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TGV marocain : 
un cadeau empoisonné ?
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La vie du raï

Reçu par Mohammed VI pour le lancement du TGV Tanger-Casablanca, Nicolas Sarkozy est ce jeudi au Maroc. Symbole pour Paris de la qualité des relations économiques entre les deux pays, le TGV marocain, qui circulera à 320 km/h, doit entrer en service en 2015 et faire passer la durée du trajet entre Tanger et Casablanca de 5 heures 45 min actuellement à seulement 2 heures 10 min.

Marc Fressoz

Marc Fressoz

Marc Fressoz, collabore à La Lettre de l’Expansion et à des journaux de transport.

Il est l'auteur de FGV Faillite à grande vitesse : 30 ans de TGV (Ed. le Cherche Midi, 2011) coauteur (avec Nicolas Beau et Laurence Dequay) de SNCF : la machine infernale (Ed. Le Cherche Midi, 2004) et du Scandale Eurotunnel (Flammarion, 2006).

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Atlantico : Quelle est la signification de l'implantation du TGV au Maroc, inauguré en grandes pompes ce jeudi par le roi Mohammed VI et le président Sarkozy ?

Marc Fressoz : Le TGV marocain est d'abord un cadeau que le président Nicolas Sarkozy a offert... au constructeur du TGV Altsom et à la SNCF qui va l'exploiter au Maroc. Ce sera aussi une - coûteuse - vitrine car notre TGV se vend très mal à l'export dans la mesure où il est assez cher par rapport aux concurrents asiatiques et même par rapport au concurrent espagnol.

Alors que fait ce TGV au Maroc ?

Le marché du TGV s'est conclu parce qu'on arrivait pas à vendre des Rafales. Quand Nicolas Sarkozy a été élu, il arrivait après des années d'effort de Jacques Chirac pour vendre le chasseur de Dassault. Le Maroc a accepté d'acheter le TGV pour se faire pardonner son achat de F16 américains. Mais comme les Marocains ont fait valoir qu'ils n'avaient pas l'argent pour payer le TGV, ils ont demandé un financement de la France. Nicolas Sarkozy a accepté : « Tu m'achètes le TGV français sans lancer d'appel d'offres et en échange, c'est moi qui finance cet achat ». C'est donc le vendeur, la France, qui finance l'achat de ce train à 400 millions d'euros, à travers un don de 75 millions de la France au Maroc complété par un prêt de 200 millions de l'Association française du développement sous forme d'un prêt à très long terme et a des taux préférentiels – un vrai « cadeau ! ». En plus, ce marché s'est conclu en 2007 avant la faillite de Lehman Brother. On a du donc racler les fonds de tiroirs pour obtenir la promesse...

Mais ce TGV est-il vraiment un cadeau, sachant que l'infrastructure du train est très onéreuse ?

Oui, d'un côté, ce TGV est prestigieux. Il renforce l'idée que le Maroc est un pays avec une économie ouverte et dynamique. Le Maroc avait déjà un port très moderne à Tanger. L'idée est d'avoir une ligne TGV de Tanger à Casablanca et ensuite d'aller dans le sud et de bâtir un réseau de 2000 Km.

Mais qui sera assez riche pour acheter un billet de TGV au Maroc sachant que la construction des lignes et l’exploitation extrêmement onéreuses rendent ce train extrêmement cher ? Le Maroc pourra-t-il compter sur les classes aisées, les touristes occidentaux, sur les retraites français qui s’achètent des villas au soleil, mais tout cela ne fait pas le plein... Ce TGV est peut-être un cadeau empoisonné car il risque de plomber l'ONCF, l'Office national des chemins de fer marocains, l'équivalent de la SNCF.


Le TGV risque-t-il de devenir un nouveau Concorde : performant mais difficilement vendable à l'export ?

Ce serait un Concorde sans ailes ! Je ne mets pas en cause le TGV. Je remets en cause la politique qui consiste à ne faire que du TGV. Pourquoi ? Parce que construire une ligne TGV coûte 20 millions d'euros le kilomètre. L'État - en France comme demain au Maroc- n'a plus les moyens de prendre ce coût à sa charge. Donc la dette de construction reste dans le système ferroviaire et le plombe complètement.

On déplore aujourd'hui 30 milliards d'euros dont la plus grande partie vient de l'héritage de la construction des lignes TGV. Cela pèse donc financièrement. Et les usagers de tous les jours payent la facture du TGV alors que 90% des personnes qui voyagent en train ne le font pas en TGV mais en TER, en train de banlieue. On a donc l'impression que le TGV a été fait pour des turbos-cadres et les bobos - qui partent beaucoup en week-end - et que pour les gens qui vont travailler tous les matins, il reste la bétaillère. Alors que le service public ferroviaire a d'abord pour but de transporter des dizaines de millions de gens chaque jour de chez eux au bureau.

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