sexuées. Leurs expressions le seront donc bien évidemment !

Bien sûr il n’en est pourtant rien par nature…

Quelles sont les émotions qui provoquent de telles réactions et les effets sont- ils les mêmes pour tout le monde ?

Il s’agit d’une expression individuelle. L’histoire de la personne conditionne son rapport aux émotions. Nous l’avons montré ci-dessus, l’éducation oriente profondément vers un certain rapport au ressenti des émotions. Si elles sont dévalorisées, elles seront d’autant refoulées. Ce qui ne signifie en rien qu’elles soient inexistantes. C’est uniquement leur expression qui est empêchée. Leurs effets sont donc différents. La violence de l’émotion n’est pas concernée, c’est le mode d’expression qui diffère. Une certaine culpabilité à ressentir est même parfois exprimée !

La cartographie des émotions est très large. Des plus négatives aux plus agréables, c’est la vie ! C’est pour cela que dire qu’il faut se méfier des émotions est ridicule. Que les émotions sont bonnes ou mauvaises… non, elles sont, elles existent et c’est comme cela. En revanche, on canalise, on dompte, etc… parce que certaines sont propices à des débordements pouvant mettre en danger la personne elle-même ou les autres. Tout le monde ne vit pas avec la même intensité les mêmes émotions, c’est plutôt une différence de quantité que de qualité… Bien sûr, on va essayer de développer les émotions les plus nobles, les plus agréables et maîtriser les autres. Mais, ne l’oublions pas, chacun d’entre nous en tant qu’être humain connaît toute la palette… S’accepter est le préalable au traitement de ce qui pose problème, pour une raison ou une autre.

Certaines personnes sont-elles tentées au contraire de ne pas manger lorsqu’elles sont stressées et angoissées par exemple ?  

Voilà,… selon qui on est, aux mêmes stimulations, les réponses sont différentes, que ce soit au niveau conscient ou inconsciemment. Et c’est au niveau inconscient qu’il y a la plus forte incompréhension aussi bien individuelle que collective. Pourquoi cette personne se met- elle gravement en danger en agissant de telle manière alors qu’elle a "tout pour elle" ? Il y a des personnes pour qui rien ne peut plus passer dans certains cas et d’autres qui engloutissent. Ces réactions opposées à un même fait nous indiquent qu’il s’agit bien plus de raisons ayant à voir avec la structuration psychique interne qu’avec l’évènement extérieur. Certaines personnes vont serrer les dents, physiquement aussi, et donc rien ne peut plus passer. D’autres vont se remplir sans que la faim ne soit concernée, c’est une nécessité qui dépasse l’entendement. Encore une fois, c’est une question de degré qui fait une pathologie. Chaque lecteur a certainement fait l’expérience de ces moments… C’est important de se référer à soi pour mieux comprendre comment d’autres peuvent être entraînées, malgré elles, dans des difficultés qui les dépassent. Etre tenté n’équivaut pas à succomber. Nos zones de vulnérabilité ne se situent pas aux mêmes endroits. Mais qui en est exempt ?

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