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Perspectives économiques : et pour vous Jean-Yves Archer, 2015 sera-t-il un meilleur cru que 2014 ?
©Reuters

Atlantico boule de cristal

On voudrait nous faire croire que l'année 2015 pourrait marquer un rebond, un nouveau départ, bref, un retour de la croissance. Mais Jean-Yves Archer nous rappelle que ce n'est pas avec 1% de croissance - encore faut-il y parvenir - que l'économie française pourra respirer de nouveau.

Jean-Yves Archer

Jean-Yves Archer

Jean-Yves ARCHER est économiste, membre de la SEP (Société d’Économie Politique), profession libérale depuis 34 ans et ancien de l’ENA

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Les perspectives pour 2015 semblent devoir être segmentées en trois parties distinctes. D'une part, le niveau de l'activité économique. D'autre part, la vie sociale. Enfin, les secousses géopolitiques.

Sur le plan de l'activité économique, l'INSEE a récemment établi dans une note de conjoncture que l'année 2015 pourrait voir " les freins se desserrer " (sic) et ainsi atteindre 1% de croissance du PIB. Rappelons deux faits : 1% est le taux prévu par le gouvernement dans la loi de finances (PLF 2015) tandis que le HCFP (Haut conseil des finances publiques) juge "optimiste" (sic) ce chiffrage. Opinion partagée par le FMI, l'OCDE et différents instituts de prévision économique qui situent le curseur à 0,6 ou 0,7%.

Il est hasardeux de conclure sur un chiffre mais il est impératif de garder en mémoire deux points cruciaux. Ce n'est qu'à partir de 1,6% de croissance que l'économie française cesse de présenter un solde net de destructions d'emplois. Autrement dit, même avec 1% de croissance, la perspective pour 2015 est le maintien de la hausse du chômage de masse. Deuxième point, avec un tel taux de croissance (autour de 1%), l'Etat n'est pas en mesure d'escompter les recettes budgétaires qu'il a inscrites dans le PLF 2015. Le tassement de l'inflation, la remontée prévisible des taux obligataires nord-américains (dès l'été 2015 d'où un impact sur la charge de notre dette) et les pressions sur le pouvoir d'achat des ménages (voir hausses des tarifs publics dans des proportions conséquentes) entraîneront de moindres recettes fiscales. Le manque à gagner sera, tous éléments confondus, supérieur à 10 milliards d'euros. Ceci sera effleuré par Bruxelles en mars et traité par un collectif budgétaire à tenir avant l'été.

Nous allons donc continuer d'être un pays à forte pression fiscale qui voit néanmoins ses déficits se maintenir et sa dette publique s'accroître.

Le deuxième volet que je souhaite aborder est celui de la vie sociale. L'Unedic a émis une prévision chiffrant à plus de 145.000 personnes le nombre de chômeurs additionnels en 2015. Combien de temps notre pacte social pourra-t-il accepter un tel gâchis et cette gigantesque mise au rebut de près de 4 millions de femmes et d'hommes ? Les dispositifs mis en place depuis 2012 (contrats de génération et autres emplois aidés) jouent à la marge et n'ont pas atteint leurs objectifs. La réforme de la formation professionnelle continue de privilégier les "insiders" ( ceux qui ont un CDI ) au détriment des populations les plus vulnérables. Etat et partenaires sociaux n'ont pas réussi à relever le défi de l'employabilité de millions d'exclus qui sont, dans le meilleur des cas, contraints d'errer de CDD en CDD, parfois de quelques jours.

Cette précarité se conjugue, se noue, avec une montée visible de l'intolérance : la crise est trop longue pour trop de gens et des craquements se font entendre du fond de la vie sociétale. 2015 sera-t-elle le théâtre d'un conflit social sérieux ? C'est possible. Une chose est certaine, les investisseurs et les entrepreneurs sont parfois déroutés par la communication ou l'action gouvernementale et les futurs débats – épiques et épineux – sur la loi Macron ne seront pas de nature à stimuler l'acte d'investir. Or sans confiance suffisante et sans investissements corrélés, la politique de l'offre chère au décideur public ultime verra sa portée réduite voire devenue marginale.

Troisième volet, les secousses géopolitiques.

Il serait présomptueux de les classer par ordre hiérarchique mais il faut concevoir qu'elles peuvent se présenter simultanément, autrement dit s'additionner.

Il y a tout d'abord la rechute de l'Italie qui repart vers les affres de la récession et dont les experts les plus attitrés estiment que la situation d'impasse se rapproche. Puis, il y a les élections du 25 janvier en Grèce qui détermineront une partie de l'avenir de la zone euro. Selon mon analyse, les Grecs sont à bout du fait du poids de l'austérité à horizon quasi-perpétuel et ne pourront que demander une renégociation de leur dette (175% du PIB). Quel impact aura cette demande sur les créanciers et sur le mécanisme de stabilité mis en place ? Que décidera l'Allemagne ? Les marchés repartiront-ils dans une odyssée de spéculation contre l'euro ?

Par-delà les résultats électoraux, il est clair que la question grecque va marquer l'agenda du premier semestre 2015 en zone euro. A l'heure où la BCE s'apprête à déployer une politique vraiment accommodante (Q/E quantitative easing), un foyer hellénique pourrait fort bien nécessiter des mesures d'urgence voire des décisions radicales.

Là encore, c'est d'Allemagne (pays pourtant non dénué de banques à risque systémique du fait – notamment – du crédit hypothécaire) que viendra la tonalité dominante. L'euro est un jeu de dominos imparfaits qui n'est pas une " zone monétaire optimale " ( Robert Mundell ) : des secousses géopolitiques internes à l'Union sur fond de relance d'une forme de guerre froide pourraient bien, dès 2015, avoir de puissantes conséquences.

En termes de croissance, l'année à venir pourrait être meilleure sans pour autant améliorer : chômage, dette, impôts, précarité.

En termes d'évolutions historiques, l'ancien ministre des affaires étrangères Joschka Fischer a récemment écrit que 2015 serait remplie de risques pour l'Europe, sa monnaie et son rang. Sobrement, je partage cette approche avec componction.

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